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La question de l’eau, le réchauffement climatique en regard de la politique internationale

par Anas Ouassi

Comment les sécheresses sur la planète ont engendré une cascade d’événements et ont pesé sur la politique internationale ces dix dernières années

L’eau, existe-t-il avec l’air une ressource plus indispensable à la vie, ce constat d’évidence se déploie sur toutes les activités humaines et est d’importance capitale en termes géostratégiques. On parle désormais d’hydrodiplomatie.


En préambule, signalons que la NASA a envoyé dans l’espace en 2006 deux satellites dans le cadre du programme « GRACE » (Gravity Recovery And Climate Experiment -(*)-) pour le suivi de l’évolution de l’eau douce y compris souterraine de la planète. Le principe gravitationnel est utilisé sur deux satellites se suivant sur la même orbite puis analyse des modifications d’altitude au droit des masses d’eau. Ces satellites font un tour complet de la planète toutes les 84 minutes et 30 secondes. Le responsable du projet, « Troy », se rend compte assez rapidement de la surexploitation des nappes aquifères entre 2006 et 2008 en Syrie, et il prévient le Pentagone

La Syrie connaît en effet un manque de pluie depuis plusieurs années consécutives. Une sécheresse durable s’est installée et les cultures poussent moins que d’habitude obligeant les agriculteurs à puiser l’eau du sous-sol. Mais, le gouvernement coupe l’approvisionnement en diesel du pays dans un contexte de forte hausse du prix du pétrole. Or, le diesel est le carburant utilisé pour alimenter les pompes de forage. La population n’a presque plus rien à boire et rien à manger. Jusqu’à 85% du bétail meurt. Un exode rural en masse s’amorce vers la périphérie des grosses villes syriennes. 

Dans le même temps en 2008, l’Australie subit une terrible sécheresse d’occurrence 1.000 ans selon les spécialistes. C’était en été dans l’hémisphère sud, et l’hiver dans l’hémisphère nord. Et, il faut savoir qu’en hiver, les pays de l’hémisphère nord dépendent des pays de l’hémisphère sud pour l’approvisionnement en blé et autres céréales. Par conséquent, la sécheresse empêche de fournir des matières premières alimentaires au reste du monde. 

Olécio partenaire de Wukali

Il faut savoir que cette situation s’est amplifiée en 2010 par un autre épisode de sécheresse en Chine qualifiée de la « pire du siècle ». La Chine est contrainte de réclamer encore plus de blé et de céréales sur ses marchés d’importation. 

C’est ainsi que la pénurie du blé en Chine et en Australie fait grimper le prix du blé en Syrie et en Égypte. L’Égypte et la Chine réclamant plus de blé, il y en avait moins sur les marchés. 

Toujours en 2010, la Russie connaît aussi une grosse sécheresse et décide de réduire de 80% ses exportations de blé. Une flambée des prix se propage alors partout dans le monde. C’est le « Noël » des spéculateurs et on voit des bonds de 130% des prix du blé : l’offre étant très limitée, la demande a explosé. 

Alors que les prix du blé montent, les marchés spéculent encore plus sur les denrées alimentaires car les pays riches disposent non seulement des infrastructures pour stocker ces denrées mais aussi des bateaux pour les transporter. 

Dans le même temps, les pays arabes, ceux du Moyen Orient notamment, non seulement n’ont rien vu venir mais en plus n’ont pas les mêmes moyens en termes de stockage et de transport. Et, dans ces pays, le prix du blé et des céréales a flambé de 300%. La population est touchée par la famine. La faim aliment la colère des peuples à l’égard de leurs dirigeants. Des émeutes éclatent conduisant au renversement des régimes : le « Printemps Arabe » est l’expression de toute cette crise. 

En Syrie, la population est galvanisée par ce qu’il se passe ailleurs. C’est ainsi que victime elle-aussi de la sécheresse, elle descend à son tour dans la rue. C’est l’escalade et la guerre civile s’initie face à un gouvernement ne voulant pas tolérer les mouvements populaires. La population syrienne subissant la guerre, en plus de la famine, fuit le pays. Plus d’un million de personnes prennent la route. Les migrants fuient vers l’Europe et pour le Royaume-Uni notamment via la Turquie en particulier. 

Cette situation, en 2015, pèse sur le débat du Brexit. Le résultat est que le Royaume-Uni quitte l’Union Européenne contre toute attente y compris pour les plus eurosceptiques anglo-saxons les plus virulents. La peur des migrations de masse a une influence directe sur les élections des pays démocratiques occidentaux. Elle s’est propagée jusqu’aux États-Unis amenant Trump au pouvoir avec la rhétorique « L’Amérique d’abord » hostile aux étrangers se traduisant entre autres choses par un programme de construction d’un mur à la frontière avec le Mexique. On connait la suite … 

Tout cela établi, on peut se questionner de manière prospective sur d’autres scénarii. Que se passerait-il s’il y avait une catastrophe climatique en Chine, en Inde, au Pakistan ou au Mexique ? Les dynamiques seraient alors plus sensibles avec des conséquences plus terribles dans ce monde globale et interconnecté. 

