Le vase de Vix est un vase de bronze découvert en 1953, dans la sépulture d’une princesse celte à Vix ( Côte d’or). Il est conservé au musée de Chatillon-sur-Seine, mesure 164 cm de hauteur, pour un poids de 208,6 kg.
C’est le plus grand cratère antique parvenu jusqu’à nous. Un cratère était un vase servant à contenir du vin, en l’occurrence jusqu’à 1100 litres.
En général, on considère qu’il fut créé dans un atelier grec, probablement corinthien, de la région de Naples en Italie du sud( la Grande-Grèce de l’Antiquité). Sa fabrication est datée autour de -525. Cette ancienneté est sidérante au regard de la création qui n’a pas pris une ride. L’œuvre finie est bien en avance sur son temps !
À cet égard, la taille exceptionnelle de ce vase, ses proportions hors-du-commun, la richesse incroyable de ses décors ornementaux, prouvent que plusieurs corps de métiers ont participé à son élaboration. Aujourd’hui il est improbable qu’un artisan, même très talentueux, soit capable d’en recréer un exemplaire du modèle.
Ce cratère est autre chose qu’un simple objet utilitaire : une œuvre d’art à part entière. Peut-être même un cadeau diplomatique ou une commande spéciale, voire les deux à la fois. Il est constitué de plusieurs parties qui furent assemblées à Vix, après envoi par mer et transferts par fleuves et rivières. Ce qui implique la présence d’ouvriers capables de réaliser une opération aussi complexe. Donc ils accompagnèrent le vase jusqu’à sa destination finale avant de le monter
Ainsi, la réalisation fut un exploit technique. Le bronze est un alliage d’étain et de cuivre. Ici le cuivre utilisé est très pur. Ce fut un choix décisif du Maître fondeur : moins il y avait d’impuretés, moins les risques de fissures existaient.
C’est qu’en effet le corps du vase nécessita plus de 70 kg de bronze, qui fut travaillé au marteau. Il a une épaisseur d’environ 1 cm. Le fond est arrondi, avec un diamètre de 127 cm au plus large.
Le pied est une pièce coulée en bronze, d’un diamètre de base de 74 cm et d’un poids de 20,2 kg. C’est cet élément porteur qui assure la stabilité de l’ensemble : il reçoit le fond de la coupe, lui conférant son assise. Il est décoré de motifs de végétaux stylisés.
Il faut savoir que les anses, de 46 kg chacune, furent fondues dans des moules. Elles forment des volutes de 55 cm de hauteur dont les attaches sont des gorgones grimaçantes et tirant la langue. Les décors des volutes sont typiques du travail du métal : elles forment des spirales inversées.
Le tour du col est un cercle rapporté(1*) enserrant le haut de la coupe et portant les anses. La frise décorative montre huit quadriges(2*) conduit par un aurige(3*) et suivi chacun par un hoplite(4*) armé, à pieds. C’est un véritable bas-relief, un chef d’œuvre du genre, avec des personnages et des animaux immédiatement reconnaissables, vus de profil car nettement détachés des fonds. Les proportions de chacun sont admirablement rendues. Tous ces participants à l’action forment une caravane parfaitement identifiable.
Le couvercle est une feuille de bronze martelée d’un poids de 13,8 kg. Concave et troué de nombreuses fois, il devait servir de passoire. En son centre une figurine. Cette statuette de femme, en bronze coulé, mesure 19 cm de hauteur. Son vêtement est un péplos(5*). La tête porte un voile. Sa facture est totalement différente du reste : c’est un travail clairement local.
D’évidence, au regard le vase est magnifique : équilibre des formes, harmonie des proportions, pureté des lignes, assise structurelle bien calculée, tout y est serein, parfait et majestueux. Même les anses, qui auraient pu être superbes mais inadaptées au corps du vase, en sont, superbement, au diapason, car complémentaires.
Ce qui a des implications sur la genèse de ce cratère : une synthèse complète de ce qu’il devait être fut indispensable avant de passer à la pratique technique.
Sans conteste, sa réalisation fut le fruit de mûres réflexions, de longues discussions, d’inévitables approximations. De ce fait, le prix de revient, exorbitant, ne pouvait être assuré que par un, ou des, commanditaires. Il est très probable que ce soit un cadeau diplomatique : qui d’autre qu’un état-nation pour ordonner une création d’une valeur astronomique, aboutissant à un tel chef d’œuvre ? On n’arrive pas à l’imaginer !
Nul doute, son coût, énorme, en valait la peine : la distinction, l’éclat, la beauté de cet objet unique durent impressionner les contemporains. Malheureusement pour eux, les possesseurs de l’objet furent écrasés par leurs ennemis et disparurent très vite de la scène politique.
Heureusement pour nous, le vase resta inconnu des envahisseurs, enfoui dans un tumulus qui n’intéressait personne. La curiosité lancinante d’un paysan bourguignon du village de Vix, Maurice Moisson et d’un archéologue chevronné, René Geoffroy, firent le reste…
(1*) pièces réalisées à part puis réunies et mises en place.
(2*) attelage de quatre chevaux
(3*) conducteur de char
(4*) fantassin lourdement armé
(5*) tunique féminine grecque antique
Précédente publication 09/06/2020