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Voyage sur la route du Kisokaidō. De Hiroshige à Kuniyoshi au musée Cernuschi

par Communiqué musée

Voyage sur la route du Kisokaidō. De Hiroshige à Kuniyoshi est la première exposition proposée par le musée Cernuschi après sa réouverture à l’issue d’un chantier de rénovation de 9 mois. Elle rassemble un ensemble inédit de près de cent cinquante estampes japonaises, dont certaines sont dévoilées pour la première fois au public. 

Qui plus est, et à travers un parcours rythmé par les différents relais de la route du Kisokaidō, un choix d’objets remarquables fait écho aux gravures exposées : armure, boîtes à calligraphie, katana, selle de bataille ou encore nécessaires à pique-nique sont présentés.

 Ukiyo-e- Hiroshige Eisen Kunisada Uniyoshi
Utagawa Hiroshige (1797–1858), Les Soixante-neuf Relais de la route du Kisokaidō. Relais n°32. Seba 1835-1838. Xylogravure polychrome, format ōban yoko-e © Fundacja Jerzego Leskowicza

Ainsi l’exposition permet de parcourir en images l’une des routes les plus spectaculaires du Japon : le Kisokaidō, qui était une des cinq voies du réseau routier aménagées au Japon durant l’époque Tokugawa  徳川時代 (1603-1868). Elle reliait Edo  江戸 (actuelle Tōkyō), où le shogun avait sa résidence, à Kyōto  京都市, siège de l’empereur.

Contrairement à la route du Tōkaidō, qui rejoignait l’ancienne capitale en cinquante-trois relais le long de la côte, le Kisokaidō, jalonné de soixante-neuf étapes, traversait quant à lui l’intérieur montagneux. Il suivait un itinéraire plus long, parfois plus pittoresque et ardu en raison de la présence de neuf cols escarpés.

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 Ukiyo-e- Hiroshige Eisen Kunisada Uniyoshi
Utagawa Kuniyoshi (1797–1861), Les Soixante-neuf Relais de la route du Kisokaidō. Relais n°40. Suhara : Narihira et Dame Nijō, 1852, 7e mois. Xylogravure polychrome, format ōban tate-e. Paris, musée Cernuschi, M.C. 4780.40. Legs Henri Cernuschi, 1896 © Paris Musées / Musée Cernuschi

En outre, entre 1835 et 1838 le Kisokaidō fit l’objet d’une série d’estampes réalisées par Eisen 渓斎英泉 (1790-1848) et Hiroshige 歌川広重 (1797-1858), et dont le succès fut considérable. Deux autres séries virent le jour sous le pinceau de Kunisada 歌川 国貞 (1786- 1865) et de Kuniyoshi 歌川 国芳 (1797-1861).

La série d’Eisen et Hiroshige, ainsi que celle de Kuniyoshi, constituent les deux grandes parties du parcours de l’exposition.

Un musée qui a fait peau neuve pour accueillir une exposition d’ukiyo-e exceptionnels

Entretien avec Éric Lefebvre, directeur du musée Cernuschi

  • Au début des années 1980, le musée Cernuschi présentait une exposition consacrée au célèbre ensemble de Hiroshige représentant la route du Tōkaidō et ses cinquante-trois relais. Toutefois, quarante ans plus tard, alors que l’intérêt du public français pour l’art de l’estampe japonaise ne s’est pas démenti, il était temps de pousser plus avant la découverte de ces œuvres aux multiples facettes qui nous invitent, d’étape en étape, à contempler des paysages indissociables des activités humaines observées en chemin. La série des soixante-neuf relais de la route du Kisokaidō, conçue par Eisen et Hiroshige, est inspirée par le célèbre itinéraire de montagne qui faisait la jonction entre les villes d’Edo (actuelle Tōkyō) et de Kyōto. Il est intéressant de noter que cette voie, plus difficile et accidentée que celle du Tōkaidō, est ponctuée de sites particulièrement spectaculaires et dont les œuvres de la collection Georges Leskowicz ont conservé l’image, notamment grâce à leur remarquable polychromie.
 Ukiyo-e- Hiroshige Eisen Kunisada Uniyoshi
Utagawa Kuniyoshi (1797–1861),
Les Soixante-neuf Relais de la route
du Kisokaidō. Relais n°11. Honjō : Shirai Gonpachi, 1852, 5e mois. Xylogravure polychrome, format ōban tate-e.
Paris, musée Cernuschi, M.C. 4780.11. Legs Henri Cernuschi, 1896
© Paris Musées / Musée Cernuschi
  • Précisons aussi que pour faire pendant à Eisen et Hiroshige, l’exposition met également en lumière Kuniyoshi, qui livre une interprétation très singulière de la route du Kisokaidō. À cet égard, empruntant à l’univers du théâtre, à l’histoire réelle ou légendaire du Japon ancien, Kuniyoshi campe une série de personnages qui renouvelle totalement la vision du Kisokaidō de ses deux prédécesseurs. Par ailleurs cet ensemble, légué à la ville de Paris par Henri Cernuschi à la fin du XIXe siècle, a été restauré à l’occasion de cette exposition. Ainsi la redécouverte de cette série d’estampes collectionnée par notre fondateur s’inscrit dans les recherches liées au nouveau parcours des collections permanentes du musée inauguré au mois de mars 2020. Les bronzes et les céramiques japonais du maître des lieux ayant retrouvé leur place dans les salles du premier étage de l’ancien hôtel particulier, l’exposition de la série de Kuniyoshi, présentée au public pour la première fois dans son intégralité, permet ainsi d’envisager un autre aspect du goût précurseur de Cernuschi pour l’art du Japon.

