A famous writer, an excellent novelist, new columnist at Wukali


Avoir l’idée de créer un journal qui parle d’art et de culture, c’est au départ un pari fou, une folie narcissique ou encore une invention vagabonde. Vouloir concilier plaisir et connaissance, culture et curiosité, local et universel et ouvrir à la littérature, l’histoire de l’art, la musique, la vulgarisation scientifique et les films d’animation par exemple, c’est un peu le point de départ farfelu, le cheminement de [**WUKALI.*] Au fil du temps le projet initial a pris vie et la chrysalide est devenue peu à peu papillon.

Des discussions, des rencontres, des dynamiques humaines et chaleureuses se sont creusées, de nouvelles plumes, de nouveaux talents sont venus enrichir la qualité de la rédaction du magazine, chacune dans leurs spécialités, leurs passions, c’est ce que j’appellerais « l’entropie de la culture.»

**Armel Job*] est un des plus grands romanciers d’aujourd’hui, écrivain belge, il est une des plus belles plumes de la langue française et le digne héritier de [**Georges Simenon*]. Chacun de ses romans est toujours attendu avec impatience, il vient de publier un nouveau livre intitulé [Une drôle de fille, une merveille ! (voir critique).

Olécio partenaire de Wukali

A ma demande, [**Armel Job*] a accepté de tenir une chronique dans WUKALI et c ‘est un immense honneur pour chacun d’entre nous. Son premier texte est teinté d’actualité, d’autres suivront avec régularité; la hauteur de vue de son approche est semblable à la perfection de l’astronome de [**Vermeer*] que j’ai voulu pour son illustration : une finesse d’analyse, un éclairage et de la rigueur descriptive, de la chaleur humaine et de la profondeur, un regard fringant, vif et sûr. Grand merci Armel Job, nous sommes très honorés, très heureux, oui vraiment, bienvenue à vous, Monsieur !

[**Pierre-Alain Lévy*]


[**L’âme des foules*]

Parmi les Essais de psychanalyse1 de [**Freud*], il n’est pas inintéressant de relire aujourd’hui celui qu’il a consacré à la psychologie de groupe. On y trouve, sur le comportement des foules, un grand nombre d’observations qu’il puise largement chez d’autres psychologues de son temps et qu’il reprend à son compte, à quelques retouches près, dans le but de les plier à une interprétation psychanalytique.

Pour Freud, la caractéristique la plus remarquable des mouvements de masse, quand il s’agit de manifestations spontanées échappant aux organisations structurées comme les syndicats ou les partis politiques, c’est l’abandon par l’individu de son autonomie psychique au profit d’un psychisme collectif. La personne qui était isolée, solitaire, abandonnée dans ses difficultés, tout à coup, se fond dans un groupe. Enfin, elle n’est plus seule, le groupe lui offre une nouvelle raison d’être à laquelle elle s’accroche comme à sa planche de salut. Maintenant, elle compte pour les autres, elle a sa place dans la troupe, une place égale à celle de chacun. Les différences sont abolies. Elle est prête à revêtir un uniforme, si élémentaire soit-il, car il ne lui importe plus d’être soi, accroché à un look individuel, elle veut être pareille aux autres. Elle a hâte de les rejoindre dehors, plus près de la nature où l’on se chauffe ensemble autour d’un archaïque brasero, dans un esprit de clan retrouvé. Ensuite, elle déambulera dans les lieux publics au coude à coude sous le regard supposé envieux de ceux qui sont restés solitaires. Dans ces moments-là, on ne s’appartient plus, on est emporté par la fraternité retrouvée de la même lutte, on adhère à la seule âme collective, plus facile, plus directe, plus enivrante.

Selon Freud, on assiste ainsi à un retour du psychisme individuel tourmenté par les interrogations, les doutes, les contradictions, à un état élémentaire plus simple, comme si un adulte redevenait brusquement un enfant avant l’âge de raison, dominé par ses sentiments, ses pulsions, son impatience, ses colères. La foule ne fait pas dans la nuance, elle exige tout, tout de suite, à cor et à cri. Elle ne discute pas, elle préfère les slogans, elle réclame des tribuns qui lui désignent le bouc émissaire qui endossera la cause de tous ses malheurs. Ne lui parlez pas d’accommodements, le plus souvent, elle préfère la force. Le cas échéant, elle ferme les yeux sur la violence, que chacun à titre individuel réprouverait, mais dont la plupart se défaussent sur le caractère irrépressible de l’élan collectif.

Nous laisserons Freud enfourcher seul ses dadas – la libido du groupe, la figure patriarcale au sein de la horde – pour nous arrêter à ces simples observations qui, peut-être, peuvent nous faire mieux sentir certains aspects des mouvements de masse. Qu’on ne se trompe pas. Il ne s’agit pas de les stigmatiser. On ne peut oublier que le plus souvent ils surgissent de la détresse des gens. Ce serait trop facile de leur jeter le regard froid de ceux qui, de leur confortable balcon, observent le désespoir en marche. Quand les foules semblent déboussolées, n’est-ce pas, selon l’expression des Évangiles, parce qu’elles n’ont plus de bergers ? N’est-ce pas la défection des élites enfermées dans leur bulle, sans lesquelles la démocratie représentative n’a plus de sens, qui laisse le peuple désemparé ? Les foules sont capables du meilleur, dès lors que des leaders attentifs, animés d’un idéal supérieur, les conduisent. Elles attendent leur [**mahatma Gandhi.*]

[**Armel Job*]


1 S. Freud, Essais de psychanalyse, Payot, 1980


Illustration de l’entête : Johannes ou Jan Vermeer (Delft, 1632 – Delft, 1675)
L’Astronome ou plutôt L’Astrologue.1668. 0,51 m/0,45 m. Musée du Louvre. Acquis par dation en paiement de droits de succession. R.F. 1983-28. Aile Richelieu, 2e étage. Hollande, deuxième moitié du XVIIe siècle. Salle 837


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WUKALI Article mis en ligne le 15/04/2019

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