Arrêt technique pour le Belem ! Ce trois-mâts mythique, fleuron du patrimoine maritime français, fait une halte à Saint-Nazaire. Les outrages du temps sont désormais visibles sur la coque du navire de 126 ans. Clemessy, la marque d’Eiffage Énergie Systèmes dédiée à l’industrie, a été sollicité par V.Ships France pour remplacer le bloc de coque le plus corrodé, situé directement sous la cale des machines. À l’issue de ce chantier d’envergure, le Belem reprendra la mer le 30 avril prochain.
Quel beau sujet à traiter, un navire mythique à voile, la mer et tout particulièrement l’industrie française de la construction navale
Nous sommes un pays de Gaulois paraît-il ! Pas faux et c’est agaçant ! Il est de mode inepte ( il suffit en effet de lire les journaux et de suivre l’actualité) que de nous chamailler pour tout et pour rien ( le rien au demeurant étant porté au pinacle par les professionnels politiciens de l’agit-prop).
Quelle occasion magnifique donc nous est offerte pour parler de notre industrie, de nos industries conviendrait-il de dire, et de l’ industrie navale française en particulier. Ainsi, observez l’industrialisation magnifique du pays tout au long de l’axe maritime, de Dunkerque à Bayonne. Une renaissance, une ruche bourdonnante et quel miel ! L’emploi explose, se multiplient les lycées professionnels qui proposent de nouvelles qualifications et attirent de nouveaux élèves, les universités créent de nouvelles chaires, les commandes affluent dans les chantiers. Le paysage économique et social se modifie, c’est un fait !
En 2021-2022, la filière française travaillait à 71% pour la défense, 27% pour le civil et 2% pour la sûreté maritime. De plus, la part de l’export atteignait 52%. Cependant, dans la défense, l’export ne représentait que 30% du CA, contre 84% du CA pour le maritime civil. ( Données BCI)
Hervé Guillou, président du GICAN (Groupement des industries de constructions activités navales) résume ainsi: la France est en mesure de faire face aux multiples défis qui s’annoncent, tels que la décarbonation du transport maritime, l’exploration voire l’exploitation responsable et durable des grands fonds marins, le développement des Énergies Marines Renouvelables (EMR), et la sécurisation des zones maritimes, la défense et la projection des forces.
Le Gican représente presse 260 adhérents,13,3 milliards € de chiffres d’affaires, 51100 emplois, chiffres 2022
Commandes civiles, commandes militaires
De nouveaux navires sont mis au point pour répondre aux exigences de notre temps, énergie décarbonée, transports d’énergie, méthaniers, bateaux pour le transport de l’hydrogène, projets de nouveaux bateaux utilisant la puissance de l’éolien, super navires de croisières et géants des mers, mais aussi petites unités spécialisées pour le remorquage, l’exploration maritime, la pêche etc!
Et que dire des constructions des navires pour la défense, à commencer par le PA-Ng (porte-avions de nouvelle génération) voulu par le président de la République Emmanuel Macron, et qui sera à flot livraison prévue en 2038. Quant aux FREMM (frégates multi-missions), elles font la fierté de nos chantiers tant elles sont prisées pour leur armement, leur ingénierie, leur furtivité, et les équipements de guerre électronique dont elles sont dotées.
Quant à nos sous-marins ils sont au coeur de notre stratégie de défense. Et l’excellence de nos ingénieurs civils et militaires du DAM au CEA, de la DGA (Direction générale de l’armement), de Thalès comme de Naval Group pousse en avant la montée en puissance de nos chantiers et de nos flottes.
Alors et avec force oui, l’industrie française de défense est l’aiguillon dynamique de l’industrie en général qu’elle féconde au plan de la recherche, des applications et de l’enseignement par son savoir-faire, et il va de soi, de l’industrialisation en aval qu’elle génère! Les dynamiques environnementales y sont aussi à l’oeuvre. Voila ce qu’il conviendrait de répondre à tous ces détracteurs de mauvaise foi (ou tout simplement ignares) et qui n’on de cesse que de débiner notre excellence et notre génie scientifique et industriel.
En outre, nous aimerions tant que plutôt que de parler des chiens écrasés, les grands médias et la télévision française en particulier pour ses heures de grande écoute, traitent de ces sujets et contribuent ainsi à aiguillonner l’intérêt et la curiosité du public pour l’industrie et la recherche. Notre manque de chercheurs dans certains secteurs scientifiques est important, qui plus est trop peu de femmes sont représentées dans ces filières. Le sujet est bien vaste et nous y reviendrons…
Alors oui, le Belem nous fournit une opportunité fantastique pour relier le passé au présent, et qui ne comprend point la mer est incapable de saisir les enjeux innombrables pour tant d’aspects de notre monde contemporain.
La mer, la vaste mer, console nos labeurs
Charles Baudelaire. Molesta et errabunda- Spleen et idéal
Ah le Belem, mythique trois-mâts
Le Belem, trois-mâts à phare carré et coque en acier est le dernier des grands voiliers de commerce français du 19ème siècle encore naviguant. Une aventure maritime qui dure depuis plus de 120 ans en ayant vécu pas moins de cinq vies, changé trois fois de nationalité pour finir par retrouver le pavillon tricolore de ses origines, trompant la mort, survivant là où des milliers d’autres voiliers, plus grands, plus puissants, plus neufs, ont disparu à jamais…Le Belem est protégé par sa bonne étoile.
Avec ses sabords en trompe-l’œil, peints de part et d’autre de la coque en acier, le Belem en impose. Sucre, rhum et fèves de cacao du Brésil, ce navire marchand a effectué 33 campagnes depuis sa sortie des chantiers Dubigeon en 1896, jusqu’à sa retraite commerciale, le 31 janvier 1914. Devenu monument historique en 1984, puis navire-école civil à partir de 1986, il appartient désormais à la Fondation Belem et navigue pour le compte du gestionnaire de navires V.Ships France (V.Group Holdings Limited).
Seulement voilà, les tôles en acier qui composent la coque ont perdu de l’épaisseur et la Fondation Belem a opté pour le remplacement intégral du bloc concerné, plutôt que pour l’injection de renforts d’acier (ou patchs). À l’arrêt en cale sèche dans la forme 3 des chantiers de Saint-Nazaire depuis le 12 décembre, le Belem a été rehaussé sur des tins pour que le bloc corrodé, préalablement modélisé en 3D, puisse être remplacé par ripage.
« La particularité de cet arrêt technique se situe au niveau des travaux de chaudronnerie, sous la salle des machines. Ce qui nécessite la dépose de la quasi-totalité des équipements, dont la propulsion du navire. Études, conception, attinage, fabrication du bloc, démontage mécanique de la salle des machines, découpe de la coque, dépose du bloc détérioré, repose du nouveau bloc, intégration de l’ensemble des éléments machine… Vaste programme pour notre équipe qui doit aussi intervenir sur le système de propulsion (ligne d’arbre et paliers), le gouvernail et l’appareil à gouverner », résume Jérôme Lecamp, chef du département Arrêt.
Grace à ces travaux de conservation, le fameux trois-mâts, dont la renommée ne connaît pas de frontières, ambitionne, par ailleurs, d’obtenir son agrément maritime pour embarquer la flamme olympique lors des prochains Jeux de Paris.
*Nous remercions Eiffage Énergie Systèmes – Clemessy pour la documentation technique sur le Belem qui nous a permis d’enrichir cet article.
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Illustration de l’entête: ©Fondation Belem