Un parcours en deux temps autour du thème du voyage


Ainsi, deux séries complètes du Kisokaidō sont présentées dans l’exposition : la première signée par Eisen et Hiroshige, provenant de la collection Georges Leskowicz, est considérée comme l’une des plus belles au monde pour la qualité du tirage. Quant à la seconde série réalisée par Kuniyoshi, et appartenant à l’ancienne collection de Henri Cernuschi (1821-1896), elle est dévoilée au public pour la première fois.

 Ukiyo-e- Hiroshige Eisen Kunisada Uniyoshi
Utagawa Hiroshige (1797–1858), Les Soixante-neuf Relais de la route du Kisokaidō. Relais n°46. Nakatsugawa, 1835-1838. Xylogravure polychrome, format ōban yoko-e © Fundacja Jerzego Leskowicza

Le Kisokaidō̄ d’Eisen 渓斎英泉  (1790-1848) et Hiroshige 歌川広重 (1797-1858)

Entre 1835 et 1838 le Kisokaidō fit l’objet d’une série d’estampes réalisées par Eisen 渓斎英泉 (1790-1848) et Hiroshige 歌川広重 (1797-1858), dont le succès fut considérable. Par la suite, deux autres séries virent le jour sous le pinceau de Kunisada 歌川 国貞 (1786- 1865) et de Kuniyoshi 歌川 国芳 (1797-1861).

Avant tout, Keisai Eisen et Utagawa Hiroshige sont deux figures incontournables de l’art japonais, particulièrement renommés pour leurs estampes gravées sur bois de l’ukiyo-e 浮世絵 (littéralement « images du monde flottant »). C’est ainsi qu’Eisen commença à réaliser la série des Soixante-neuf Relais de la route du Kisokaidō 木曾街道六拾九次之内, qui fut achevée par son contemporain Hiroshige.

 Ukiyo-e- Hiroshige Eisen Kunisada Uniyoshi
Utagawa Hiroshige (1797–1858), Les Soixante-neuf Relais de la route du Kisokaidō. Relais n°47. Ōi, 1835-1838. Xylogravure polychrome, format ōban yoko-e © Fundacja Jerzego Leskowicza

Hommage à la beauté et à la quiétude des paysages montagneux de l’intérieur du Japon, la série relève plus précisément du genre meisho-e 名所絵, voué à la représentation des plus célèbres vues du pays.

 Ukiyo-e- Hiroshige Eisen Kunisada Uniyoshi
Keisai Eisen (1790–1848), Les Relais de la route du Kisoji. Relais n°41. Nojiri : vue du pont de la rivière Inagawa, 1835-1838. Xylogravure polychrome, format ōban yoko-e.
© Fundacja Jerzego Leskowicza

Elle comporte vingt-quatre estampes d’Eisen, dont les étapes sont choisies sans souci de cohérence topographique, et quarante-sept signées par Hiroshige, qui a voyagé sur la route en faisant des croquis, aujourd’hui conservés au British Museum, à Londres.

Dès lors, enthousiasmés par l’immense succès de la série consacrée aux Cinquante-trois Relais de la route du Tōkaidō publiée vers 1833-1834, Hiroshige et l’éditeur Takenouchi Magohachi 保永堂 envisagent de renouveler leur collaboration autour d’un autre chemin célèbre, le Kisokaidō.

Cependant pour des raisons inconnues, c’est à Eisen, fin observateur de la nature et des activités humaines, que Takenouchi confie les premiers dessins parus à partir de 1835, sur lesquels figurent des titres différents.

