La 1ère étape de la renaissance du grand orgue est lancée : la restauration des 19 sommiers et des 8000 tuyaux a débuté
Après leur dépose, du 3 août au 9 décembre 2020, les éléments du grand orgue ont été stockés en région parisienne. Le groupement attributaire des travaux de restauration a été désigné à l’été 2021, après appel d’offres. A l’automne, les éléments ont été transportés dans les trois ateliers du groupement.
Après avoir été décontaminés cet hiver dans l’atelier Quoirin, dans le Vaucluse, les 19 sommiers – dont 16 de Cavaillé-Coll (1868) –, sont en cours de restauration à la Manufacture languedocienne de Grandes Orgues, dans l’Hérault.
La décontamination et la révision des 8000 tuyaux débutent quant à elles au sein de l’atelier Cattiaux-Chevron, en Corrèze.
Cette étape importante marque le début de la restauration du grand orgue qui lui permettra de résonner dans la cathédrale lors de réouverture au culte et à la visite en 2024.
Voix de la cathédrale depuis 1733, le grand orgue symphonique de Notre-Dame de Paris a été transformé à plusieurs reprises depuis sa reconstruction par Aristide Cavaillé-Coll, en 1868. Ses 8 000 tuyaux répartis en 115 jeux en font le plus grand instrument de France en nombre de jeux. De prestigieux organistes, comme Louis Vierne ou Pierre Cochereau, en ont été titulaires.
Lors de l’incendie, il n’a pas été inquiété par les flammes et a reçu très peu d’eau au cours de l’intervention des pompiers. Néanmoins, il a été recouvert de poussières de plomb qui se sont répandues sur l’ensemble de l’instrument et certaines parties ont souffert des variations thermiques subies par la cathédrale depuis l’incendie, notamment lors de la canicule de juillet 2019. Il nécessite donc un nettoyage approfondi et une restauration, qui ne peuvent être effectués sur place. Le grand orgue a donc été déposé du 3 août au 9 décembre 2020.
Un appel d’offres a été publié le 1er avril 2021. Le groupement attributaire des travaux de restauration de l’instrument –l’atelier Quoirin, à Saint-Didier (Vaucluse), l’atelier Cattiaux-Chevron, à Liourdres (Corrèze) et la Manufacture Languedocienne de Grandes Orgues, à Lodève (Hérault) – a été désigné à l’été 2021.
Réalisés sous la maîtrise d’ouvrage de l’établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et sous la maîtrise d’œuvre de Christian Lutz (mandataire) et Eric Brottier, organologues, techniciens-conseils agréés par le ministère de la Culture pour les orgues protégés au titre des monuments historiques, les travaux de nettoyage et de restauration du grand orgue ont débuté l’automne dernier pour lui permettre de résonner dans la cathédrale lors de sa réouverture au culte et à la visite en 2024.
L’ensemble des éléments déposés, stocké dans des entrepôts spécialement aménagés par l’établissement public, a ainsi été peu à peu transféré et réparti entre les trois ateliers :
à la Manufacture Languedocienne de Grandes Orgues, les 19 sommiers, préalablement décontaminés cet hiver par l’Atelier Quoirin, sont en train d’être restaurés.
à l’Atelier Cattiaux-Chevron, les travaux de décontamination et de révision de la console et des 8000 tuyaux, commencent.
à l’Atelier Quoirin qui, après avoir décontaminé les 19 sommiers, se chargera cet été de la pose des 850 électro-aimants qui permettront d’ouvrir les soupapes des sommiers (par lesquelles l’air alimentera les tuyaux et les fera sonner), ainsi que par la pose des 180 vérins pneumatiques qui actionneront les registres (planches trouées en bois)
Concomitamment, dans la cathédrale, la décontamination du buffet du grand orgue, se termine. Il bénéficiera ensuite d’une restauration, qui débutera en avril et durera jusqu’à l’été. L’opération, sous la maîtrise d’œuvre de Philippe Villeneuve, architecte en chef des monuments historiques, sera réalisée par une restauratrice de peintures.
La restauration des quatre grands soufflets se tiendra cet été
L’opération consiste à renouveler tous les joints d’étanchéité, confectionnés en peau de mouton et qu’il ne serait pas possible de décontaminer sans altérer leurs propriétés. Destinés à garantir une réserve suffisante d’air sous pression, quelle que soit la consommation qui en est faite suivant les registres tirés par l’organiste, ils devront être rigoureusement étanches. Pour que la colle chaude adhère bien, il faudra que le bois soit à une température supérieure à 20°C, de manière à ce qu’elle pénètre bien dans les pores et ne se fige pas trop vite. C’est pourquoi cette opération se fera durant les mois les plus chauds de l’été 2022.
