Un des très bons romans d’aujourd’hui
Paul détient un bijou qui est sa déesse, sa raison de vivre : sa fille Bérénice pour laquelle il est prêt à tout, vraiment à tout. A sa naissance, il a décrété, sans vraiment en parler à son épouse Sylvie, qu’une enfant, c’est bien assez. Couple parisien de la moyenne bourgeoise, il essaie de tout faire pour que sa fille réussisse dans la vie. Ils n’habitent pas dans le bon arrondissement, enfin, la carte scolaire est telle que les établissements où doivent s’instruire Bérénice n’ont pas un bon classement. Il reste deux solutions, soit déménager (mais les prix de l’immobilier sont tels que c’est impossible), soit trouver une « boîte aux lettres » pour avoir une bonne adresse. C’est trouvable, à condition d’y mettre le prix et Bérénice se retrouve à Henri IV.
Bonne élève, elle peut rentrer dans les classes préparatoires. Bonne élève, travailleuse, elle développe un cursus scolaire à la hauteur des rêves paternels. Ce qui n’était pas prévu, mais alors pas du tout, c’est que Bérénice est devenue une jeune femme qui tombe amoureuse d’Ameyric.
Ameyric, sorte de Rastignac des temps modernes, sortant de son HLM de Bourg en Bresse pour réussir grâce aux études dans la vie et prendre sa revanche sur la société. Rastignac revu et corrigé par les idéologies maoïstes, anarchistes, ayant trop lu et très mal compris Deleuze, Foucault ou Althuser. Pour certains, c’est « un jeune con » qui se cherche. Bien sûr, il profite de la jeune fille, c’est tellement plaisant de se sentir adulé, et puis, c’est elle qui veut et il ne va pas la frustrer, enfin il ne va pas laisser passer l’occasion. Soit c’est un amant déplorable avec son éjaculation précoce, mais elle ne va pas se plaindre, c’est ce qu’elle veut.
Bien sûr, il finit par se lasser, a être attiré par une autre, et il quitte la jeune fille. Elle tombe en dépression et son travail s’en trouve compromis. Paul veut la réussite de sa fille, il y a un obstacle, alors il trouve une solution : il paie Ameyric pour qu’il couche avec sa fille. En quelque sorte il lui paie un gigolo ou un prostitué. Évidement, cette transaction finit par être dévoilé, et tout finit très mal pour tous les protagonistes.
Un père trop aimant, les premiers émois d’une jeune fille, un jeune homme d’un égotisme total, le tout mâtiné dans un Paris contemporain. Les sentiments des personnages sont intemporels, le lieu, le moment où ils se développent sont d’une totale actualité. A se demander s’il n’y a pas du vécu dans cette histoire tant elle paraît réaliste.
Et puis (voire surtout), il y a l’écriture de Philippe B. Grimbert. Un torrent de mots virevoltants en tout sens teinté d’un lyrisme vibrionnant. Grâce à son style, il nous dépeint ses personnages dans de longs paragraphes qui nous plongent dans l’intimité de leurs pensées, de leurs raisonnements. Un exemple parmi tant d’autres : « Paul n’était que « ce petit bourgeois obsédé par la conservation ad integrum de ses privilèges claniques n’ayant qu’un seul but : éviter qu’une sous merde de Bourg-en Bresse, mette en péril son programme d’élevage sélectif. Tout cela l’autorisait, sans aucune inhibition, à la supplier à baiser sa fille avec sa bénédiction paternelle. A chaque fois qu’il le ferait, qu’il enfoncerait son dard provincial dans la chatte soyeuse de Bérénice… il aurait une pensée émue pour son père, lui, le soldat parti en mission de sauvetage humanitaire sur le triangle pubien de sa fille. Il allait la baiser sans ménagement, comme l’employé docile qu’il était à ses yeux, nourri au McDo toute sa jeunesse, en était capable afin d’éviter au coquelicot une fanaison précoce et surtout une déréliction dans les antichambres de la médiocrité universitaire. Ameyric pris la décision de ne s’imposer dans ses relations avec Bérénice aucune contrainte, de s’octroyer sans retenue toutes les libertés que son corps gracile et son cerveau engourdi suscitaient en lui. »
Et ce n’est qu’un exemple, tout est à l’avenant.
Une lecture souvent jubilatoire !