Qui se souvient encore de Jean-Pierre Mazas ? Plus grand monde certes, et pourtant il fut une « vedette » en cette fin du XIXè siècle; la vanité de la gloire est avant tout éphémère. Bon, soit, Jean-Pierre Mazas n’était pas un écrivain (il savait à peine lire et écrire), ni un artiste. Non, il était un laboureur, originaire du village de Montastruc dans le sud-ouest de la France. Mais ce n’est pas son métier qui a fait sa renommée. Non, loin de là, c’est plutôt son physique et surtout ce qu’il en fit, c’était un géant de plus de deux mètres doté d’une force herculéenne.
En cette fin du XIXè siècle, pas de télévision, peu de loisirs, mais régulièrement des spectacles, parfois itinérants, lors des foires et des marchés qui abondaient dans les campagnes. Et un de ces spectacles les plus prisés était… la lutte, la lutte gréco-romaine dont les règles avaient été élaborées par un ancien grognard de la Grande armée. Il y avait des troupes itinérantes, les meilleurs lutteurs faisaient la une de tous les journaux. Un engouement total, comme le fut plus tard la boxe anglaise.
Jean-Pierre Mazas a commencé par relever des défis, accumulant victoire après victoire, et sa notoriété fut telle que très vite il fut l’idole de tout le sud-ouest et fit les beaux jours des salles de Toulouse.
Mais un jour, c’est l’accident, la déchéance et la ruine. Il finit comme phénomène de foire pour faire vivre sa femme et ses trois enfants.
Si on se souvient de lui c’est aussi grâce à la rencontre qu’il fit à Paris avec Edouard Brissaud, un des médecins les plus en vue de l’époque et qui réussit à le persuader d’être un objet d’étude scientifique. Jusqu’à ce qu’un jour il fut terrassé par une crise cardiaque dans une gare.
Notoriété grâce au sport, notoriété grâce à la médecine, et puis l’oubli et d’autres qui ont pris sa place.
Pascal Dessaint part sur les pas de cet homme, dans les lieux où il a vécu, essaie de retrouver sa métairie, les endroits où il a affronté les meilleurs lutteurs français et du monde. Une quête dans le passé pour essayer de comprendre ce qui motivait Jean-Pierre Mazas, ses valeurs, ses envies, ses joies et ses peines.
Se dessine alors devant nous un homme assez « fruste », un paysan comme le furent la grande majorité de nos ancêtres et qui avait la particularité d’avoir un physique et une force hors norme. Un homme qui a voulu rester fidèle à ses principes, à la place qu’une société très sclérosée lui assignait, mais aussi avec la volonté de gagner de l’argent, beaucoup d’argent, avant tout pour sa famille, pour le bien-être des siens, pas pour rêver d’ascension sociale, pour se trouver dans un milieu dont il ne connaissait ni les rites ni les règles. Un être humain attachant qui accepte sans piper mot d’être physiquement « anormal » autant que de recevoir les coups du destin qui le feront chuter.
Comment à la lecture d’ Un colosse que nous livre Pascal Dessaint ne pas penser au livre de Jean Echenoz : Courir, sur la vie de Zàtopek, encore une gloire sportive que les jeunes génération ont oubliée.
Vanité, tout est vanité !
Un Colosse
Pascal Dessaint
éditions Rivages. 16€