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Peine des faunes, une saga familiale, un roman écologiste d’Annie Lulu

par Émile Cougut

Une saga familiale tel est Peine des faunes, le nouveau roman d’Annie Lulu. Voilà bien un style romanesque qui se fait rare. Dommage quand on songe aux plaisirs de lecture que nous avons eus avec JalnaLes Grandes familles, La chronique des Pasquier et j’en passe. Bien sûr au sommet, il y a Cent ans de solitude, mais il faut avouer que cet extraordinaire roman est hors concours et l’on peut comprendre qu’après un tel monument, rares sont les auteurs qui se sont essayés à écrire des sagas. Annie Lulu s’y est attelée et avec un talent certain. En plus, et c’est l’avantage de ce genre, plusieurs problèmes sociétaux y sont abordés (ici, les violences intrafamiliales, le poids du paternalisme dans certaines cultures, la recherche du profit par les multinationales au détriment des populations autochtones), mais surtout et avant tout l’environnement. Si on pousse un peu le raisonnement de l’autrice, on n’est pas loin de l’éco-féminisme défendue par certaines personnalités politiques dans notre beau pays. En effet, tout est basé sur la lignée des femmes, ces femmes qui sont l’avenir de l’humanité, qui elles comprennent la vie (elles la donnent) en général et celle de la nature en particulier. L’homme, quant à lui, est décrit comme dictatorial, violent, jaloux, égoïste, n’ayant aucun respect pour la nature car ne pensant qu’à court terme et par rapport à ses propres intérêts et non à ceux de l’ensemble du vivant.

La peine des faunes commence en 1986, en Tanzanie. Rébecca est une villageoise illettrée, mariée à un riche commerçant. Sa fille aînée Maggie est une élève brillante qui est promis à un avenir prestigieux en entrant à l’université. Mais Rébecca part quelque temps dans son village natal pour aider sa mère dans sa lutte contre une multinationale qui veut construire un oléoduc sur la terre des ancêtres. Le père, bien que sa fille soit fiancée, préfère la marier sans son accord au fils d’une de ses relations d’affaires. La jeune fille renonce à tous ses rêves, il faut dire qu’elle est enceinte de son amant.

La nouvelle famille part en Angleterre et au mitan du XXIème siècle, on retrouve les rejetons de la famille  en Écosse. Entre temps la société a bien changé, le vivant à retrouver tous ses droits, on assiste à une vraie chasse à ceux qui tuent pour manger. Une société totalement végétalienne (pas végan pour autant), toute alimentation carnée est interdite, ce qui ne va pas sans poser des problèmes causés par ceux qui ne veulent pas remettre en cause leur culture culinaire pluri-millénaire. Cette violence peut-elle être légitime. C’est un dilemme qui se pose à Jacob, l’arrière petit-fils de Rébecca : doit-il tuer Samuel, son grand-père assassin pour protéger le reste de la famille ? Il ne faut pas tuer le vivant, quel qu’il soit, mais quand un membre du vivant met en péril son univers, son quotidien, que faire ? Subir, quitte à voir tout détruit, ou agir quitte à entrer en totale contradiction avec les valeurs que l’on défend ? Annie Lulu ne répond pas à cette question, elle laisse le lecteur face à ses questionnements, difficile de ne pas se mettre à la place de Jacob.

Rébecca, Samuel, Jacob, personnage bibliques s’il en est. Mais il y a aussi Maggie, Viviane, Eti, Noa, Jina ou Omra, la doyenne aveugle qui perçoit la respiration de la nature et qui la première enseigne le respect total du vivant.

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Peines des faunes est un vrai roman écologiste, soit, parfois excessif, qui montre que l’équilibre de notre minuscule planète passe par un vrai respect des équilibres du vivant et par une lutte quasi permanente de l’égoïsme propre à chacun. Il faut être, semble nous dire Annie Lulu, continuellement attentif au vivant en luttant contre nos pulsions et surtout contre la pensée consistant à dire que l’on est unique et que tout l’univers tourne autour de notre petite personne. Une saga pleine de sagesse.

Peine des faunes
Annie Lulu

édition Julliard. 21€

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