Vous l’avez bien compris, l’exploration de Mars et bien entendu l’exploration spatiale, nous intéressent au plus haut point et à cet égard nous avons déjà publié, traduit et relayé dans WUKALI un certain nombre d’articles à ce sujet laissant les spécialistes exposer leurs découvertes et le fruit de leurs hypothèses. Soyez rassurés, nous ne sommes pas prêts d’arrêter ! En effet il n’y pas une semaine, pour ne pas dire de jours, sans que de nouvelles publications percutent notre actualité, nous sommes en quelque sorte en veille médiatique !
Un article vient précisément d’attirer notre attention. Une étude qui sera publiée dans quelque semaines et dont nous avons eu connaissance dans un article publié dans Live Science. Il fait référence à un mystérieux minéral découvert sur la planète rouge, d’origine volcanique et qui serait vieux de 3 milliards d’années.
L’auteure de cet article s’appelle Valérie Payré, elle est post-doctorante à l’université du Nord- Arizona et travaille avec le Dr Mark Salvatore. Dès cet automne elle sera professeure-assistante au Département de la Terre et des Sciences environnementales à l’université de l’Iowa. Précisons aussi qu’elle a terminé ses études de Premier cycle et de maîtrise à l‘ENS. Paris et l‘Institut de Physique du globe (IPGP France). Par ailleurs, elle a obtenu son doctorat à l’Université de Lorraine sous la direction du Dr. Cécile Fabre et du Dr. Violaine Sautter. Si ce n’était déjà assez pour admirer un tel parcours universitaire et scientifique, nous ajouterons qu’elle a fait des études post-doctorales sur le magmatisme de Mars sous la direction des Dr. Kirsten Siebach and du Dr. Rajdeep Dasgupta à la Rice University.
Quand elle-même parle de son cursus de recherche , voici ce qu’elle écrit: « Je combine la sédimentologie et la pétrologie ignée pour comprendre et poser les limites des processus magmatiques sur Mars. Je travaille dans l’équipe Curiosity du Mars Science Laboratory, et j’étais auparavant membre de l’équipe ChemCam.«
Pierre-Alain Lévy
Un mystérieux minéral martien qui laisse les scientifiques perplexes depuis sa découverte il y a sept ans pourrait avoir été éjecté lors d’une éruption volcanique inhabituelle, ont révélé des chercheurs. Ce minéral, que l’on ne trouve normalement que sur Terre, s’est probablement formé sur la planète rouge il y a plus de 3 milliards d’années.
Le rover Curiosity de la NASA a découvert le minéral à l’intérieur d’une roche au cœur du cratère Gale (cliquer), d’une largeur de 96 miles (154 kilomètres), le 30 juillet 2015. Le rover a percé un petit trou dans la roche et en a extrait un échantillon de poussière de couleur argentée. Le laboratoire de diffraction des rayons X embarqué par Curiosity a analysé la poussière et a détecté de la tridymite – un type rare de quartz composé entièrement de dioxyde de silicium, ou silice, qui est formé par certains types d’activité volcanique.
Cette découverte inhabituelle était totalement inattendue. « La découverte de tridymite dans le cratère Gale est l’une des observations les plus surprenantes que le rover Curiosity ait faites en dix ans d’exploration de Mars« , a déclaré dans un communiqué Kirsten Siebach, co-auteur de l’étude, spécialiste des sciences planétaires à l’université Rice de Houston et spécialiste de mission au sein de l’équipe Curiosity de la NASA (cliquer).
La découverte de la tridymite a stupéfié les chercheurs pour deux raisons principales, a précisé l’auteur principal de l’étude, Valerie Payré, spécialiste des sciences planétaires à la Northern Arizona University et à la Rice University. Premièrement, on pensait auparavant que l’activité volcanique de Mars ne permettait pas de produire des minéraux riches en silice comme la tridymite. Ensuite, les scientifiques pensent que le cratère Gale était autrefois un ancien lac et qu’il n’y a pas de volcans visibles à proximité, ce qui a laissé les scientifiques perplexes lorsqu’ils ont essayé de comprendre comment le minéral s’est retrouvé au fond du lac..
Dans la nouvelle étude, les chercheurs ont trouvé une explication qui pourrait enfin éclaircir le mystère. Les chercheurs soupçonnent que l’éruption explosive d’un volcan inconnu a lancé des cendres riches en tridymite dans le ciel martien, qui sont ensuite tombées dans l’ancien lac du cratère Gale.
