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L’Atelier des Lumières à Paris s’illumine des œuvres de Cézanne et Kandinsky.

par Pétra Wauters

L’Atelier des Lumières à Paris, vous ne connaissez pas encore, courez voir le spectacle… plein les yeux et les oreilles ! C’est dans le XIème arrondissement, c’est un centre d’art numérique situé au 38 rue Saint-Maur. Un programme long est consacré à Paul Cézanne, (1839-1906), l’enfant de la Provence aux 900 toiles et 400 aquarelles. Dans le programme court, le public découvrira le fondateur de l’art abstrait Vassily Kandinsky

Crée et mise en scène par Cutback, sous la direction artistique de Gianfranco Iannuzzi, le long métrage nous embarque pour un voyage au cœur des œuvres majeures de Cézanne. Comme toujours, on découvre les tableaux autrement. On se régale notamment de tous ces détails souvent imperceptibles à l’œil nu, qui ici, occupent une grande place sur les murs immenses.

Autre artistique prolifique à l’honneur, le peintre et poète, Vladimir Kandinsky (1866-1944), qui lui aussi a révolutionné l’histoire de l’art avec des compositions éclatantes. Ainsi, quelle belle idée que d’associer ces deux artistes car leurs recherches sur la symbolique de la couleur et des formes se font écho. En effet, on est ici dans l’essence même de la création. Des débuts figuratifs, teintés d’impressionnisme pour les deux, puis chacun part vers son langage, dans un formidable élan de modernité.

Paul Cézanne
Cézanne in situ. Atelier des Lumières. Les joueurs de carte
©Culturespaces Éric Spiller

Virginie Martin, Motion designer et architecte nous dira : « Concevoir une exposition immersive, c’est ouvrir un dialogue entre la peinture, la musique, l’architecture, le numérique et le visiteur. C’est une invitation à se libérer du réel à travers un voyage multi-sensoriel.  C’est le cheminement du figuratif à l’abstraction qui m’intéressait, comment par la couleur Kandinsky nous fait perdre nos repères pour basculer dans l’abstraction.  La musique s’immisce entre les traits de pinceau, et la puissance du lieu offre un autre regard sur les œuvres où le visiteur devient spectateur d’une réalité différente. » 

Parmi les œuvres musicales,  Dvorák: Serenade For Strings In E,Op.22, B. 52 – 2. Tempo di valse· Berliner Philharmoniker · Herbert von Karajan

Olécio partenaire de Wukali

D’autres peintures se dévoilent dans les Carrières au son du Prélude de Lohengrin de Wagner, en référence à l’amour inconditionnel de Kandinsky pour la musique.  « C’est en écoutant cet opéra, que le peintre a eu la révélation d’une « sensation colorée, de ce don desynesthésie ». « Cette musique colle parfaitement à l’histoire de Kandinsky », commente Virginie Martin.

Kandinsky
Kandinsky In situ. Atelier des Lumières
©Culturespaces Éric Spiller

Symbolisme, art populaire, abstraction, des séquences magiques.  Tout est superbe. C’est sans doute « Le Bauhaus » et « Cosmos », les derniers tableaux du spectacle court qui retiennent le plus notre attention. De sorte que c’est en quelque sorte un bouquet final qui somme toute marque les esprits. Une approche scientifique de l’art mais néanmoins poétique.  Ainsi il émane de ce final une atmosphère optimiste et joyeuse. « Il s’agit d’un Kandinsky presque scientifique, décrit la réalisatrice, qui va nous emmener vers le cosmos, le microcosme et à la fois le macrocosme, c’est-à-dire que l’on regarde les choses au microscope, tout en gardant la tête dans les étoiles. Et pour l’accompagner le génial David Bowie – Space Oddity. « L’idée avec ce choix était de s’envoler », conclue la réalisatrice, une musique sur « mesure » !

