Comment ne pas se souvenir du plaisir ressenti à la lecture de l’Autobiographie d’une courgette quand on voit que son auteur, Gilles Paris vient tout juste de publier un nouveau texte ? Le livre, pas l’adaptation cinématographique, car, hélas, trop souvent, le passage à l’image simplifie, caricature, gomme bien des subtilités que permet l’écriture.
Je dois reconnaître qu’hormis ce roman je n’avais pas eu l’occasion de lire d’autres textes de Gilles Paris. D’ailleurs, je reconnais aussi que depuis que je chronique dans WUKALI, je n’avais pas fait le rapport entre l’écrivain et l’attaché de presse qui me titille pour lire telle ou telle nouvelle parution. Bon, maintenant c’est fait.
Mais revenons à L’autobiographie d’une courgette. Maintenant je sais, j’ai une des clés qui me permettent de comprendre le contexte de la genèse de ce roman, la réalité, le vécu de l’auteur, ses souffrances qu’il a su transcender dans et par la fiction. En même temps, son dernier opus : Certains cœurs lâchent pour trois fois rien est une œuvre totalement « indépendante » de toute la production littéraire de Gilles Paris. Il n’est pas nécessaire d’avoir eu à le lire pour comprendre son oeuvre littéraire antérieur.
C’est un tout. Pas un roman, pas une autobiographie non plus. Non, une sorte de discussion libre, un monologue face à un auditoire (les lecteurs) qu’il sait attentif et captivé, et cela grâce à la justesse de ses mots, à son style parfait. En quelque sorte un monologue sur lui-même, sur ses blessures, son mal être.
Il se met à nu car, il sait au fond de lui-même qu’il ne sera pas jugé. Gilles Paris livre son témoignage en le transcendant en quelque sorte pour en faire le témoignage unique d’un être humain unique. Il ne s’apitoie pas sur son sort, n’accuse personne.
Ses échecs, il les prend à corps, il assume l’homme qu’il est aujourd’hui, que ses choix soient bons ou mauvais. C’est un vrai homme libre qui nous parle, donc un homme responsable, pas une de ses personnes jamais contentes de leur vie comme on en croise tant. Vous savez, vous comme moi aussi vous en connaissez des tonnes, de ces individus maugréant sur leur environnement, en oubliant qu’ils sont les principaux responsables de leur situation. S’ils avaient fait d’autre choix, elle serait différente, et ce ne sont pas les « autres », le « gouvernement » qui en sont la cause.
À cet égard Gilles Paris se dévoile, comme il a dû le faire tant de fois avec tant de psychiatres qu’il fréquente assidûment. Pour autant ce n’est pas une auto-thérapie, non, je me répète, un simple témoignage sans concession.
À la base, il y a, dans ce livre, tout ce qui m’énerve : la drogue, l’alcool, la « jetset » (magnifiques moments passés avec Françoise Sagan), les voyages autour du monde et l’argent qui semble facile mais qui manque tout le temps. Enfin ces pleurnicheries d’enfants gâtés, pourris, nés avec une cuillère en or dans la bouche et qui se lamentent sur leur sort. Or, contrairement à beaucoup (à beaucoup trop), Gilles Paris ne pleurniche pas. Il ne triche pas avec son passé, ses addictions, il se comporte en quelque sorte en spectateur, il nous dit simplement : voilà le véritable homme que je suis, sans plus ni moins. C’est rare une telle honnêteté.
Il ne cache rien: ce père absent, le soumettant à une violence inouïe, aussi bien physique que morale (qui le traite depuis toujours de raté), cette mère adulée, mais brisée par la vie. Cette sœur adorée qui elle aussi est en souffrance. Il ne cache rien, ses dépressions, ses tentatives de suicide, son homosexualité, son mal vivre et sa volonté, profonde, farouche de toujours surmonter les épreuves, mêmes les plus dévastatrices pour vivre et continuer en se protégeant et en protégeant les autres.
Et à la fin, le lecteur se demande si ce magnifique témoignage est bien pour lui, s’il ne s’est pas, en quelque sorte, comporté en une sorte de voyeur. Il ne demandait rien le lecteur, et voilà qu’une vie, une vraie vie le percute, le bouscule, lui saute dessus. Alors il prend, il apprécie et il se demande si Certains cœurs lâchent pour trois fois rien n’est pas une exceptionnellement belle déclaration d’amour, de confiance, sans fausse pudeur, à Laurent, son mari.
Voilà, j’ai fini par trouver. Certains cœurs lâchent pour trois fois rien n’est pas un roman ni une autobiographie mais une déclaration d’amour.
Laurent, qui, indéniablement, souffre des pathologies psychiques de Gilles Paris, a beaucoup de chance de vivre avec lui.
Certains cœurs lâchent pour trois fois rien
Gilles Paris
éditions Flammarion. 19€