Eliane Duflot vient de publier, il y a tout juste un mois « Les Bouddhas du Mékong » aux éditions Sydney Laurent. Il s’agit d’un livre passionnant et dépaysant. Une centaine de pages, de beaux textes très documentés et les aquarelles de l’auteur pour les illustrer.
L’auteur est scientifique de formation, passionnée de culture asiatique. Dans sa préface, elle s’interroge : « Peut-être suis-je née au bord du Mékong, dans une autre vie, car je m’y sens chez moi. » Le couple Duflot a été expatrié en Chine, à Wuhan, et l’inquiétude d’avant le départ a vite laissé place à l’enthousiasme et au plaisir de découvrir des contrées nouvelles. Eliane a l’âme d’une baroudeuse, cela se sent et se vit au fil des pages. Il faut savoir qu’en Chine, elle a été rebaptisée Ai lian 爱之莲, ce qui signifie « aimer les lotus », fleurs emblématiques du bouddhisme. Ce peut-être un signe, le point de départ de l’aventure ? Dans un premier temps, c’est avec sa famille et amis que Ai Lian souhaitait partager à travers un livre ce qu’elle a appris au fil de ses voyages en Birmanie, Thaïlande, Laos, Cambodge, Vietnam, et bien sûr en Chine.
A travers les temples et les innombrables statues rencontrés, c’est la vie du bouddha historique qu’elle met en scène et c’est toute une philosophie de vie qui se dévoile. Le propos était tellement intéressant et amusant, que ses proches lui ont conseillé de proposer son livre à un éditeur. L’équipe de Sydney Laurent a apprécié le thème, très confidentiel, il faut le reconnaitre, mais cette façon d’associer la plume et le pinceau ne manque pas de séduire. D’autant que l’aquarelle chinoise qu’elle a apprise à Wuhan est une technique que l’artiste maitrise joliment. Elle travaille sur un papier de riz et a déjà illustré des Haikus et des carnets de voyage.
Nous l’avons rencontrée.
- Comment ce thème du Mékong est-il devenu une évidence pour vous ?
Le Mékong est le fil conducteur du livre. Les six pays qu’il traverse et que j’ai eu la chance de visiter ont un point commun, le bouddhisme. J’ai eu envie de raconter les différences parfois complexes d’un pays à l’autre, de témoigner tout en essayant de clarifier, de répondre à quelques questions qui s’imposent à tout voyageur : Qui est le Bouddha historique ? Pourquoi telle statue prend cette posture ? Pourquoi peut-il être debout, assis, couché ? quels sont les emblèmes du bouddhisme ? Ce thème m’a paru surtout un beau sujet pour l’aquarelle avec une belle palette de couleurs à expérimenter.
- Comment avez-vous collecté toutes ces informations ?
Quand je voyage, j’ai l’habitude d’emporter un petit carnet et chaque soir je note les lieux que j’ai visités, mes impressions, des anecdotes, ce que nous a raconté notre guide local. De retour en France, je n’ai plus qu’à rédiger et compléter certaines informations ou faits historiques à l’aide de guides touristiques.
- Comment avez-vous sélectionné ce que vous alliez raconter ?
Je voulais parler spécifiquement de chaque pays en privilégiant des anecdotes, des coups de cœur. J’ai aussi travaillé en fonction de l’illustration qui s’imposait, les couleurs des bouddhas de la semaine, la nature, les animaux, les ambiances.
- Quelles anecdotes vous ont le plus surprise ou amusée ?
Un des souvenirs les plus amusants est l’arrosage de mon bouddha dans la grande pagode Schwedagon à Rangoon en Birmanie à l’aide d’une coupelle d’eau autant de fois que d’années correspondant à mon grand âge ! Un des plus surprenants est de voir ces adeptes birmans venir chaque matin faire la toilette d’une immense statue, lui laver les dents, la couvrir d’or. J’ai eu aussi la surprise de constater que, comme dans d’autres religions, les femmes n’ont pas toujours les mêmes droits que les hommes.
- Avez-vous un bouddha préféré ?
Tous sont intéressants et admirables mais en tant que femme, j’ai une petite préférence pour celle que l’on surnomme Lady Bouddha, la déesse de la compassion et de la miséricorde. Je dois avouer que je n’aime pas le bouddha décharné que j’ai rencontré dans le sud de la Chine ou au Vietnam. Il fait référence à la période de jeûne et il n’a que la peau toute plissée sur les os. Il est d’une maigreur extrême. Je n’ai pas pu le représenter.
- Vous n’êtes pas bouddhiste, pourriez-vous le devenir ?
Je respecte les valeurs pleines d’humanité véhiculées par le bouddhisme. Mais je ne suis pas prête à me convertir. Mon esprit cartésien a un peu de mal avec les légendes et la méditation n’est pas dans mes habitudes.
Pour moi, il y a une ambivalence dans la démarche de Bouddha. Altruisme, générosité mais aussi égoïsme. D’une part il a aidé des gens en grande souffrance à retrouver la sérénité mais d’autre part il a dû faire souffrir ses proches, son père qui compte sur lui pour lui succéder, sa femme, son fils qu’il quitte brusquement sans retour. Aplanir tous ses sentiments, renoncer à l’exaltation, à l’amour, à ce qui fait le sel de la vie me semble bien triste.
- Aquarelle sur papier de riz : pouvez-vous nous parler de cette technique ?
Traditionnellement l’aquarelle chinoise sur papier de riz se pratique à sec. Tout ce que l’on utilise, eau, pigments, encre, est sur le pinceau. La technique que j’emploie est à l’opposé. Je travaille sur papier mouillé. J’y applique les couleurs au gré de mes envies en gardant une partie de vide, avec légèreté car le papier fragilisé se déchire facilement. Après séchage, je viens dessiner à l’encre de chine avec le pinceau chinois. Chaque trait est sans repentir, on ne peut pas corriger.
Les Bouddhas du Mékong
Eliane Duflot
éditions Sydney Laurent. 13€90