La rentrée littéraire est pleine de romans, récits relatifs aux ancêtres des écrivains. On pense au dernier Amélie Nothomb ou Marc Duguin qui ont écrit sur leur père. Sophie Avon, elle, nous raconte ses grands parents paternels, et, à travers eux la jeunesse de son père.
Quand j’écris grand-parents, il serait plus exact de dire sur sa grand-mère, Germaine dite Mime, et indirectement sur son époux Marius. Car indéniablement, la forte personnalité de la famille, c’était elle, non que Marius ne montrait pas un ferme caractère, ce qui lui a permis de progresser dans la banque où il travaillait, mais indéniablement, la vie de la famille était avant tout régi par la volonté, l’énergie de Mime. Bien qu’elle fut ravagée et portât toute sa vie la cicatrice de la mort de Simone, sa seule fille décédée d’une méningite à l’âge de trois ans.
Sophie Avon nous décrit la vie d’une famille de Français dans l’Algérie de l’entre-deux guerres. Pas de grands propriétaires, non des enfants d’immigrés (pour elle), ou d’immigré de fraîche date (Marius) de la petite bourgeoise d’Oran. La vie y est perçue comme plus facile qu’en métropole car il y a le soleil et la mer. A force d’efforts, ils peuvent même avoir une résidence secondaire… où Marius peut faire profiter à tout son entourage de ses réels talents d’horticulteur.
Sophie Avon peint toute une série de portraits de sa famille : les parents de Mime, ses sœurs, dont sa jumelle Suzanne avec qui elle s’est fâchée pour une raison dont elle ne se souvient plus, ou Odette, l’infirmière, aux mœurs libres pour l’époque, qui travaille au fin fond du bled.
Des gens « sans histoires » qui essaient de vivre le plus simplement possible en affrontant les difficultés de la vie. Leur but est que leurs enfants soient aussi le plus heureux possible et puissent, à force de travail, bénéficier de « l’ascenseur social ».
Tous ont des rêves, bien sûr, mais savent gérer la frustration de leur non réalisation. Jamais d’envie, de jalousie. On est loin, bien loin de la société actuelle. La réussite d’autrui est vue comme le résultat de ses mérites, de son travail, pas comme une injustice. La philosophie de la famille est de ne jamais regretter, d’assumer ses choix. Il faut se tourner toujours vers le futur, jamais vers le passé. D’ailleurs sur son lit d’hôpital où il est train de mourir d’un cancer, il accueillait sa fille lui rendant visite par « Sauve-toi! » .
La seule injustice que dénonce Mime est le fait que les femmes n’aient pas le droit de vote ! On ne confondait pas égalité et égalitarisme.
Bien sûr, il y a un petit parfum de nostalgie, mais relatif non à une époque révolue, mais au fait de ne pas avoir connu cette grand mère dont elle essaie de reconstituer le passé grâce à de vieux films tournés par Marius, et aux souvenirs des survivants de ces temps.
A travers une écriture fluide, Sophie Avon signe ici un très beau livre.
Une femme remarquable
Sophie Avon
éditions Mercure de France. 20€50
Illustration de l’entête: Hôtel de Ville d’Oran. 1930-1940