Cartographie des anomalies de gravité hydrographique à partir de 363 jours de données obtenue par le système GRACE (GGM02S)

De l’eau et du climat

Plus aucun pays ne peut plus se permettre de négliger la question de l’Eau et du Climat.  D’ailleurs, depuis 2016, le Forum Économique Mondial a classé le problème de l’Eau au même niveau que les armes de destruction massive, les pandémies et l’échec de la lutte contre les changements climatiques. 

Cependant des solutions existent à l‘instar de la gestion de l’eau par New-York pour les zones tempérées et humides, ou d’Israël pour les zones sèches. 

C’est pourquoi il faut aussi protéger, voire augmenter les surfaces de forêts car les arbres gênèrent des poussières qui amènent la production de gouttelettes d’eau dans l’atmosphère. 

Attention aussi à la « défaillance multi-organique » planétaire. Cette terminologie médicale de soin intensif n’est pas choisie au hasard. C’est déjà ce qu’il se passe au Brésil où, à Sao Paulo, une rivière de mousse polluante est apparue par manque d’eau. C’est un bel et triste exemple de cette « défaillance multi-organique ». L’homme génère toujours plus de pollution dans des cours d’eau qui se tarissent induisant des hausses de concentration de polluant que traduisent les mousses. 

 

L’Eau est le sang de la Terre qui donne la Vie

92% de la consommation d’eau douce va vers l’agriculture et l’alimentation du bétail la production de viande et de lait de manière industrielle. 

D’ici peu, l’homme va surconsommer 40% d’eau douce qui ne représente que 1% des eaux de la planète. 

* Extrait site CNES : « Depuis 2002, 2 satellites surnommés « Tom et Jerry » se suivent sur la même orbite à 480 km d’altitude. Leurs variations de distance révèlent les irrégularités du champ de gravité terrestre. 

GRACE (Gravity Recovery And Climate Experiment). Illustration NASA

GRACE (Gravity Recovery And Climate Experiment) était une mission conjointe aux agences spatiales américaine et allemande basée sur 2 satellites identiques : GRACE-A et GRACE-B. Surnommés « Tom et Jerry », ces 2 satellites s’envoyaient en permanence des trains d’ondes électromagnétiques permettant de déterminer la distance les séparant avec une précision micrométrique – soit de l’ordre de grandeur de l’épaisseur d’un cheveu humain. Cette distance de 150 à 300 km (ajustable par manoeuvres) variait de quelques dizaines de mètres sous l’influence des irrégularités du champ de pesanteur dans lequel les satellites évoluaient. 

En mesurant de manière continue ces modifications de distance, les scientifiques reconstituaient des cartes détaillées du champ de gravité terrestre jusqu’à une résolution spatiale de 200 km. Ces cartes mensuelles ou décadaires du « géoïde » mettent en évidence les évolutions temporelles des masses d’eau, de neige ou de glace, voire même les déformations dues aux grands tremblements de Terre. Ces informations sont cruciales dans l’étude des océans, de la géologie et du climat de la Terre, notamment dans le contexte du réchauffement climatique. 

GRACE était complémentaire à la mission européenne GOCE (Gravity field and steady-state Ocean Circulation Explorer) qui s’est achevée en 2013 et qui a permis de dresser le géoïde de la Terre à une résolution spatiale plus fine, de l’ordre de 100 km. 

De nombreux laboratoires français dont l’équipe de Géodésie spatiale du CNES sont impliqués dans l’exploitation des données de GRACE. Cette collaboration continue avec GRACE-FO (Gravity Recovery And Climate Experiment Follow-On), une deuxième série de satellites jumeaux lancés le 22 mai 2018 par les agences spatiales américaine et allemande. » 

Annexes documentaires 
« https://fr.wikipedia.org/wiki/Gravity_Recovery_and_Climate_Experiment » 
« https://www.jpl.nasa.gov/news/prolific-earth-gravity-satellites-end-science-mission/ » 
« https://www.jpl.nasa.gov/news/grace-mission-15-years-of-watching-water-on-earth/ » 

Crise mondiale de l’eau. L’hydro-diplomatie.
Norbert Lipszyc
Les éditions de Passy (2013)

L’ETIP-SNET chargée de crée des synergies entre ressources au niveau européen 
+ VPP (Virtual Power Plant) pour le mariage hybridation hydraulique et solaire 
Cf. initiative XXX 
+ Cf. présentation sur l’Hydrodiplomatie et les risques au Moyen Orient (Fadi COMAIR – Comité Français des Barrages Réservoirs le 27/01/2021) 
Le changement climatique rend cruciale l’«hydrodiplomatie»
À l’ère du changement climatique, la pénurie croissante d’eau au Moyen-Orient fait craindre une catastrophe humanitaire majeure dans les années à venir. 


