On connaît la collection initiée par Laure Adler chez Flammarion : « Les femmes qui… sont dangereuses ». Sont considérées comme dangereuses celles qui aiment, qui lisent, qui écrivent… Il y a déjà eu un volume sur les femmes artistes, voilà la suite. Si le premier nous plongeait dans le passé, ce nouvel opus ne concerne que les artistes contemporaines.
Comme le veut la collection, chaque artiste est présentée dans une courte biographie d’une page et demi au très grand maximum, enrichie d’ une ou deux reproductions de leurs œuvres. Biographie mais aussi analyse du travail de chacune. Analyse savante, dans le très bon sens du terme (c’est à dire qu’un « non sachant » comprend l’importance de ces travaux). Il faut dire que Camille Viéville est une des plus grandes spécialistes de l’art moderne au monde.
Il y a en tout 52 artistes qui sont ainsi décrites. La plus jeune, au jour où j’écris, n’a que 33 ans (la franco-afghane Kubra Khademi), c’est dire que pour certaines l’avenir s’offre à elles.
Comme aime à écrire, et à dire, Laure Adler, en parodiant Simone de Beauvoir, on ne nait pas artiste, on le devient. Et, il n’y aucune raison pour que ce soit différent dans le domaine de l’art, il est plus difficile pour une femme de se faire reconnaître comme artiste qu’un homme. En effet, observons que depuis des millénaires les codes artistiques ont avant tout été définis, théorisés, employés par des hommes. Et pourtant Artemisia Gentileschi est une vraie génie de la peinture, rares sont les peintres hommes de la Renaissance à être arrivés à sa hauteur. Mais aussi, que dire de Madame Vigée Le Brun qui a plus que révolutionné l’art du portrait. Ingres n’est qu’un suiveur, et Dieu sait qu’il est plus adulé que cette immense dame.
Il s’ensuit que certaines des artistes présentées ici, ont un engagement féministe très marqué. Dans cette démarche, elles se servent de tous les supports de l’art (peinture, collage, sculpture, performances diverses et variées, etc.) pour défendre leur cause, leur engagement. Se pose bien sûr le problème de la « sexualisation » de l’art, vaste sujet qui est aussi vain à résoudre que celui du sexe des anges. Bien sûr, il y a des œuvres marquées par l’appartenance sexuelle de leur auteur. Mais elles deviennent universelles quand ces œuvres perdent aux yeux de tous ce lien sexué. C’est mon point de vue et je conçois très bien qu’il puisse y en avoir un autre. Je suis conscient que dans sa préface Laure Adler a raison : oui, le sexe masculin a dominé les critères de l’art à chaque époque (encore que rien ne nous dit que les géniaux auteurs de Lascaux ou autres grottes rupestres n’étaient pas des femmes) et il est temps de mettre un terme à cet état de fait. Cette évolution, très positive ne peut pas se faire sans une action, un investissement constant et déterminé des femmes. Mais pas que. Je n’approuve pas, mais si je ne me trompe Laure Adler aussi, l’extrémisme de certaines féministes qui refusent tout ce qui peut venir des hommes puisque par principe venant d’une domination plus ou moins fantasmés bien que réelles.
Grâce à ce livre, plus d’un vont découvrir bien des artistes dont leur influence dans l’histoire et l’évolution de l’art est loin, très loin d’être négligeable, et ce en provenance de tous les continents. Ce qui prouve, s’il était encore besoin de l’être, que l’art n’a pas de racines terrestres mais que des racines intellectuelles. La Création n’a pas de patrie, comme elle n’a pas de sexe. L’Art, le vrai, dit toujours la même chose, pose toujours les mêmes interrogations sur la nature humaine et sa destinée, et ce depuis la nuit des temps, et sans mettre de barrière sexuelle, culturelle ou autre. La différence entre l’inconnu de la grotte Chauvet et le travail de Suzanne Huski sur la polysémie du rituel et l’expression des formes par exemple, n’est qu’une histoire de technique, sûrement pas de sexe ou de culture.
Voilà un cadeau à déposer au pied de chaque sapin.
Les femmes artistes sont dangereuses
de plus en plus
Laure Adler & Camille Viéville
éditions Flammarion. 29€90
Illustration de l’entête: ‘Final domestic expose – I paint myself‘. Jacqueline Fahey.
Jacqueline Fahey/ New ZealandMinistry of Culture and Heritage Te Manatu Taonga
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