Revenons à Cézanne qui débute la projection

Son aventure aux Carrières débute au Louvre. C’est là que le jeune peintre passait des heures à étudier les œuvres des Maîtres anciens. Puis arrive la pomme ! C’est par elle que tout semble commencer. « Avec une pomme, je veux étonner Paris ! » dira Paul Cézanne. Pour l’heure se sont les fruits habituellement « paisibles » qui nous surprennent, tant leur « entrée en scène » est inattendue. Un clin d’œil à l’artiste qui bouscule les codes. Elles volent de toutes parts, pour se retrouver dans des compositions de natures mortes cézanniennes, accompagnées des notes jazzy et dynamiques de Songe d’Automne du Rosengerg Trio, composé par Django Reinhardt. On poursuit la balade dans la nature. Effectivement, quel ravissement lorsque soudain s’ouvrent sous nos pas des parcs et jardins. Les grands arbres nous font de l’ombre et au détour d’une clairière, on assiste à des scènes de vie joyeusement colorées. L’eau s’écoute. Les baigneurs et les baigneuses s’en donnent à cœur joie, se fondent avec la nature, arbres et corps entremêlés sur la musique superbe Lonesome Blues de Eddy DavisGreg CohenWoody Allen.

Paul Cézanne
Cézanne in situ. Atelier des lumières. Ad majorem gloria domini
©Culturespaces Éric Spiller

Mais le calme sera de courte durée. Car Cézanne est tourmenté.  Retour sur les interprétations qu’il fera des peintures des Maîtres anciens. Des visions sombres et parfois cauchemardesques. On le sait, il reprenait ses œuvres des heures, des jours, des semaines voire des mois plus tard, pour arriver au bout de sa recherche. On souffle un peu pour découvrir ses autoportraits. Pas forcément très paisibles pour nous, le public.  On peut lire dans ses yeux, sa mine renfrognée, cette manière de peindre sans complaisance, tous ses doutes. Pour les accompagner, la musique du King Arthur or the British Worthy – Act III : What Power art thou (Cold Genius) de Henry Purcell – par Emmanuelle Haïm.

Un peu d’apaisement ensuite avec un retour sur ses terres de Provence. Des paysages qui nous sont désormais familiers, de même que sa famille, sa mère, son père, sa femme, son fils, les célèbres joueurs de cartes…  On nous emmène encore au Jas de Bouffan. Peintures et photos s’entremêlent sur Blessed Are The Peacemakers by Woody JacksonTournesol (Live) par Stéphane Grappelli.

« Il faut traiter la nature par le cylindre, la sphère et le cône » ainsi disait Paul Cézanne.  Nous entrons dans son atelier d’artiste avec l’air d’ouverture des Noces de Figaro de Mozart

Paul Cézanne
Illumination de pommes chères à Cézanne
©Culturespaces Éric Spiller

Dans cet atelier on est avec Cézanne. Le peintre nous ouvre la porte. On se retrouve parmi les objets familiers, les modèles de ses natures mortes, son mobilier, ses dessins. C’est là qu’il étudie la perspective, expérimente les couleurs, les traits.   Les images présentées nous montrent comment le peintre compose et ouvre la voie au cubisme. Pour cette longue séquence, plusieurs musiques parfaitement choisies parmi lesquelles  Les Indes galantes, Quatrième entrée «Les sauvages » : «Forêts paisibles» (Zima, Adario, Sauvages) – Jean-Philippe Rameau – interprété par Aimery LefèvreAlexis KossenkoLe Jeune Chœur de Paris, Les AmbassadeursSabine DevieilheLa musique est très variée », explique Gianfranco Iannuzzi, Schubert, Rameau, Vivaldi, mais aussi du blues, du jazz, des choses plus contemporaines qui montrent aussi cette ouverture vers la modernité.

Des scènes maritimes aux paysages de Bibémus, ce sont d’autres visions qui s’offrent à nous. De belles vibrations se font sentir, tant visuelles que musicales avec la Valse Triste – Sibelius – par Berliner Philharmoniker Herbert von Karajan. On termine le voyage, vous l’aurez deviné avec un final magnifique autour de Sainte Victoire. 