Président de l’association MEDURABLE, qui oeuvre pour le développement durable dans la région et en Méditerranée, Fadi COMAIR (1) s’appuie sur le concept d’« hydrodiplomatie » (2) pour y sécuriser les bassins hydriques frontaliers litigieux. 
(1) Membre de l’Académie des sciences d’Outre-mer 

La Croix
En quoi consiste l’« hydrodiplomatie », et comment est-elle appliquée au Moyen-Orient ? 

Fadi COMAIR : L’« hydrodiplomatie » est un outil au service de la construction d’une gestion intégrée des ressources en eau, nationale et transnationale. Fondée sur les textes législatifs élaborés par le droit international, elle propose une nouvelle forme de gouvernance, axée sur la résolution des conflits hydriques en éloignant le risque d’une militarisation de l’accès aux sources. Elle tend à exclure, dans le cas de bassins frontaliers litigieux, l’hégémonie d’une hyperpuissance sur d’autres pays, qui se retrouveraient alors obligés de s’adapter à une « culture de la soif ». Elle prône donc un partage équitable et une utilisation raisonnable de l’eau, qui peut alors, au lieu d’être source de conflit, devenir un catalyseur de paix. 

Pour arriver à ses fins, le processus s’appuie d’abord sur une démarche technique : il faut remédier au gaspillage en s’attaquant à la problématique de l’irrigation – qui consomme au Moyen-Orient 80 % des eaux renouvelables, contre 56 % sur la rive nord de la Méditerranée –, mais aussi partager les données scientifiques des pays riverains, en produisant des plans d’adaptation sur l’évolution des besoins face aux changements globaux. Cela permettra d’assurer la sécurité alimentaire des générations, présentes et futures, des habitants des bassins. Il faut ensuite passer au processus politique. Par une médiation ou une négociation, nous sommes là pour dire aux décideurs des hydropuissances qui n’ont pas adhéré au concept de partage équitable qu’il faut oublier les anciennes pratiques … 
Au Moyen-Orient, nous avons appliqué l’« hydrodiplomatie » en 2015 sur le cas du bassin transfrontalier de l’Oronte, entre le Liban et la Syrie. L’Unesco a ensuite voulu concrétiser ce modèle en le rendant transférable à d’autres bassins de la région. Nous avons depuis travaillé sur le Jourdain et le Nil. Cette année, nous avons concentré nos efforts sur les cas du Tigre et de l’Euphrate, en Mésopotamie. Ces processus prennent, à chaque fois, des années. 

Quel rôle les pays européens peuvent-ils y jouer dans la gestion de l’eau ? 
F.C : L’Europe est championne dans la gestion des bassins transfrontaliers : il suffit de regarder par exemple le cas du Rhin ou du Danube … Grâce à une directive de l’Union européenne, la paix hydrique a été mise en place sans litige. Il faudrait appliquer cette même convention 1997 au niveau des fleuves du Moyen-Orient. 
Par son expérience dans le domaine ou en débloquant des fonds, comme elle l’a déjà fait par exemple pour le Maroc, le Liban où la Tunisie, l’Europe pourrait aussi aider à trouver des solutions. De même pour la France, où les partenariats publics/privés sur l’eau fonctionnent très bien : l’Hexagone pourrait partager son expertise sur l’utilisation des eaux usées. 

Comment le changement climatique pourrait-il affecter la région ces prochaines années ? 
F.C. : Le changement climatique rend cruciale l’« hydrodiplomatie ». Contrairement à tous les conflits insensés qui enflamment le Moyen-Orient, la vraie guerre de la région doit être celle menée par les décideurs politiques, par les chercheurs et par les experts pour sécuriser la vie des citoyens. 

Avec le changement climatique – 2°C de plus engendrerait 30 à 40 % de précipitations en moins –, les pays semi-arides vont tomber dans l’aridité. Un mouvement terrible de transfert de population pourrait alors se produire, depuis ces pays asséchés vers ceux au climat plus doux. Et le nombre de réfugiés climatiques pourrait dépasser de loin ceux liés aux conflits militaires … C’est pour cela qu’il faut asseoir maintenant la paix hydrique, en utilisant une plate-forme qui traite en même temps des problématiques de l’eau, de l’énergie et de l’alimentation (2). Sinon nous risquons une extinction de la civilisation. 

(2) concept du Nexus 
Recueilli par Malo Tresca, 
La Croix.
12/12/2018 

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