L’UNESCO célébrera une victoire importante dans la lutte contre le trafic illicite de biens culturels lorsque l’une des plus anciennes œuvres littéraires de l’Histoire sera officiellement restituée à l‘Irak par les États-Unis d’Amérique, lors d’une cérémonie à la Smithsonian Institution à Washington DC ce jeudi, le 23 septembre prochain. En outre, en juillet dernier, le gouvernement américain a facilité le rapatriement volontaire en Irak de 17 000 autres objets d’art qui avaient été pillés au cours des derniers décennies.
La « tablette de Gilgamesh », également connue sous le nom de « tablette du rêve de Gilgamesh », aurait été pillée dans un musée en Irak pendant le conflit survenu dans le pays en 1991. Elle a été introduite frauduleusement sur le marché de l’art américain en 2007, puis saisie par le Département de la Justice des États-Unis en 2019.
La restitution de ce précieux ouvrage est l’aboutissement de décennies de coopération entre les États, tels que les États-Unis et l’Irak, tous deux signataires de la Convention de 1970 de l’UNESCO, qui offre aux pays un cadre juridique et pratique pour prévenir le trafic illicite et assurer la restitution des objets volés à leurs propriétaires légitimes.
La restitution de la tablette de Gilgamesh est également un symbole de mobilisation internationale à grande échelle, tant de la part des pays que d’organisations telles que l’UNESCO, pour prévenir et lutter contre le trafic illicite d’objets antiques.
« En restituant ces objets acquis illégalement, les autorités américaines et irakiennes permettent au peuple irakien de renouer avec une page de son histoire« , a déclaré la Directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay, qui prendra la parole lors de la cérémonie à Washington.
« Cette restitution exceptionnelle est une victoire majeure sur ceux qui mutilent le patrimoine et le trafiquent ensuite pour financer la violence et le terrorisme« , a-t-elle ajouté.
Le vol et le trafic illicite d’objets anciens restent une source de financement essentielle pour les groupes terroristes et autres organisations criminelles organisées.
« Les États-Unis accordent une grande importance au patrimoine culturel irakien. Nous travaillons depuis près de 20 ans avec nos homologues irakiens et des institutions universitaires et à but non lucratif américaines pour protéger, préserver et honorer le riche patrimoine culturel de l’Irak« , a déclaré Stacy White, secrétaire adjointe principale par intérim pour les affaires éducatives et culturelles du département d’État américain, qui prendra également la parole lors de la cérémonie.
Selon Interpol, il y a eu une augmentation mondiale considérable de la destruction du patrimoine culturel due aux conflits armés au cours de la dernière décennie.
Les autorités des États-Unis, qui sont une partie prenante clé, représentant, selon les estimations, 44% du marché mondial de l’art, ont fait des progrès significatifs ces dernières années. Grâce à l’amélioration du cadre législatif et à l’aide des principales institutions culturelles, l’Unité américaine de lutte contre le trafic d’antiquités a, au cours de la seule année 2021, aidé à restituer des objets de valeur aux populations du Pakistan, du Cambodge, de la Thaïlande, du Népal et du Sri Lanka.
Fabriquée en argile, la tablette de Gilgamesh comporte des inscriptions en sumérien, une civilisation de l’ancienne Mésopotamie. Elle contient des sections d’un poème sumérien de « l’épopée de Gilgamesh« , qui font partie d’histoires épiques reprises par l’Ancien Testament, ce qui en fait l’un des plus anciens textes religieux connus au monde.
Ces derniers mois, l’UNESCO a soutenu le Musée national irakien dans ses efforts pour réaliser des travaux d’inventaire et de recherche afin de sauvegarder et de promouvoir la collection inestimable du musée.
Il est important de préciser que ces objets ont quitté l’Irak par le biais du commerce illégal d’antiquités. « Il était clair pour tout le monde que ceux-ci avaient été volés au musée car ils portaient des numéros de catalogue et ne pouvaient donc pas provenir de fouilles illégales », a tenu à préciser Elizabeth Stone, archéologue et titulaire de la chaire d’anthropologie à la Stony Brook University à New Yorkl.
Certains objets, précise l’anthtopologue, ont été confisqués par les douaniers, mais d’autres ont été achetés par l’Université Cornell et Hobby Lobby, la chaîne d’art et d’artisanat.
Hobby Lobby a fait la une des journaux récemment après qu’il a été révélé que l’entreprise avait acquis une rare tablette en écriture cunéiforme, portant l’inscription d’une partie de l’épopée de Gilgamesh. L’objet a été acheté pour être exposé au Musée de la Bible à Washington DC – l’institution est financée par la famille de David Green, fondateur de Hobby Lobby.
Le 27 juillet, un tribunal de New York a ordonné la confiscation de l’objet, qui aurait été acheté par un antiquaire américain à la famille d’un marchand de pièces de monnaie de Londres, a indiqué le ministère américain de la Justice dans un communiqué.
C’est ainsi qu »un marchand d’antiquités et un expert américain de l’écriture cunéiforme ont expédié la tablette aux États-Unis par la poste internationale sans en déclarer le contenu comme requis. Une fois la tablette importée et nettoyée, les experts en cunéiforme l’ont reconnue comme portant une partie de l’épopée de Gilgamesh. La tablette mesure environ 6 pouces sur 5 pouces [15 x 12 centimètres] et est écrit en langue akkadienne« , selon le communiqué de presse.
L’épopée de Gilgamesh
Le poème sumérien est considéré comme l’une des œuvres littéraires les plus anciennes et, avec plusieurs milliers d’autres objets, constitue l’une des plus grandes caches d’artefacts archéologiques importants qui ont été volés en Irak après l’invasion américaine de 2003.
Les fouilles illégales, le vol et la contrebande d’objets historiques sont un problème permanent – en particulier en Irak et en Syrie – avec des trafiquants du marché noir, des contrebandiers et des membres de « l’État islamique » (EI) exploitant la situation chaotique dans la région, où il est relativement facile de trouver des antiquités et les vendre à l’étranger.
La cérémonie sera retransmise en direct sur le site du Smithsonian Insitute
Elle commencera à 15h (heure de Washington), le 23 septembre, au Smithsonian Institution National Museum – 4th Street and Independence Avenue SW, Washington, D.C.
Sources: Communiqué Unesco et Deutsche Welle