Dernière étape du chantier de restauration du grand orgue, dans la cathédrale, la restauration des tuyaux de façade, restés sur place car trop fragiles pour être transportés, aura ensuite lieu en octobre.
En 2023, à l’issue de sa restauration, le grand orgue sera remonté dans la cathédrale. Il sera alors harmonisé et accordé afin de lui permettre de résonner lors de sa réouverture au culte et à la visite, en 2024. L’opération, qui exige le silence le plus complet, sera effectuée de nuit.
A propos des sommiers du grand orgue de Notre-Dame de Paris
Le sommier, c’est le cœur de l’orgue. Pour que l’on puisse parler d’orgue, il faut qu’il y ait des tuyaux, qui produisent le son, une soufflerie, qui envoie l’air sous pression dans les tuyaux, et une console des claviers, pour faire sonner le bon tuyau au bon moment. Mais au cœur de ce triangle, il y a le sommier, un assemblage complexe de pièces de bois sur lequel sont posés les tuyaux, dans lequel l’air sous pression est emmagasiné et où convergent les commandes émanant de la console. De l’étanchéité parfaite du sommier dépend la fiabilité de l’instrument et la stabilité de l’accord. A Notre-Dame, on ne compte pas moins de 19 sommiers, dont 16 de Cavaillé-Coll (1868). Ils n’ont pas été endommagés par l’incendie mais il a fallu les démonter pour les dépoussiérer. On profite à présent de cette dépose pour les restaurer en profondeur et remplacer toutes les pièces d’usure, en renouvelant notamment toute la peausserie.
La restauration des sommiers, étape par étape
La restauration des 19 sommiers, dont 16 de Cavaillé-Coll, datant de 1868, est une opération méticuleuse, qui exige une grande expérience et doit être menée avec beaucoup de rigueur.
• Septembre-octobre 2020 : les registres, ces règles percées qui permettent de sélectionner les timbres sonores, leschapes, sur lesquelles reposent les tuyaux, et les faux-sommiers, ces planches trouées qui permettent de les maintenir en position verticale, ont été démontés dans la cathédrale, préalablement à la dépose des sommiers.
• Novembre 2020 : dépose des 19 sommiers
• Décembre 2020-octobre 2021 : stockage des 19 sommiers dans des conteneurs étanches, en région parisienne
• Octobre 2021 / février 2022 : décontamination progressive des 19 sommiers (dans le Vaucluse, par l’atelier Quoirin)
• Novembre 2021 / août 2022 : restauration progressive des 19 sommiers (dans l’Hérault, par la Manufacture Languedocienne de Grandes Orgues)
Principales étapes
1. Vérification de l’étanchéité entre les barrages, qui délimitent les gravures destinées à alimenter séparément chaque note et les tables, ces planches de bois assemblées entre elles sur lesquelles coulissent les registres. Chacune des gravures qui n’est pas totalement étanche est ainsi réencollée en utilisant de la colle chaude, une colle organique qui devient liquide lorsqu’elle est chauffée au bain-marie et qui pourra être facilement enlevée lors des restaurations futures. Les gravures seront ensuite refermées par en dessous en collant une peau sur la grille, qui est l’ensemble des barrages.
2. Fermeture par en dessous des gravures, en collant une peau sur la grille, qui est l’ensemble des barrages. Toutes les fuites qui avaient été artificiellement créées pour pallier les défauts d’étanchéité sont colmatées.
3. Restauration de la laye, petit coffre contenant les soupapes et l’air sous pression qui peut être libéré par les soupapes dans les gravures. Il s’agit de restituer l’étanchéité des joints de peau qui rendent étanche le tampon de laye, cette plaque qui peut s’ouvrir pour la maintenance des soupapes, et de remettre en peaux celles-ci.
4. Suppression de la peau collée sous les registres pour les remplacer par des rondelles collées sur la table du sommier et sous les chapes. Pour que les rondelles puissent adhérer, le graphite de la table doit être supprimé. Cette solution alternative permet d’assurer une meilleure étanchéité, tout en maintenant un mouvement aisé des 188 registres en fonction des variations hygrométriques.