Paul Cézanne
Cézanne in situ Atelier des Lumières. La Montagne Ste Victoire
©Culturespaces Éric Spiller

Sa montagne, qui se fera changeante, au gré du temps, de ses humeurs, de ses recherches. Des scènes illustrées par des Pièces de clavecin, Book 1 (1746): No. 11 Le Vertigo – Joseph-Nicolas-Pancrace Royer – par Jean RondeauGénérique : Vremena goda, Op. 67: L’Automne: Petit Adagio – Alexander Glazunov – interprète par Neeme Järvià la tête du Royal Scottish National Orchestra

Rencontre avec Gianfranco Ianuzzi, directeur artistique du spectacle et Jacques de Tarragon directeur de l’atelier des lumières

Interview de Gianfranco Iannuzzi 

Gianfranco Ianuzzi,  les Carrières de lumière aux Baux de Provence, les bassins de lumières à Bordeaux, New York, Amsterdam, Corée du nord, Il est quantité de « lieux de lumières » partout dans le monde où vos spectacles peuvent être projetés. Chacun possède ses attraits, ses singularités. Quelles sont celles de l’Atelier des lumières ?

Parmi tous les lieux que vous avez mentionnés l’Atelier des Lumières est un espace plus intime et certainement plus « neutre » mais c’est précisément pour cela qu’on peut dire qu’il laisse plus d’espace à la mise en scène comme aux œuvres des artistes qui sont projetées.

Paul Cézanne
Cézanne. Les Baigneuses in situ.
©Culturespaces Éric Spiller

Il permet au public d’apprécier une qualité d’images, de détails et de nuances de couleurs difficile, voire impossible, à obtenir ailleurs. De plus, l’isolation des murs et du plafond permet d’obtenir une acoustique proche de celle d’une salle de concert. 

Très souvent le public s’assied et même s’allonge sur le sol et se laisse emporter par la musique et par ces visions proposées comme dans un rêve. 

Même si l’Atelier des Lumières semble être moins propice à la déambulation que des Lieux comme Les Carrières ou les Bassins, il est propice à une expérience sensorielle plus profonde car plus « intimiste » dans le parcours narratif de l’exposition immersive.

Avez-vous un coup de coeur pour l’un d’entre eux ?

Les Carrières des Lumières restent mon lieu préféré pour la beauté de ses surfaces minérales et parce que c’est l’endroit où, il y a plus de 30 ans, j’ai commencé mon aventure artistique.

Mais je suis très attaché aussi aux Bassins des Lumières de Bordeaux pour son histoire en temps de guerre, ses énormes murs de béton et évidemment, pour la présence de l’eau qui me rappelle Venise : ma ville.

Une fois votre création réalisée, devez-vous la retravailler en fonction des lieux ?

Chaque lieu a sa propre architecture, son histoire, son âme, son empreinte et cela influe sur chaque exposition. Pour toute nouvelle exposition il y a à chaque fois une nouvelle mise en scène et une adaptation à l’espace car c’est l’espace qui, en définitive, décide et transforme mes propositions. C’est une caractéristique fondamentale de mon travail qui s’attache à chaque fois à recréer une œuvre originale.

Kandinsky
Kandinsky in situ
©Culturespaces Éric Spiller

Gianfranco vous nous disiez : « Voilà un peintre qui a un peu snobé Paris.  Son refuge était la Provence. » Et pour la fois énième fois le peintre « remonte à Paris ». Bel hommage n’est-ce-pas dans la capitale ?

Cézanne a toujours eu une relation ambivalente avec Paris. D’une certaine façon, un rejet, sans doute dû à son caractère introverti et au fait qu’il n’était pas compris par les critiques de l’époque. De l’autre, un désir de reconnaissance qui se résume dans sa célèbre phrase  » Avec une pomme, je veux étonner Paris ! « 

En quelque sorte amener cette exposition numérique immersive sur Cézanne à l’Atelier des Lumières prend une signification symbolique, un peu comme une reconnaissance posthume telle que celle de sa rétrospective au Salon d’automne de 1907. J’espère que Cézanne va encore étonner Paris !

Interview de Jacques de Tarragon, directeur de l’Atelier des lumières à Paris

Parlez-nous de l’Atelier des lumières. Vos impressions?