Lorsque la cendre est tombée dans l’eau, elle a dû être décomposée en ses différentes parties par une combinaison de processus physiques et chimiques. Les chercheurs pensent que c’est la raison pour laquelle l’échantillon de tridymite est si pur et non contaminé par les cendres. « Si les cendres avaient été déposées directement à l’endroit où nous les avons trouvées [sans eau], nous nous attendrions à des couches épaisses » de cendres, a ainsi précisé Valérie Payré.
Un scénario similaire a été observé sur Terre à un seul endroit – au lac Tecocomulco au Mexique, où de la tridymite a été trouvée dans des roches volcaniques remontées du fond du lac.
Si des cendres riches en tridymite sont tombées dans le cratère Gale alors que celui-ci était encore un lac, l’éruption a probablement eu lieu il y a entre 3 et 3,5 milliards d’années, époque à laquelle les chercheurs pensent que le cratère était rempli d’eau. « L’éruption explosive a dû se produire dans ce laps de temps« , a ajouté Valérie Payré. Cependant, des études récentes ont montré qu’il est possible que le cratère Gale était encore un lac il y a seulement 1 milliard d’années, selon la déclaration des chercheurs.
Les chercheurs ne savent toujours pas où se trouve le volcan qui a donné naissance à l’échantillon de tridymite sur la planète rouge. Il pourrait s’agir d’une petite éruption à proximité, ou d’une explosion massive beaucoup plus éloignée, a déclaré la scientifique. Il est difficile de localiser les volcans passés sur Mars car il est difficile de distinguer les cratères d’impact des caldeiras volcaniques qui ont été érodées au cours de milliards d’années, a-t-elle ajouté.
Les chercheurs ont également dû expliquer comment la tridymite s’est formée sur Mars, où l’on pense que les conditions sont très différentes de celles de la Terre.
Normalement, la tridymite se forme dans des environnements volcaniques à très haute température et riches en silice, qui sont courants sur Terre, explique-t-elle. Cependant, des preuves antérieures provenant de Mars suggèrent que les éruptions volcaniques sur la planète rouge étaient basaltiques, ce qui signifie qu’elles avaient une teneur en silice beaucoup plus faible. Cela s’explique par le fait que Mars n’a pas de plaques tectoniques, qui sont la principale source des éruptions riches en silice sur Terre, a fait savoir l’universitaire.
Une analyse plus poussée de la tridymite trouvée sur Mars a révélé qu’elle était légèrement différente de la tridymite qui se forme dans les volcans sur Terre. Cela suggère que la version martienne s’est formée dans des conditions légèrement différentes.
Les chercheurs proposent que la tridymite trouvée dans le cratère Gale s’est formée sur une période prolongée dans une chambre magmatique située sous le volcan inconnu. La température à l’intérieur de la chambre aurait probablement été légèrement inférieure à celle des volcans formant de la tridymite sur Terre, mais l’équipe pense que cela aurait pu permettre au minéral de se former lentement, à mesure que de la silice supplémentaire devenait disponible, selon l’étude.
Des voies de formation de minéraux similaires ont été observées sur Terre, et le scénario représente « l’évolution directe d’autres roches volcaniques que nous avons trouvées dans le cratère« , précise dans l’article la géologue martienne Kirsten Siebach.
Bien que la formation proposée de la tridymite sur Mars nécessite moins de silice que sur Terre, les chercheurs soulignent que le volcan qui a donné naissance à l’échantillon trouvé dans le cratère Gale avait probablement une teneur en silice plus élevée que ce que les données antérieures suggéraient.
Pour Kirsten Siebach, « Ce travail suggère que Mars pourrait avoir une histoire volcanique plus complexe et plus intrigante que nous ne l’aurions imaginé avant Curiosity« .
Les futures découvertes de Curiosity et de son successeur, le rover Persévérance, ainsi que les roches martiennes ramenées sur Terre par la mission Mars Sample Return proposée par la NASA, pourraient contribuer à éclairer davantage l’ancien passé volcanique de Mars, telle est la conclusion proposée par la scientifique Valérie Payré.
L’étude sera publiée dans le numéro du 15 septembre de la revue
Traduction et adaptation en version française par WUKALI
Article originellement publié dans LiveScience
Illustration de l’entête: Poussière de couleur argentée extraite par la perforation d’un rocher par le rover Curiosity de la Nasa le 30 juillet 2015. L’analyse de la poussière a révélé qu’elle contenait le minéral trydimite, ce qui était très inattendu. Crédit image: Nasa/JPL-Caltech/MSSS