Ce mercredi 18 août le rideau tombe sur dernier récital du festival international de piano de La Roque d’Anthéron 2021
Tout comme en 2020, le clap de fin se fait en compagnie du prodigieux Adam Laloum et les compositeurs Schubert et Brahms. On est tout là-haut, là-haut, dans les étoiles !
Quelles merveilles : les Fantaisies op.116, et les 3 Intermezzi op. 117 !
Les fantaisies sont majestueuses et sobres tout à la fois. La technique d’Adam Laloum est admirable, et on le sait, le pianiste trentenaire s’approprie tout ce qu’il joue avec brio, mais aussi beaucoup d’humilité. Cette partition, joliment maîtrisée délivre une poésie discrète, réservée, juste ce qu’il faut, et soudain, le discours se fait vivace. Sous les doigts de notre toulousain la musique gagne en intensité, et son jeu est d’une précision admirable. Virtuose, il l’est, et pourtant il ne cherche pas à faire une démonstration de virtuosité. Il est complètement dans son monde mais nous laisse entrer dans sa bulle.
Assurément ce Brahms-là se pare d’une lumière inhabituelle. Il le connait bien pour le jouer souvent et on le perçoit dès les premières notes.
On a souvent entendu le premier mouvement, Capriccio très « presto energico ». Le pianiste nous le livre sans force mais pas sans caractère. Il ne trahit pas Brahms. De même qu’il ne trahit pas F. Schubert, quand il nous joue sa Sonate n°23 très différente de ce que l’on entend habituellement. On songe à Michel Dalberto qui l’interprétait ce vendredi 13, et nous avions beaucoup aimé aussi. Il y avait davantage de force et parfois plus de dureté dans ces mêmes mouvements vendredi dernier. Ce n’est pas mieux, c’est différent.
Il y a une infinité d’expressions et il est merveilleux de voir les personnalités des musiciens s’exprimer. C’est là toute la magie de la musique, cet art brillant et spirituel. C’est une affaire de cœur aussi, de ressenti, et le cœur d’Adam bat très fort pour révéler tout ce qu’elle a de plus beau.
Comme il sait entrer dans la souffrance de Brahms ! Il fait sienne cette douleur d’exister qu’il nous livre avec pudeur. C’est une musique très intime, vivante, et enveloppante. On pourrait dire, sensuelle même, et qui peut parfois se faire très virile et puissante.
Ainsi dans les 3 intermezzi op. 117 Adam Laloum est toujours aussi convaincant. Ce musicien-là donne l’impression que ce qu’il aborde est d’une grande simplicité. On entend tout sous ses doigts qui glissent et effleurent le clavier, des gestes au millimètre près, un touché fluide, léger qui permet un son sorti comme dans un rêve. Indubitablement on a une tendresse particulière pour cette œuvre et cette musique tournée vers l’intérieur et qui nous émeut. On ne peut pas rester indifférent à ce climat d’introspection. C’est intime et douloureux à la fois et on aime qu’Adam Laloum nous prenne par les sentiments et nous fasse entrer dans la confidence.
« Aimez-vous Brahms ? » Oui, absolument !
Autant que nous aimons Schubert ! Ainsi interprété, comment pourrait-il en être autrement ? On est en haut, tout en haut, et le rêve se poursuit. L’interprétation de cette sonate n° 23 est généreuse et nous livre quantité d’affects et d’atmosphères mouvantes. On aime ces silences qui en disent long et qui laissent place à l’imaginaire. On est devant une toile. Elle se peint sous nos yeux, précise et abstraite tout à la fois. Il a ce je ne sais quoi d’irréel dans ce récital et de profondément touchant. Respect Monsieur Laloum ! Le public ovationne, tape des pieds de … bonheur !
Le jeune homme revient sur scène avec Brahms !
Les cigales vont se trouver bien seules ces prochains jours pour jouer leur partition ! A l’année prochaine, sans variant, on l’espère !
Deux bis superbes :
Brahms : Intermezzo op. 118 n°2
Brahms : Sonate pour piano n°3 en fa mineur op. 5, II Andante
Programme : Brahms : Sept fantaisies opus 116
Brahms : Trois Intermezzi opus 117
Schubert : Sonate n°23 en si bémol majeur D 960
Illustration de l’entête: photo Valentine Chauvin