Accueil Actualités Plus loin que la musique, du coeur vers le coeur*, avec Imogen Cooper, Philipp von Steinaecker et l’Orchestre de chambre de Paris à La Roque d’Anthéron 2022

Plus loin que la musique, du coeur vers le coeur*, avec Imogen Cooper, Philipp von Steinaecker et l’Orchestre de chambre de Paris à La Roque d’Anthéron 2022

par Pétra Wauters

 Vendredi 22 juillet à 21h00c’est notre premier concert du festival, de cette 42ème édition qui a débuté le 18 juillet 2022, et autant vous dire qu’il a une saveur particulière. C’est si bon de revenir chaque été dans ce lieu de toute beauté. 

Lars Vogt n’était pas aux manettes de l’Orchestre de chambre de Paris ce soir-là comme initialement prévu. Souffrant, il a dû annuler deux concerts. Le charismatique pianiste et chef a su choisir des musiciens hors pair pour le remplacer : À la direction Philipp von Steinaecker, et Imogen Cooper au piano le 22 juillet, Danae Dorken au piano le 23 juillet. Vendredi, ce sont donc des amis à lui qui ont interprété Langsammer Satz de Webern, le Concerto pour piano et orchestre n°22 de Mozart, et Mozart encore avec la célèbre Symphonie n°40. Un grand vent d’émotion a soufflé sur l’Auditorium du Parc du Château de Florans.  Il faut d’autant plus savoir que pour les deux dates où Lars Vogt devait se produire, 22 et 23 juillet, les programmes ont été intégralement respectés. 


Petit retour en arrière, il y a tout juste un an, et l’on se souvient de cette soirée magique du 23 juillet 2021 à la Roque, avec au piano le grand Vadym Kholodenko, et à la baguette Lars Vogt, monté sur ressort et toujours aussi impressionnant. 

Nous relations cette belle soirée dans notre magazine. 

Olécio partenaire de Wukali

La soirée du 22 juillet débute avec le Langsammer Satz (en français, Mouvement Lent) de Webern. Une œuvre de jeunesse qui marque déjà son style. On reconnait son écriture si belle et singulière. L’un des pères fondateurs de la « Deuxième école viennoise », avec Berg, Schoenberg, nous offre une musique absolue, authentique, qui plonge ses racines dans des questions douloureuses et profondes de son époque. C’est toute une pensée musicale qui nous est offerte, autour de la philosophie, de la politique, de l’histoire. Ici, le Langsammer Satz se recentre sur l’homme. Enracinée dans le romantisme, elle déploie une profusion d’émotions entre le désir, la passion, l’agitation. Certes c’est une œuvre « chargée », riche, mais tout s’apaise dans le dénouement de ce petit chef-d’œuvre qui débute la soirée. Une œuvre pourtant souvent jouée en rappel, apprend-on. 

Avec Mozart, on change d’époque et aussi d’ambiance. Voilà un concerto richement orchestré, et on aime l’assurance d’Imogen Cooper, exceptionnelle musicienne britannique. Son jeu pianistique est sobre et élégant. Elle s’imprègne de ces pages sublimes avec une facilité déconcertante, complice du chef, à l’écoute des musiciens de l’Orchestre de Chambre de Paris.  

 On pensait d’ailleurs que la pianiste et le chef, Philipp von Steinaecker, se connaissaient depuis longtemps, tant ils sont en symbiose ! Perdu ! Le violoncelliste et chef d’orchestre allemand avoue en souriant : « Nous nous sommes rencontrés il y a trois jours seulement ! » 

On se pose la question, comment est-ce possible ? Et on comprend vite que l’orchestre est ce médium qui fait que ça fonctionne ! Lars Vogt y est pour beaucoup. Lui qui a aimé travailler avec cet ensemble de musique de chambre, composé de jeunes musiciens pour la plupart. On salue la prestation de la première violon, Deborah Nemtanu qui ressemble beaucoup à sa soeur Sarah Nemtanu, 1er violon de l’Orchestre National de Paris. Deux violonistes précoces et douées. Lars Vogt a noué avec ses musiciens une superbe relation de respect et de partage. Pas sûr qu’avec un autre chef que Philipp von Steinaecker nous aurions eu droit à une telle synergie. Le programme Mozart est merveilleusement joué. On n’oublie pas que l’Orchestre de chambre de Paris est de formation Mozart, un Mozart d’une grande flexibilité. Le bis offert tout à la fin du concert le prouve encore, si besoin était. Il s’agit de  l’Ouverture des Noces de Figaro, une œuvre joyeuse et enlevée, très aimée également de Lars Vogt et que le chef a dédiée à son ami. 

Novembre 2020

On le sait, les pièces de Mozart ne pardonnent pas les erreurs. Or ici, tout est à sa place. L’interprétation de ce concerto est sobre, sans fioritures. On a tous à l’esprit pour l’avoir entendu souvent, le troisième mouvement, repris dans « Amadeus », de Milos Forman.

 La pianiste est divine. Son bis offert montre qu’elle est également une grande spécialiste de Schubert. L’Allegretto en ut mineur, D.915, est une courte pièce qui résonne encore en nous. Sous les doigts d’Imogen Cooper, tout Schubert est là, concentré ! Après Schubert, le chef a invité la pianiste à prendre son bras, et c’est joyeusement que les deux musiciens ont quitté la scène, le chef raccompagnant la dame dans les coulisses. Une image rare, à jamais gravée dans les esprits. 

Imogen Cooper et l’Orchestre de chambre de Paris

Philipp von Steinaecker revient pour la dernière partie. Dans la continuité, superbe Mozart encore avec la symphonie n° 40, une soirée sans entracte qui passe comme dans un rêve. Le chef, là encore, obtient de son ensemble une interprétation intense, éclatante déjà sur le plan stylistique car Philipp von Steinaecker fait preuve d’une subtile compréhension de l’orchestration particulièrement inventive de Mozart. Et c’est sur Mozart que le rideau tombe, comme nous vous le disions, sur les Noces de Figaroune musique superbe, là encore d’une invention mélodique inouïe. 

D’autres noces d’une toute autre nature ont été célébrées entre le public de la Roque, l’orchestre, le chef et la pianiste, qui se sont déroulées dans l’émotion et la joie. 

Webern : Langsammer Satz
Mozart : Concerto pour piano et orchestre n°22 en mi bémol majeur K. 482
Mozart : Symphonie n°40 en sol mineur K. 550

*« Du coeur, vers le coeur… » (Vom Herzen,möge es wieder, zu Herzen gehen), ce qu’écrivait Beethoven en préambule à sa Missa Solemnis
Illustration de l’entête: Imogen Cooper et l’Orchestre de chambre de Paris. Photo Pierre Morales

Ces articles peuvent aussi vous intéresser