Les éditions Autrement viennent d’avoir l’excellente initiative de rééditer l’œuvre majeure de l’auteur australien décédé en 1987, Kenneth Cook : Cinq matins de trop.
Auteur majeur de la littérature australienne et, par voie de conséquence, anglophone, ce livre est étudié dans toutes les écoles de l’île-continent. Non seulement c’est un plaisir de relire ou de découvrir ce court roman, mais en plus les illustrations originales de Gurval Angot donnent un vrai relief à la lecture, tant elles créent à elles seules une atmosphère identique à celle décrite par l’auteur.
Les vacances d’été vont commencer, six semaines de congé pour les fêtes de Noël qui vont permettre à John Grand, instituteur de la classe unique de Tibooda, endroit perdu au milieu du bush australien, de retourner à Sidney et de retrouver les joie et la fraîcheur de l’océan. Aussi, part-il par le train pour la grande ville, Bundanyabba, la plus belle ville du monde pour ses habitants, pour prendre l’avion à destination de Sydney. Ce qui est certain, c’est que ces derniers sont des gens pleins de chaleur humaine, toujours prêts à tendre la main aux plus démunis.
Mais l’attente est longue, il fait chaud, et la bière rafraîchit les gosiers asséchés. Commence alors une spirale infernale pour John : l’alcool et le jeu, le jeu où il perd tout son argent. S’en suit le début d’ une longue errance où il rencontre des personnages hauts en couleur qui boivent beaucoup, qui lui tendent la main mais ne le retiennent jamais, bien plus occupés sont ils à gérer leurs petits problèmes que de l’aider à résoudre les siens. Une empathie de façade, rien de plus. Cela lui vaut une chasse nocturne aux kangourous qui restera à jamais gravée dans la mémoire du lecteur.
Quand il pense, enfin, être sur la route de Sidney, il se retrouve à Bundanyabba dans un état désespéré, sans un sou, en plein désespoir. Alors, Ii finit par repartir pour sa seconde année à Tibooda, mais il est devenu un autre homme qui s’assume tel qu’il est.
Roman initiatique, certainement. Mais sûrement pas celui que l’on attend d’un Australien. On est loin de l’image de carte postale que l’on peut avoir de ce pays : il est hostile, pas adapté à une vie « normale », étouffant, où les seuls loisirs se trouvent dans l’alcool et dans le jeu. Initiatique, certainement, mais pas version aborigène. On est loin du mythe du bon sauvage, le seul aborigène que l’on croise dans le roman est un voyageur parmi tant d’autres dans le train. Non on ne rencontre que des « occidentaux » qui, survivent dans ce désert. Mais cela n’empêche pas John de faire son chemin intérieur, poussé par les événements, c’est certain, allant jusqu’aux limites du désespoir, mais se transformant à son issue. L’aridité du cadre lui permet, de fait, de faire tomber les scories qui recouvraient son âme. Travail que les autres personnages n’arrivent pas à faire. Pas assez désespérés ? Trop heureux de leurs routines et de ce qu’ils sont ?
Oui, de par son originalité, son humour et sa noirceur, Cinq matins de trop est un livre d’une grande profondeur. Pas étonnant qu’il soit devenu un classique de la littérature australienne.
Kenneth Cook
Cinq matins de trop
éditions Autrement. 15€