L’Atelier des Lumières est un lieu très atypique et finalement encore assez nouveau dans le paysage culturel français. C’est le premier centre d’art numérique installé à Paris. Nous avons ouvert nos portes en avril 2018 et avons accueilli, depuis, près de 4 millions de visiteurs. Mon sentiment sur cette succes story c’est que, via le numérique, Culturespaces a réussi un pari incroyable en proposant un autre regard sur la peinture dans grand maitres de l’histoire de l’art.

Est-ce que c’était à la base un lieu improbable pour accueillir des spectacles ?

C’est vrai qu’à première vue, on peut estimer que la reconversion de ce lieu est originale… Néanmoins, on s’inscrit ici totalement dans la ligne de conduite de Bruno Monnier (Président de Culturespaces) qui, en initiant l’ouverture de nouveaux sites immersifs, parvient à donner une seconde vie à des sites patrimoniaux, historiques ou industriels.

L’Atelier des Lumières est une ancienne fonderie de fer du 11e arrondissement qui a vu le jour en 1835. La crise de 1929 a eu raison de l’activité que la famille Plichon avait bâti un siècle plus tôt. En cette fermeture et 2018, le site avait alternativement servi de showroom ou d’entrepôt logistique.

Ce site a une âme… c’est un très bel endroit de près de 2000m2 que l’on n’imagine pas trouver derrière cette devanture.

Comment avez-vous vécu l’épisode Covid ? 

Le covid nous a contraint à fermer deux fois. Deux mois et demi en 2020 et cinq mois en 2021. Nous nous apprêtons à ouvrir au public avec une magnifique programmation et nous voulons penser que ces épisodes compliqués sont loin derrière nous et que l’année 2022 ne souffrira pas du contexte sanitaire.  

 C’était compliqué, nous ne touchons aucune subvention de l’Etat et la fermeture de 2021 a été longue et complexe. Nos salariés sont restés un long moment sans activité et je dois dire que tout le monde a été enchanté de rouvrir les portes de l’Atelier à la fin du mois de mai.

Les visiteurs ont été tout de suite au rendez-vous et notre exposition consacrée à Salvador Dali a rencontré un beau succès.

Ma plus belle récompense de l’année a été de pouvoir échanger avec de nombreux visiteurs à qui les sorties culturelles manquaient cruellement et qui ont été transportés par la qualité du contenu proposé.

Avez-vous découvert les autres lieux de CulturEspaces ? Quels sont ceux qui vous touchent le plus ?

 J’ai eu la chance de me rendre dans la plupart des lieux gérés parCulturespaces. Dernièrement, j’ai visité deux expositions qui m’ont littéralement transportées.

La première, qui s’est tenue au musée Jacquemart-André jusqu’à il y a trois semaines, était consacrée au peintre Botticelli. C’était comme une plongée dans la Renaissance italienne et dans la grâce de cette époque. 

Plus récemment, j’ai assisté au lancement de « Venise, la Sérénissime » au Bassins des lumières à Bordeaux et je recommande chaudement la découverte ce cette exposition qui est un voyage à travers plusieurs siècles de peinture, sur un sujet d’une grande beauté.

Programmez-vous des nocturnes à l’Atelier des lumières avec plusieurs spectacles ?

Nous prévoyons en effet une programmation spéciale sur deux périodes à l’Atelier des Lumières. D’abord durant les vacances de Pâques où allons proposer une quinzaine de nocturnes autour d’une belle exposition immersive que le public a découvert assez récemment mais les nombreuses demandes nous poussent à la reprogrammer.

Au moment des vacances de la Toussaint 2022, nous préparons une très belle surprise à nos visiteurs… Il leur faudra suivre régulièrement notre actualité mais, pour l’heure, cela reste confidentiel.

Cézanne a tellement alterné les séjours entre Aix et Paris. L’accueillir ici à Paris, à l’Atelier des lumières, cela a du sens pour vous ? 

C’est un peintre universel. Son œuvre a déjà beaucoup cheminé à travers le monde. Néanmoins, nous ne prétendons pas faire voyager Cezanne lui-même mais bien nos visiteurs qui, immergés dans sa peinture, se sentiront un moment en Provence.

Paul Cézanne

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