 Ukiyo-e- Hiroshige Eisen Kunisada Uniyoshi
Non signé [Keisai Eisen, 1790–1848], Les Soixante-neuf Relais de la route du Kisokaidō. Relais n°18. Sakamoto, 1835-1838. Xylogravure polychrome, format ōban yoko-e.
© Fundacja Jerzego Leskowicza

Hiroshige, artiste sensible au spectacle éphémère de la nature, dont il saisit les moindres variations, prend le relais en renommant ses compositions. Il complète la série sous la direction d’un autre éditeur, Iseya Rihei 伊勢屋利兵衛, qui achève le projet en publiant les deux derniers tiers des estampes.

 Ukiyo-e- Hiroshige Eisen Kunisada Uniyoshi
Utagawa Hiroshige (1797–1858), Les Soixante-neuf Relais de la route du Kisokaidō. Relais n°27. Ashida, 1835-1838. Xylogravure polychrome, format ōban yoko-e.
© Fundacja Jerzego Leskowicza

La série du Kisokaidō présentée ici provient de la collection Georges Leskowicz. Comprenant les premiers tirages de la première édition, elle est considérée comme l’une des plus belles au monde, en raison de la qualité de l’impression et de la fraîcheur des couleurs.

Le parcours est enrichi d’outils de médiation et de dispositifs numériques pour permettre aux visiteurs d’appréhender l’art de la gravure et offrir une véritable immersion au cœur du Kisokaidō.
Une carte murale détaillant toutes les étapes de la route accueille les visiteurs, et représente également la route du Tōkaidō, donnant un aperçu de ces deux grands itinéraires traversant le Japon.

Une grille de lecture offre une véritable clé d’accès à la signification des éléments figurant dans les estampes (cartouches, sceaux, inscriptions…).

L’estampe japonaise est le résultat d’un travail d’équipe. L’éditeur (hanmoto), qui est à l’origine du projet, joue un rôle essentiel. C’est lui qui choisit le peintre (eshi) en fonction du sujet retenu. Ce dernier confie son dessin au graveur (horishi), qui le reporte fidèlement, creusant une planche en bois de cerisier. À la suite de cela, il prépare autant de plaques de bois qu’il y a de couleurs. Ces planches sont ensuite données à l’imprimeur (surishi), qui réalise l’œuvre finale, appliquant les couleurs indiquées par l’artiste. Il convient de signaler que les noms et les sceaux de ces artisans, ainsi que les informations concernant les sujets représentés, figurent souvent sur les estampes.

Les ukiyo-e de Utagawa Kunisada 歌川 国貞

Utagawa Kunisada (1786-1865), le plus prolifique de tous les auteurs d’ukiyo-e du XIXe siècle, a laissé une seule série d’estampes consacrée aux relais du Kisokaidō. Publié en 1852, il est à signaler que cet ensemble met en scène des acteurs de kabuki, une des formes du théâtre traditionnel japonais, qui ne semblent avoir aucun lien à première vue avec les différentes étapes de la route. L’association entre le lieu et l’acteur est souvent évoquée par un jeu de mots ou par la présence d’un accessoire incongru.

 Ukiyo-e- Hiroshige Eisen Kunisada Uniyoshi
Utagawa Kunisada (1786-1865), Les Soixante-neuf Relais de la route du Kisokaidō. Relais 1. Le pont de Nihonbashi dans la capitale de l’est : danse du festival, Tokimune, 1852, 10e mois. Xylogravure polychrome, format ōban tate-e © Museum of Fine Arts, Boston

Dès lors, les portraits des acteurs dessinés par Kunisada témoignent de sa connaissance encyclopédique du théâtre kabuki, qu’il a côtoyé dès son enfance. Au point tel que la ressemblance est si parfaite que les amateurs de l’époque peuvent reconnaître leurs acteurs favoris sans lire les inscriptions.

Ainsi, sur chaque feuille, dans le cartouche du coin supérieur droit, figurent le titre de la série, le nom du relais, ainsi que les informations sur la scène représentée et le rôle interprété. Conformément aux lois sur la censure, le nom de l’acteur n’apparaît pas. Les bords de l’encadré comportent une marge décorative qui fait allusion à l’histoire évoquée dans l’image principale. Il s’agit d’une sorte d’énigme à déchiffrer, qui offre au spectateur une autre occasion de se distraire.

La série de Kunisadadu Museum of Fine Arts de Boston ne peut pas être présentée actuellement en raison de la crise sanitaire. Afin de pallier l’impossibilité d’exposer les œuvres originales, un dispositif numérique permettra aux visiteurs de découvrir en détail une sélection d’estampes de cette rare série.

