A notre époque du « tout de suite », de la rapidité dans tous les domaines, de l’assouvissement immédiat de n’importe quel désir, faire l’éloge de la lenteur peut être perçu comme paradoxal. Pourtant, la lenteur permet la réflexion, la maîtrise de soi, le relativisme, le partage et j’en passe. La lenteur permet de mieux percevoir et apprécier l’univers qui nous entoure, de mieux nous connaître. Comme le démontrent bien des textes choisis par Delphine Chaume, la lenteur permet de percevoir le temps. Le temps sous toutes ses formes, dans toutes ses distorsions : la seconde qui semble durer un siècle, la journée moins d’une minute. Le temps qui passe, toujours aux mêmes rythmes, mais rythmes différents suivant l’angle de celui qui les vit.
Je dois avouer que ce thème abordé dans cette collection du Mercure de France et dont nous avons souvent loué les qualités dans les colonnes de WUKALI, m’a de prime abord laissé quelque peu dubitatif. Mais à la fin de mes lectures, je crois avoir développé en moi une sorte d’éloge à la lenteur, une philosophie, de fait assez proche de celle des Stoïciens. Il faut dire que Marc Aurèle et Sénèque, avec les extraits plus que profonds qui nous sont proposés, y sont pour beaucoup. Mais aussi David le Breton quand il écrit : « la lenteur est une résistance parce que l’on prend son temps, on ne laisse plus le temps nous prendre ». La lenteur comme remède à la société de consommation.
La lenteur est (trop) souvent rapprochée de l’immobilité et par voie de conséquence à la mort, d’où sûrement les réticences que certains ont à son égard. Ils se trompent, la lenteur c’est la vie, un vrai mode de vie qui permet de ne pas confondre vitesse et précipitation. Et puis, la lenteur permettant l’introspection personnelle, son refus n’est il pas la preuve qu’ils craignent de découvrir qui ils sont véritablement derrière les cuirasses dont ils se sont bardés ?
Nous voilà devant quatre parties, quatre aspect de la lenteur : la lenteur du voyage, un temps géographique ; la lenteur métaphysique et condition humaine ; habiter le présent et résister. Dans chaque partie une série de texte tous précédés d’une courte et pertinente introduction signée de Delphine Chaume. On peut y lire, en plus de Sénèque et de Marc-Aurèle, Jean de la Fontaine et sa fable du lièvre et de la tortue (qui se hâte avec lenteur, tout y est dit) qui commence ce recueil mais aussi Gustave Flaubert, Marcel Proust ou encore Milan Kundera, Samuel Beckett et Virginia Woolf parmi tant d’autres auteurs cités.
Pour conclure et vous inciter aussi à lire ce court recueil, je ne puis que finir par cette citation de Delphine Chaume résumant la pensée de Sénèque : « Gaspiller le temps pendant qu’il est gratuit est criminel. Il faut s’efforcer d’habiter le présent sans courir derrière le passé, ni au devant l’avenir ».
Le goût de la lenteur
Delphine Chaume
éditions le Mercure de France. 9€
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