Ai Weiwei exilé depuis peu d’années en Allemagne est intervenu à l’occasion d’une visioconférence qui vient de se tenir à Oslo sur l’épidémie liée au Coronavirus et de la gestion de crise par les autorités chinoises . Il fut longtemps prisonnier d’opinion dans son propre pays. Nous avons souvent traité dans les colonnes de WUKALI de l’oeuvre conceptuelle de cet artiste chinois intéressant et courageux (voir en fin d’article).
La pandémie liée au Coronavirus COVID 19 percute nos sociétés et provoque une sidération dans tous les pays du monde. Si son centre épidémiologique se trouve en Chine à Wuhan 武汉, il s’est très rapidement diffusé sur toute la planète. Ce virus encore inconnu voila seulement quelques mois de la communauté médicale et scientifique internationale ravage et provoque douleurs, questionnements multiples et inquiétudes. Ainsi il bouleverse le monde, percute la connaissance épidémiologique virale, et pose des interrogations. Sa progression ravageuse dans la ville de Wuhan en avait troublé plus d’un à commencer par les autorités chinoises qui en avaient minimisé l’impact. Un tel élément exogène de perturbation dans le système bien huilé et totalitaire des héritiers de Mao ne pouvant bien entendu être toléré
Dans ce fil conducteur, !e médecin chinois et lanceur d’alerte Li Wenliang , premier à avoir mis en garde sur la dangerosité de ce Covid 19, avait été même convoqué par la police chinoise qui lui reprochait de diffuser « des rumeurs ». Sa mort soudaine peu de temps après glaça d’effroi. Fauché par le coronavirus nous dit-on. Il est aujourd’hui célébré comme un héros. Bien sûr !
Dans ce contexte, l’ artiste dissident chinois Ai Weiwei a participé le 14 et 15 avril à une visioconférence organisée par le Oslo Freedom Forum, une fondation à but non lucratif des droits de l’homme, pour expliquer comment la censure et la désinformation ont affecté les nouvelles entourant la pandémie de coronavirus (Covid-19) en Chine et à l’étranger.
Pour ces raisons et dans une courte vidéo, Weiwei a répondu à une série de sept questions. Concernant la campagne internationale organisée par Pékin pour féliciter les responsables communistes pour leur gestion de la pandémie, y compris une campagne pour «remercier» le président chinois Xi JinPing 习近平pour ses efforts dans la lutte contre le virus.
À cet égard, Weiwei a déclaré que «ce n’est que de la propagande» visant à créer une atmosphère favorable au gouvernement et exonérer les dirigeants chinois de leurs responsabilité. La «campagne de gratitude» (comme la nomme dans leur inénarrable terminologie les autorités chinoises) a reçu une vague de réactions violentes – que le gouvernement a cherché à effacer, mais pas avant d’avoir atteint les principaux médias – de la part de citoyens de Chine et en particulier à Wuhan, l’épicentre du virus.
Ai Weiwei a ajouté: «Pendant toute cette crise des coronavirus, il y a eu beaucoup de colère et d’inquiétudes au sujet du parti communiste. La pandémie a coûté la vie à des milliers de personnes et a été subversive pour la nomenclature chinoise. Les gens veulent simplement que les entreprises mondiales reviennent à la normale dès que possible [mais la campagne de communication] n’évoque pas une vérité ou un argument clair. Ce n’est qu’un signe d’un autre échec du gouvernement chinois. »
L’artiste soutient que la diffusion contrôlée de l’information en Chine a permis au gouvernement de manipuler et de fausser les rapports sur la pandémie. «Sur une longue période de temps, les gens n’avaient aucune idée de ce qui se passait et cela a permis au virus de se propager, et pour les gens de remettre en question la situation réelle, comme, d’abord, d’où vient cette maladie et comment s’est-elle propagée?«
En outre, il ajoute que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a également œuvré en faveur de la Chine et a tenté en quelque sorte de ne pas «donner une idée claire de la gravité du problème». En général, affirme-t-il, « les Occidentaux ne s’en soucient pas […] tant que cela n’affecte pas les affaires« , mais que cette crise est différente parce qu’elle a touché le monde entier.
Effectivement, l’OMS a failli de ce côté là comme le rapporte FranceInfo : Un retard à allumage, c’est en premier lieu ce qui est reproché à l’OMS. L’organisation a d’abord tardé à reconnaître que la transmission du virus entre humains était possible. Le 31 décembre, l’organisation, basée à Genève, est informée qu’un « mystérieux virus » respiratoire touche la province chinoise du Hubei. Le 14 janvier, le bureau de Santé de Wuhan suggère que la transmission entre humains « ne peut être exclue, même si le risque d’une transmission soutenue est faible », rapporte Le Monde. Pourtant, le même jour, l’OMS relaie dans un tweet que « les enquêtes préliminaires conduites en Chine n’ont pour l’instant pas apporté la preuve d’une transmission interhumaine du nouveau coronavirus ».
Quant à la relation entre l’OMS et la Chine, voici ce que précise toujours sur ce sujet FranceInfo : « Depuis le début de la crise, l’organisation est accusée de faire trop confiance aux autorités chinoises. Lorsque le virus a fait son apparition sur le marché de Wuhan, les autorités sanitaires chinoises ont d’abord fait taire les lanceurs d’alerte, comme le docteur Li Wenliang, et ont minimisé l’ampleur de l’épidémie. « L’OMS aurait pu être plus efficace, en particulier dans les phases initiales de la crise, lorsqu’il y a eu des dissimulations et et de l’inaction », juge Yanzhong Huang, expert mondial de la santé spécialiste de la Chine à l’Université américaine de Seton Hall (New Jersey), dans les colonnes du New York Times.»
« La Chine a un fort impact sur l’économie et la politique mondiales et, tout particulièrement après cette crise, tous les pays du monde devraient réfléchir sur ses conséquences ainsi que du rôle devenu pivot de la Chine dans les relations internationales.
Depuis bien longtemps, et sa vie en est la preuve, Weiwei a également examiné quel était le rôle des artistes et des intellectuels dans la société chinoise. Ainsi affirme-t-il qu‘ «être un esprit libre et individuel ou une voix critique , c’est comme le suicide en Chine- c’est tout bonnement impossible», et d’ajouter: « L’art joue un rôle crucial dans les sociétés, mais en Chine, il ne fonctionne jamais comme il le devrait en raison des lois strictes actuelles de censure. »
L’artiste aujourd’hui basé à Berlin a également brièvement évoqué les dangers auxquels il était confronté en tant qu’artiste activiste en Chine, dont il est auto-exilé depuis 2015. «J’ai été tout bonnement effacé pour tous les médias, y compris Internet, et j’ai physiquement affronté brutalités policières et détention – le gouvernement chinois a utilisé tous les moyens possibles pour salir mon nom », dit-il. «Je pense qu’une société saine permettrait la liberté d’expression et la libre circulation de l’information et de la communication.» On en est loin!
La visioconférence s’est poursuivi Mercredi 15 avril avec des thèmes tels que «Autoritarisme et santé publique en période de pandémie» et «Comment la pandémie modifie la relation entre le citoyen, la technologie et l’État».
Quand Wukali parle de l’oeuvre d’AI WEIWEI et de la censure en Chine. (Cliquer)
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Illustration de l’entête: Ai Weiwei, Étude de perspective – Tiananmen, 1995-2010 C-print, 32,5 x 43,5 cm © Ai Weiwei