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La Tosca de l’Opéra Bastille

par Andréas Rey

 

J’avais hâte d’assister à la Tosca de l’Opéra Bastille ce samedi 3 septembre. Ayant découvert Gustavo Dudamel, lorsqu’il arriva du Venezuela avec l’orchestre Simón Bolívar pour jouer des compositeurs sud-américains et Bernstein avec un enthousiasme communicatif, je l’avais vu monter avec ravissement jusqu’à la direction de l’orchestre de Los Angeles et celui de l’opéra Bastille, et je me demandais ce qui resterait de cette fougue dans l’imposante institution parisienne. 

L’affiche avait également un autre attrait, Bryn Terfel. Admirable déjà en Falstaff ou en Don Giovanni, dans lesquels il mêlait la noirceur ou la truculence à son jeu, j’avais hâte de voir avec Scarpia jusqu’où il irait. J’avais lu la biographie de Soia Hernandez, qui endosserait le rôle-titre pour apprendre qu’elle avait suivi les cours de Renata Scotto et de Montserat Caballé avant de chanter Norma et Imogène des Pirates de Bellini, et celle de Joseph Colleja pour apprendre qu’il avait été Riccardo dans le Bal masqué de Verdi et le Don José du Carmen de Bizet, avant de chanter ici Cavaradossi. La soirée s’annonçait donc bien. 

Commençant derrière la gaze d’un rideau, Angelotti arrive en hâte, maigre, les cheveux longs et vêtu de noir sur une imposante croix noire divisant le plateau en lieu de prière à gauche et en atelier de peintre à droite. Interprété par le ténor belgradois Sava Vemic, il descend vers les candélabres chercher ce qu’une compatriote lui laissa pour échapper aux forces de l’ordre. Suit le sacristain bonhomme de Renato Girolami, qui chaparderait volontiers le panier de Caravadossi. Et Caravadossi qui chantait bientôt ; premier bémol. Son chant chevrote hélas, gâtant ses airs des le premier acte. Vient La Tosca de Soia Hernandez que l’on entendait en coulisse, et avec elle, le second bémol. Plus wagnérienne que puccinienne, elle chantait avec force, manquant le touchant et donc l’identification avec son personnage. Heureusement, Bryn Terfel arriva. Restant dans les coins à darder et attiser d’un geste, d’un objet trouvé, d’un mot la jalousie de sa proie, il dominait le premier acte et bientôt le deuxième. Montant sur la croix au Te Deum pour recevoir sa bénédiction, il montait déjà comme une vague. 

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Tosca Opéra Bastille 2022
 Tosca. Opéra Bastille. 2022
Photo © Charles Duprat / Opéra national de Paris

Si la croix de l’église, du décor et des habits écrasaient de leur outre-noir le premier acte, le deuxième était dominé par le rouge de l’appartement de Scarpia. Ceinturé par la lumière blafarde d’un couloir et surplombé par l’imposante croix du premier acte, il était luxueusement meublé d’un sofa, d’une chaise longue, d’une table et d’un buste d’empereur romain. Il faut saluer ici la collaboration de Robby Duiveman le costumier, Jean Kalman le chef lumière et Christof Hetzel le maitre décorateur qui créèrent des scènes d’une grande beauté. La différence qualitative entre Terfel et ses collègues éclatait ici. Quand Soia Hernandez, plaquant avec sa force des instants sans leur continuité, ne parvient pas à émouvoir, et quand Joseph Colleja ne fit guère mieux, alors qu’il était à la torture, Bryn Terfel, dans la lignée de Tito Gobbi et de Cesare Siepi, faisait monter la perversité avec un chant et un jeu d’acteur inflexible, joueur et se répandant comme du pétrole. Il dominait à ce point, que la mort de Scarpia fit chuter la qualité vocale au dernier acte. 

Sous la lumière blanche d’une aurore de camp militaire, Colleja manque d’être touchant à son ultime E lucevan le stelle et Soia Hernandez, qui devrait croire en la vie de son amant au moment de sa mise à mort, ne fit guère mieux. 

Heureusement, l’orchestre de Dudamel enrubannait le drame de bout en bout. Sachant lier le lyrisme des duos entre Cavaradossi et Tosca au cassant de Scarpia, il donnait une belle cohérence musicale à l’opéra. 

Sans doute eût-il été préférable de choisir un Caravadossi de l’âge de Sava Vemic et un Angelotti de celui de Joseph Colleja à défaut de les intervertir, à cause de leur tessiture vocale … Nonobstant, le souffle de Dudamel, la fermeté de Bryn Terfel et la beauté des scènes firent de cette soirée un moment inoubliable.

Tosca
Giacomo Puccini

Opéra Bastille
du 3 septembre au 26 novembre 2022

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