Un dernier mystère reste à éclaircir : pourquoi ai-je pris la peine de rédiger ces articles sur les mystères de la finance ? Qu’est-ce qui m’y a poussé ?
Une de mes très charmantes et très proches amies avait pour habitude de critiquer les banques et le système bancaire comme si ce dernier n’était peuplé que de vampires assoiffés de sang dont le seul objectif est de se repaître du fluide vital d’un peuple souffrant. En fait, elle ne faisait que reprendre le discours ambiant de la société française sur ce sujet.
Ayant passé 40 ans dans des banques internationales, j’avais quand même quelques idées sur le sujet. Je tentai de convaincre ma jeune amie que, si, en effet, le système bancaire est critiquable, encore faut-il comprendre comment il fonctionne, afin de rendre les critiques pertinentes et ne pas dire n’importe quoi.
D’où ces quelques articles où j’essaie de lever le voile sur certains aspects du fonctionnement des banques, articles qui, je l’avoue, enthousiasmèrent celle qui m’encouragea alors à en faire plus.
Je refusai.
N’étant pas du genre Sisyphe, je ne me senspas la force de rectifier les tonnes d’idées préconçues et totalement fausses qui hantent hélas les débats de l’intelligentsia française. De fait, il n’est pas possible d’avoir, en France, un débat cohérent sur les sujets économiques : on bascule tout de suite dans la posture, le sophisme, l’invective et l’incohérence.
Pourquoi ?
Parce que, de mon point de vue, les Français sont totalement ignorants des principes les plus élémentaires de la science économique; une science qui ne cesse de se tromper, c’est vrai, mais qui a quand même parfois raison.
Le halo de marxisme diffus qui continue de flotter sur la société française fait que Capitalisme égale forcément Exploitation du Peuple, Argent égale Corruption comme disait le regretté président Mitterrand, Bourse égale Enrichissement sans cause des plus riches, et Libéralisme égale Poursuite effrénée de l’Argent-Roi, etc…
Pourtant, et même si le capitalisme mérite d’être réformé, les alternatives sont loin d’avoir fait leurs preuves… Les erreurs de politique économique, si elles sont persistantes, sont la cause des grands malheurs des peuples. A titre d’exemple, citons l’Argentine, un des pays les plus riches au monde au début du XXe siècle, mais qui, avec le péronisme, s’est enfoncé dans un endettement endémique dont il n’est toujours pas sorti, plongeant les Argentins dans le malheur. Ou encore le Venezuela, qui combine d’énormes réserves pétrolières avec une population qui crève de faim.
La pandémie du coronavirus, le confinement, la crise économique majeure qui en découle, ont conduit le gouvernement à ouvrir grand les vannes des déficits budgétaires et de la dette, prenant le pauvre président Macron totalement à contre-pied : lui qui voulait ramener la France à l’intérieur des critères de Maastricht, réduire les déficits et la dette, le voilà contraint de faire exactement l’inverse.
D’où les commentaires en vogue sur les plateaux de télévision : « quand il s’agit de santé publique -ou de sauver des vies, (c’est selon)-l’argent importe peu», ou encore « la santé avant l’économie», ou encore, « quand on veut de l’argent, on en trouve» ( oui, on en trouve en augmentant la dette d’une façon indécente ).
Et les commentateurs de souligner que la France est la 6ème puissance économique au monde (en fait c’est la 7ème, et sur la pente descendante), oubliant qu’en termes de PIB par habitant, nous somme 29ème, et descendant aussi…
Le malheureux qui cherche à faire entendre la voix de la raison est balayé par un tsunami d’injures.
Prenons, par exemple, les déficits.
On ne peut pas vivre durablement, depuis 40 ans, avec des déficits budgétaires ininterrompus qui augmentent la dette publique.
On ne peut pas systématiquement dépenser plus qu’on ne gagne.
On ne peut pas redistribuer si l’économie n’est pas performante.
On ne peut pas indéfiniment augmenter la dette publique, car les taux d’intérêt vont remonter un jour et les marchés vont finir par s’énerver.
Détail passé totalement inaperçu : le 15 mai dernier, l’agence de notation Fitch (on pourra peut-être un jour expliquer ce qu’est une agence de notation), a abaissé la note AA+ de la France de stable à négative, ce qui lui donne la possibilité de dégrader la France dans les 2 ans qui viennent. Certes, AA+ reste une excellente note, mais à force de dégradations (la France était, avant la crise des sub-primes, une nation AAA, la meilleure note), on risque un jour de finir en « obligations pourries», comme la Grèce…
Comme cela se passe dans le privé, le secteur public devrait pouvoir être soumis à des examens réguliers afin d’améliorer sa gestion : une bonne gestion n’est pas un gros mot, on peut toujours faire mieux avec les mêmes ressources, voire avec moins.
Ce qui est la règle dans le privé ne pourrait-il pas être la règle dans le public ?
Ô, lecteur, je suis bien conscient de l’incongruité de mes propos
Durant le confinement, les médias ont bien fait de me rappeler que, en raison de mon âge, je faisais désormais partie des « plus fragiles», de cette catégorie de la population que nos jeunes amis, en raison du « principe de précaution» (qui est une notion de vieillards), doivent prendre soins d’alimenter en portant chez eux la nourriture que les « plus fragiles» sont bien incapables de se procurer tout seuls. En un mot comme en cent, je suis « un facteur de risques ».
Cela en attendant de faire partie des « plus démunis », catégorie vedette de la société française, mais au vu de la situation, j’en ferai bientôt partie.
Mes propos sont des discours de dinosaures, des propos de l’ancien monde, alors qu’est en train de naître sous nos yeux un monde nouveau, un monde merveilleux où les déficits abyssaux n’ont plus aucune importance et la dette est sans fond.
La France, dans sa singularité, est un pays magnifique, c’est mon pays. Je l’aime. Ses paysages, ses campagnes, ses hommes et ses femmes du terroir, sont uniques au monde. Ses idées -parfois farfelues- font le tour du monde et inspirent l’humanité entière.
Mais c’est un pays qui a besoin d’hommes providentiels (ils sont souvent vieux !) tels de Gaulle, incroyable géant qui, pendant le Deuxième Guerre mondiale, a réussi à transformer la France d’une nation de vaincus en une nation de vainqueurs. Cela à la seule force de son esprit et de sa volonté.
Quant à la Chine, un homme seul s’est un jour penché sur la belle endormie, et lui a murmuré à l’oreille la formule magique. La belle s’est réveillée, s’est levée, et a transformé la Chine en deuxième puissance économique mondiale. Peut-être un jour sera-elle la première. Cet homme, c’est Deng Xiao Ping 邓小平. La formule magique, nous pouvons aujourd’hui la révéler : « Peu importe qu’un chat soit blanc ou noir, pourvu qu’il attrape les souris». C’est-à-dire : soyons pragmatiques, laissons tomber les idéologies, voyons ce qui marche et ce qui ne marche pas et jetons le reste par- dessus bord.
Alors, il est temps de nous réunir autour d’une table ronde plongée dans une profonde pénombre. Posons, dans un silence lourd de signification, nos mains bien à plat sur cette table, concentrons-nous, et prononçons la formule magique : « Esprit de Deng, es-tu là? ».
Illustration de l’entête: Deng Xiao Ping, avec écrite en idéogrammes 猫是白色还是黑色都没有关系,只要它能捉住老鼠, la désormais célèbre formule des chats.