Chaque littérature nationale a ses écrivains fétiches et ses héros mythiques, Sholem Aleichem est l’incarnation de la littérature yiddish, de son petit peuple, de ses communautés dans leurs activités urbaine ou villageoise. Ainsi son oeuvre, ses livres, ses descriptions sont hautes en couleurs, truculentes, toujours joyeuses, pleines d’humour, et d’autodérision.
Dès lors, ses histoires qui se déroulent dans cette Russie au tournant de la Révolution de 1905, tracent la mémoire d’une société originale à jamais disparue. Ses livres font l’objet de rééditions aux éditions de l’Antilope, et Guitel Pourishkevitsch et autres héros dépités, est un recueil de nouvelles qui concentre tout le génie littéraire de l’auteur.
Sholem Aleichem (de son vrai nom Sholem Naumovich Rabinovič), est né en Ukraine le 2 mars 1859 et est mort à New Yorkle 13 mai 1916. L’attachement de ses lecteurs pour sa personne et son oeuvre fut immense.
C’est ainsi qu’à sa mort à New York en Mai 1916, (il avait quitté la Russie après les événements de 1905 pour s’installer en Amérique) plus de 100.000 personnes se massèrent pour assister à ses funérailles. Les livres de Sholem Aleikhem ont été traduits en plus de quarante langues: russe et hébreu d’abord, puis presque toutes les langues européennes mais aussi en arabe, chinois, japonais, swahili et même l’espéranto! Le nom de Sholem Aleikhem (שלום עליכם) ne veut -il point dire en hébreu: La Paix soit avec vous !
C’est un conteur dans l’âme né, un amoureux de la vie et des gens, un raconteur d’histoires, un marionnettiste qui tire les fils et donne vie à ses personnages multiples. Il est du genre de ceux que l’on aimerait écouter à la veillée et chacune de ses nouvelles, de ses saynètes possède une vie et une théâtralité chaleureuses.
Son style est savoureux, presque musical, en tous cas poétique avec une sorte de prosodie, de termes et de mots qui reviennent régulièrement et scandent le rythme de la narration. L’auteur s’adresse bien souvent à son lecteur qu’il prend à témoin. C’est au travers de la description de ses personnages qui sont bien loin de la perfection, le plus souvent très attendrissants, une autre façon de parler avec légèreté de l’histoire, la grande comme la petite, et avec une profonde humanité.
Son vocabulaire est riche d’emprunts linguistiques différents, du yiddish bien sûr et du « »vitz » cher à la psychanalyse, du russe aussi avec des références au Talmud, tout comme aux événements politiques et sociaux ou aux personnages qui s’agitent dans la Petite Russie du côté de Kiev en Ukraine ou à Moscou et en Pologne.
Mais le plus important ce sont ses personnages, le plus connu n’est-il pas Tévié le laitier qui servira de modèle au héros du Violon sur le toit ! Les histoires que conte Sholem Aleichem sont savoureuses, elles peuvent aussi être graves et retracer des épisodes tragiques que rencontrèrent ces communautés juives de Russie au moment de la révolution avortée de 1905. Attention, il ne s’agit cependant pas d’une «littérature ethnique», d’une espèce de sociologie des Juifs de Russie. Il ne s’agit pas davantage du mélange de la carpe farcie et des matsot de Pessah (pain azyme de Pâques). C’est de la grande littérature, une véritable «Comédie humaine» ancrée dans son temps.
Mark Twain avec qui il devint ami ne s’y trompait pas d’ailleurs et l’histoire de leur rencontre en 1906 dans un grand hôtel new-yorkais mérite d’être contée. L’intermédiaire entre les deux écrivains présenta d’abord Sholem Aleichem à Mark Twain en disant de lui : « Voici le Yiddish Mark Twain américain« , ce à quoi du tac au tac Mark Twain lui répondit: « dites-lui que je suis le Sholem Aleichem américain! ».
Dans l’abondante effloraison de livres qui saluent l’oeuvre de Sholem Aleichem, je vous conseillerais de lire: « Guitel Pourishkevitsch et autres héros dépités » paru aux éditions de l’antilope, un recueil de trois nouvelles : histoire directement inspirée des convulsions révolutionnaires, histoires de mariage, de veuvage. C’est à la fois bouleversant, drôle, pathétique, prenant et attendrissant. Le style est affuté, la traductrice, Nadia Déhan-Rotschild, a accompli là un travail, faut-il le souligner, remarquable.
Guitel Pourishkevitsch et autres héros dépités
Sholem Aleichem
Traduit du yiddish par Nadia Déhan-Rotschild,
éditions l’Antilopoche. 7€95 format poche