Seymour, seul dans son appartement passe son temps ce dimanche là à ne strictement rien faire si ce n’est boire du whisky et fumer cigarette sur cigarette. Il ne s’ennuie pas pour autant. Indéniablement cet état de fait, ne strictement rien faire en attendant, strictement rien si ce n’est que le temps s’écoule, représente pour lui un certain art de vie. Voilà un style de vie qui lui va très bien car il est lent, très lent quand il s’agit de réfléchir. S’il ne l’a pas compris, le lecteur n’a pas lu, car c’est mentionné au moins une dizaine de fois au cours de ce roman.
Donc, ce dimanche là, comme à son habitude les dimanches soirs, Seymour ne fait rien quand il découvre sur son paillasson une offre grassement payée : aller à une vente aux enchères à Genève et acheter un lot précis de tableaux. Il a crédit illimité, le tout c’est d’être l’adjudicateur de ces 33 tableaux. Le commanditaire est un certain Gordji, marchand d’art, grand adepte de cocaïne et quelque peu truand.
Non sans avoir acheté costumes et chemises à boutons de manchette (très important les boutons de manchette pour paraître plus riche que l’on est), Seymour part en Suisse pour participer à cette vente. Il s’acquitte de cette tâche sans mal (certaines toiles atteignent des sommets, mais comme l’argent est loin d’être un problème, ce n’est qu’une formalité).
Là il y rencontre une belle veuve richissime, Natacha, avec qui il commence une liaison. Les tableaux finissent dans un hangar dans le port franc de Genève pour partir à New-York. Mais Seymour, sans vraiment avoir de plan ni de but précis, décide de doubler Gordji. Et voilà qu’il est poursuivi par les hommes de main de ce dernier, plus quelques mafieux russes. Il entraîne dans son délire la belle Natacha, mais aussi son ex Benny. Tout cela finit par une sorte de fort Chabrol dans le hangar de Genève.
Que dire. Le monde de l’art est amoral, même des marchands ayant pignon sur rue sont des escrocs prêt à tout (même vendre des faux pour des vrais) pour faire de l’argent. Sinon, sinon c’est mauvais : on ne comprend rien à la démarche de Seymour (à part, bien sûr, qu’il est lent) et que dire de Natacha qui est prête à tout perdre même sa vie pour un homme qui certes la fait jouir, mais qu’elle n’aime pas. Le frisson de l’inconnu ? Le plaisir de franchir une ligne blanche (même si, indéniablement, elle ne connaît ni les tenants et aboutissements des motivations de son amant, elle ignore même qu’il essaie d’escroquer un escroc).
Quant à Gordji, c’est sûrement le summum de l’irréalisme. Ainsi il prend un semi inconnu pour monter son affaire et surtout il ne le surveille pas, le laisse faire, lui laisse dépenser des millions d’euros sans strictement poser des gardes-fous. Certes, avec son addiction à la cocaïne (au moins deux kilos sniffés dans la durée du roman), il ressemblera pour certains soit à un personnage de Tarantino, soit pour d’autres à un mauvais acteur d’un très mauvais film de série B, voire C.
Seule le personnage de Benny est réaliste : elle rejoint son ex parce qu’on lui a dit qu’il avait de l’argent et elle en a besoin.
J’avais apprécié Un collectionneur allemand et Un tableau neigeux du même auteur. Même Balzac a écrit de mauvais romans et Mozart de la mauvaise musique. Je n’ai aucun doute que le prochain roman de Manuel Benguigui sera à la hauteur des premiers.
Port Franc
Manuel Benguigui
éditions Mercure de France. 15€