Il était « dans l’Œil de Planque. 40 œuvres de l’artiste canadien (1933-2014)
Le musée Granet à Aix-en-Provence présente du 1er avril au 3 septembre, sur la mezzanine supérieure de la chapelle des Pénitents blancs-Granet XXe, une exposition autour des sculptures et dessins de Sorel Etrog et préparée en partenariat avec la Fondation Jean et Suzanne Planque dans le cadre du dépôt de ses collections auprès de l’institution aixoise.
Les œuvres de Sorel Etrog sont à découvrir au deuxième étage. Nous aimons cette mezzanine supérieure de la chapelle des pénitents blancs. Elle s’intègre de façon harmonieuse à l’édifice, proposant un espace aéré et lumineux et une vue imprenable sur les allées du musée en contrebas. Sorel Etrog, disparu en 2014, serait certainement heureux de découvrir ses œuvres dans ce lieu superbe, au milieu de la prestigieuse collection.
« Sorel Etrog est un artiste important dans la collection de Jean Planque, déjà en nombre d’œuvres présentes, mais aussi parce que la relation entre le collectionneur et l’artiste était particulière » commente Bruno Ely, directeur du Musée Granet.
Florian Rodari, conservateur de la fondation, nous parlera plus en détail de cet artiste prolixe qui a touché à plusieurs disciplines. Il connaissait très bien l’artiste canadien, « dans l’œil de Planque » depuis que le collectionneur fut happé par un dessin au fusain exposé dans une collection parisienne.
« Voilà quelqu’un qui a quelque chose à dire. C’est fort, c’est habité » avait assuré Jean Planque. L’œuvre faisait partie d’une série de grands fusains intitulés Targets réalisés dans les années 1968.
Sorel Etrog, artiste roumain né en 1933, est le dernier « coup de cœur » de Jean Planque, qui n’a malheureusement pas pu rencontrer l’artiste de son vivant car il est mort dans un accident de voiture en 1998, peu de temps après avoir découvert le dessinateur sculpteur.
Le collectionneur avait aimé d’autres aspects de son œuvre et souhaitait vivement acquérir une œuvre. C’est finalement Sorel Etrog qui exaucera le vœu de Jean Planque en offrant à la Fondation plusieurs de ses sculptures et quelques dessins, et s’ils n’ont pas été choisies par le collectionneur lui-même, ils ont leur place au sein de la collection. On y retrouve tout ce qu’aimait Jean Planque, très sensible à la rigueur de langage, à la vérité intérieure, à la puissance d’invention. Sorel Etrog vivait au Canada, mais venait souvent en Europe. Il avait un atelier à Florence et aussi à Paris.
On s’arrête longuement devant un grand format, Target 69, fusain. On pense à Guernica. Le tableau de Picasso n’est-il pas aux yeux du monde, l’icône incontestable de la douleur infligée absurdement, gratuitement… Le Canadien offre sa version. Hommes, femmes, enfants, chevaux, oiseaux, sont ramenés à la seule figure des bulls. « Mais il ne faut pas y voir que des taureaux, explique Florian Rodari. Le taureau c’est le signe de la violence. La vache c’est la mère. Elle nourrit. La vache c’est la mansuétude. Dans les pays de l’est, on est riche si l’on possède une vache ».
Les variations autour de ce thème témoignent de l’intense activité spirituelle du destinateur. L’imagination est puissante, et son langage de toute évidence est très personnel, même si à la base, Picasso et Goya sont déclencheurs d’émotions. Il y a de la force dans ses traits, de l’énergie, et de toute évidence, l’artiste traite ses dessins comme un sculpteur. Il y a aussi dans ces compositions l’histoire de Sorel Etrog, son propre drame, lorsque, enfant, il y a connu les massacres perpétrés par les nazis contre la communauté juive de sa ville natale, en Roumanie
La seconde partie de l’exposition est davantage paisible et colorée et tout aussi forte. On est séduit par son interprétation des « Cinq Baigneuses » de Cézanne. L’exposer dans la chapelle est un choix pertinent. Son motif formel, Le link, (le lien) « C’est le lien qui unit, assure la survie, rassemble les forces opposée… Il se déploie abondamment dans le travail de l’artiste. Il n’est pas seulement une métaphore, un symbole, il traduit également cette recherche d’équilibre propre à tout sculpteur » , commente encore Florian Rodari.
De nombreux collectionneurs se sont intéressés au travail de Sorel Etrog dont Sam Zacks, qui, en ouvrant là encore la porte d’une galerie new-yorkaise, est lui aussi stupéfait par ce qu’il voit. Il invite Sorel Etrog à Toronto et met à sa disposition un atelier qu’il gardera jusqu’à la fin de sa vie. Une vie riche de voyages et d’expositions qui le feront connaitre. Le musée Granet d’Aix le met à l’honneur dans cette exposition à la fois douloureuse et heureuse.
On s’arrête devant ces figures des danseurs et acrobates, avec ces fameux liens placés aux endroits les plus vulnérables du corps. Il y a encore des sculptures sublimes. Et ce qu’il écrivait l’est tout autant. « A mes yeux une sculpture doit être semblable à un haïku, contenir en peu de mots l’essence même d’une idée. Il faut que cela soit condensé à l’extrême, et en même temps symbolique. C’est comme si je congelais un fragment du temps que l’amateur qui contemple mon œuvre était ensuite chargé de libérer ».
Le commissariat de cette exposition est assuré par Florian Rodari, conservateur honoraire et directeur de la Fondation Jean et Suzanne Planque, assisté de Maïlis Favre, conservatrice.
Sorel Etrog
Sculptures et dessins
Du 1er avril au 3 septembre 2023
Granet XXe. Aix-en-Provence
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