Le Kisokaidō̄ de Kuniyoshi 歌川 国芳

 Ukiyo-e- Hiroshige Eisen Kunisada Uniyoshi
Utagawa Kuniyoshi (1797–1861),
Les Soixante-neuf Relais de la route du Kisokaidō. Relais n°4. Urawa : le poissonnier Danshichi, 1852, 5e mois. Xylogravure polychrome, format ōban tate-e.
Paris, musée Cernuschi, M.C. 4780.04
Legs Henri Cernuschi, 1896
© Paris Musées / Musée Cernuschi

Utagawa Kuniyoshi 1797-1861) est l’un des maîtres japonais les plus singuliers de l’ukiyo-e. Il reprit le même thème que ses prédécesseurs, sous un angle différent, souvent teinté d’humour. En d’autres termes, dans ses créations, l’artiste aborde ainsi le sujet de manière personnelle en s’inspirant de la littérature classique, du théâtre des marionnettes, du kabuki 歌舞伎 et du  , ainsi que des légendes du folklore japonais : fantômes, esprits, samouraïs, courtisanes… Il évoque des épisodes littéraires ou historiques très populaires à l’époque d’Edo (1603- 1868), comme La Chronique des huit chiens de Satomi du célèbre écrivain Kyokutei Bakin 曲亭 馬琴 (1767-1848), paru en 106 volumes de 1814 à 1842.

Kuniyoshi, artiste de l’école Utagawa 歌川派 et condisciple de Kunisada (1786-1865), dont il est le plus grand rival, est doué d’une imagination si débordante qu’il aurait livré jusqu’à trois dessins par jour, souvent avec l’aide de ses élèves.

Dès lors, la série qu’il consacre à la route du Kisokaidō comporte soixante-douze estampes : deux pour les villes de départ et d’arrivée, soixante-neuf pour les relais et une page listant les étapes. Elle est le fruit de la collaboration de diverses équipes d’artisans, supportées par douze éditeurs différents, qui ont investi dans cet ambitieux projet.

 Ukiyo-e- Hiroshige Eisen Kunisada Uniyoshi
Utagawa Kuniyoshi (1797–1861),
Les Soixante-neuf Relais de la route du Kisokaidō. Relais n°70. Ōtsu :
Koman, 1852, 7e mois. Xylogravure polychrome, format ōban tate-e. Paris, musée Cernuschi, M.C. 4780.70 Legs Henri Cernuschi, 1896
© Paris Musées / Musée Cernuschi

Pour ses créations, Kuniyoshi utilise le même procédé humoristique que Kunisada, consistant à établir un parallèle entre le paysage et un sujet sans aucun rapport, en apparence. S’inspirant d’épisodes littéraires ou historiques très populaires à l’époque d’Edo, les scènes représentées ont rarement un lien direct avec les relais auxquels elles sont associées. Très souvent, le rapprochement est fait par des jeux de mots.

Les éléments de paysage figurant dans les encadrés en haut à gauche, dont la forme varie en fonction de l’histoire évoquée, sont probablement des inventions de l’artiste. Il a pu également se servir d’une référence iconographique, tel un livre illustré sur le Kisokaidō.

Provenant de l’ancienne collection de Henri Cernuschi, ces estampes réunies dans deux albums ont fait l’objet d’une restauration récente. Elles sont présentées au public pour la première fois.

Les deux parties de l’exposition proposent ainsi une vision panoramique de toute la richesse iconographique d’un même sujet, dont les œuvres ont été réalisées sur une période courte, une vingtaine d’années seulement.

Une sélection d’objets d’art en lien avec les gravures

Le parcours est enrichi d’une sélection d’objets qui peuvent être aperçus dans certaines estampes. Des boîtes à pique-nique ainsi que des nécessaires de fumeur, souvent accrochés aux ceintures des personnages dessinés par Eisen et Hiroshige, donnent une idée des mœurs japonaises et plongent l’observateur dans l’univers du voyage de l’époque d’Edo. Mais si ceux représentés dans les estampes sont simples et d’usage quotidien, les objets au raffinement extrême présentés dans l’exposition sont de véritables œuvres d’art.

D’autres objets figurant dans les images créées par Kuniyoshi, tels les armures ou les sabres, témoignent du luxe et du pouvoir des seigneurs féodaux. Ils évoquent également les mises en scène spectaculaires des pièces de kabuki.

EXPOSITION
Voyage sur la route du Kisokaidō
de Hiroshige à Uniyosh
i
Musée Cernuschi
du 19 mai jusqu’au 8 août 2021
7 avenue Vélasquez (parc Monceau). Paris
Réservation obligatoire sur: cernuschi.paris.fr
#ExpoKisokaido

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