Je ne sais pas trop pourquoi, quand j’ai lu le dernier roman d’Aurélie Tramier, La flamme et le papillon, j’ai aussitôt pensé au livre Aie, mes aïeux d’Anne Ancelin-Schutzenberger. Je crois qu’il faut que je relise ce dernier, car, il faut être honnête, je me suis trompé. Non, La flamme et le papillon n’est pas une recherche des secrets de nos ancêtres qui sont autant de traumatismes que nous avons en nous et qui expliquent nos façons d’être et qui rendent le concept de libre arbitre quelque peu vide de sens. Bien que, nous n’en sommes pas loin, car des secrets de famille, Alice va en découvrir, et pas qu’un !
Alice est une jeune femme, étudiante en lettres classiques à la faculté d’Aix en Provence qui prépare le CAPES. Pour se faire un peu d’argent, elle travaille dans une pâtisserie salon de thé, à côté de la très belle église Saint Jean de Malte (qu’il faut visiter quand vous allez à Aix) et sa célèbre crucifixion de Delacroix. Là, elle évolue entre sa patronne, personne très conciliante, deux vieilles femmes assez « indignes », le beau Charles qui travaille à côté et qui est raide amoureux de la jeune femme, et Elvire, une mamie rayonnante qui vient tous les jours pour son thé, son tricot et son sodoku. Un lien étroit se tisse entre les deux femmes, Elvire est tellement à l’opposée d’Eugénie, la grand-mère d’Alice. Mais un jour, Elvire est victime d’un vol à l’arraché et en tombant elle est blessée et décède dans les bras d’Alice qu’elle nomme Aurore. Quelques jours plus tard, Alice apprend qu’Elvire lui lègue tous ses (maigres) biens.
C’est alors que pour Alice commence une quête sur le passé d’Elvire et très vite sur l’histoire de sa famille. Elle rencontre Jean, l’ancien mari d’Elvire, elle s’affronte à Eugénie, elle apprend à connaître Aurore, la fille d’Elvire, décédée d’une overdose, elle parle à Dolorès l’amie d’enfance d’Elvire et même à Claude, rencontré quelque peu par hasard à Crozon, le frère de la défunte. Petit à petit les secrets se dévoilent, les masques tombent, les liens se retissent, la vérité reprend forme, elle est loin des apparences, tant elle a été enveloppée dans une gangue de mensonges, d’ignorances, de refus de voir la réalité en face.
Au cours de son enquête, ou plus exactement de sa soif de comprendre qui était Elvire, pourquoi elle en fit son héritière, la jeune femme se découvre une famille dont elle ignorait l’existence. Malgré les crises, les ruptures, elle est soutenue par Charles qui finit par comprendre la recherche d’Alice, mais aussi par ses parents, discrètement, dans l’ombre qui, eux aussi, apprennent bien des faits sur leur famille.
Deux grands thèmes parcourent ce roman : la résilience, celle dont fait preuve Elvire malgré ses épreuves, sa vie gâchée par les autres et qui arrivent, en sachant la vérité, à surmonter ses traumatismes dont le plus terrible qui fut le décès de sa fille. Et puis les ravages psychologiques que causent les pervers narcissiques. Aurélie Tramier nous montre parfaitement les attitudes, les façons de procéder de ces malades. Leurs victimes ne sont pas choisies par hasard, elles sont faibles, ont besoin d’être secourues, rassurées. Et derrière une façade charmante, plaisante, enjolivante, le bourreau, dans l’intimité les détruit. Ils ont toujours d’excellentes raisons et sont certains de leur bon droit, de la justesse de leurs actes, de leurs attitudes. De fait, ils ne peuvent vivre que dans l’humiliation de l’autre. Et quand leur victime finit par s’enfuir, alors très vite ils en trouvent une autre.
Bien sûr, il y a quelques passages un peu « à l’eau de rose », « cul-cul gnian-gnian » comme on disait, et la fin s’apparente par bien des aspects aux meilleurs romans dits de gare. Mais, ces aspects sont largement atténués, disparaissent derrière un traitement intelligent des ravages psychologiques provoqués par certains individus et la force de la résilience.
La flamme et le papillon
Aurélie Tramier
éditions La belle étoile. 19€90