Nour Delsaux part se recueillir sur ma tombe de son père le jour de l’anniversaire de son décès. La trentenaire est secrétaire de direction dans un journal. Elle aurait pu, après sa formation à Lille, être journaliste, mais, par manque d’ambition, ne se croyant pas capable d’être performante, avec aussi un peu de procrastination, elle a préféré gérer les notes de frais de ses collègues plutôt que d’en générer. Et puis, elle vit le parfait amour avec Jeff, un avocat d’affaire et aussi, voire surtout, le fils du ministre de l’industrie qui craint (le père aussi bien que le fils) les « qu’en-dira-t-on » pouvant le gêner dans sa carrière.
Yarol Ponthus, après 25 ans d’incarcération, va être libéré dans quelques mois. Mais ce prisonnier modèle, condamné à perpétuité pour le meurtre de 5 personnes dont 4 policiers, ne souhaite pas sortir. C’est un homme seul qui a parfaitement intégré les codes régissant les rapports sociaux dans la maison d’arrêt. Un prisonnier modèle qui a la responsabilité du potager ce qui n’est pas donné à n’importe qui. Il a peur de sortir, peur de l’extérieur, du regard des autres sur lui, sur son passé d’ancien taulard. Dans la prison, avec sa routine, il se sent protégé, n’a pas de décision à prendre, et puis, il y a Zoltan, son voisin de cellule qui est, de fait, un vrai ami. Mais dehors, il y a Constance, sa fille qu’il a eu de Maria et dont il n’a plus aucun contact depuis son incarcération. Il lui a bien écrit une fois, mais ne reçut aucune réponse. Sortir, cela veut dire revoir Constance et essayer de renouer le lien entre eux.
Nour est dans sa voiture, en route pour le cimetière. Un choc et sa vie bascule. Elle vient de renverser une piétonne qui décède sur place. Une nommée Constance Ponthus. La jeune femme est ravagée, elle est une tueuse même si l’enquête montre qu’elle n’y est strictement pour rien, elle se trouvait seulement au mauvais endroit au mauvais moment. Elle tombe dans une profonde dépression, n’arrivant pas, malgré l’aide de son entourage à surmonter ce traumatisme.
Le décès de sa fille ravage Yarol, le dernier lien avec l’extérieur est brisé à tout jamais, il ne pourra jamais s’expliquer et recevoir, en quelque sorte, le pardon de la seule personne au monde qui compte pour lui. La mort de Constance le replonge dans sa solitude et ses remords.
A l’enterrement de Constance, il fait la connaissance du père Django, un curé assez atypique à l’accent belge très prononcé. Il a bien connu Maria mais surtout Constance qui habitait un appartement à la cure. Un lien profond les liait et, progressivement Django va comprendre la vérité. Mais faut-il la dire à ce père ravagé, enfermé dans sa douleur ?
Yarol veut rencontrer la conductrice ayant causé l’accident. La voir et peut-être la tuer. Au moins, il ne ressortira jamais de la prison. Après bien des hésitations Nour finit par se rendre à la maison d’arrêt. S’ensuit une situation plus que tendue qui trouve son dénouement grâce au père Django. Une simple petite phrase écrite par Constance le jour de sa mort transforme totalement, dans des directions différentes et Yarol et Nour qui peuvent connaître un vrai apaisement et repartir, triomphants dans la vie.
Odile d’Oultremont étudie, dissèque les personnalités des deux principaux protagonistes. Elle s’insère dans les méandres de leurs cerveaux, de leurs pensées, de leurs échecs, de leurs aspirations. Tous les deux sont des perdants qui subissent et n’ont, pour des raisons totalement différentes, aucune envie de se battre, de sortir de leurs routines dans lesquelles ils se complaisent. Il en est de même pour les personnages « secondaires » comme le père Django, Constance ou encore Simon (l’homme que Constance aime) voire même Jeff.
Tous sont frappés par la mort, la mort qui plonge nos deux « héros » dans un cachot d’où ils ne voient aucune sortie, la mort qui finit par les grandir, les transformer et les plonger dans la vie, dans cette vie à laquelle ils aspiraient sans vouloir le formuler. Nous sommes bien plus loin que la résilience, mais sur la transformation ce qui est bien plus important, fondamental. Le passé est le passé, on ne s’accorde pas avec lui, on le surmonte et surtout on comprend les leçons qu’il nous donne. Les échecs du passé, car Nour et Yarol, chacun dans son vécu, sont en échec et la mort de Constance leur permet de le comprendre. Ils ne peuvent le faire que grâce à la personnalité rayonnante du père Django. Seuls, ils ne peuvent rien faire, à plusieurs, ils peuvent tout.
Une très très belle leçon d’humanisme.
Une légère victoire
Odile d’Oultremont
éditions Julliard. 20€
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