Cela nous a pris un mois avant de venir. Vous rigolez ? Week end à Rome, tous les deux sans personne (ou presque), professions de foi, confirmations, une semaine de vacances, un potager à préparer avant les saints de glace, deux week-ends prolongés de brocante. Les semaines pleines de travail c’est plus structurant … bref
Dimanche matin, beau soleil, air frais, cavalcade pétaradante à mobylette dans le 17ème. Miromesnil, l’Elysée, les Champs, bizz à de Gaulle, embrassade à ce vieux morse de Georges Clémenceau, salutation lointaines mais distinguées à Churchill. Ya du lourd ! Petit Palais, on y est !
10 heures petit dej au restaurant du musée avec ma Sarah à moi que j’ai plumes de paon, démesure, art nouveau. Le décor est planté.
Et la femme créa la Star !
Too much it’s not enough, Sarah elle est trop. Et c’est pour cela qu’on l’aime.
Comédienne adulée, peintre, sculpteur, directrice de théâtre, auteur, mère. 120 pièces. Un monstre de travail, un monstre de la vie. Un monstre sacré comme la décrivit Cocteau. C’est pour elle qu’il inventa le terme.
Un monstre c’est étymologiquement celui qui doit être montré. Elle ne s’y trompe pas, elle se montre, elle démontre. Plus de 40 ans de carrière, elle a peu fatigué son auditoire. C’est étrange avec le temps. Peut-être n’avait-il peu de prise sur elle….
Courez cochet à cette exposition magistrale, riche, vivante et immersive…
400 œuvres présentées. Doré, Georges Clairin, Louise Abbéma, Alfons Mucha mais aussi des écrivains comme Victor Hugo, Edmond Rostand, Victorien Sardou ou Sacha Guitry et des musiciens tels Reynaldo Hahn.
Artiste elle-même, une section entière de l’exposition revient sur cet aspect moins connu de sa vie. Des photographies comme des tableaux la montrent « au travail » et de nombreuses sculptures témoignent de son talent.
Quel atelier dans son hôtel particulier au coin de rue Fortuny et avenue de Villiers !
Et puis il y a « Sarah intime », son intérieur, sa garde-robe, ses bizarreries …
Bravo aux scénographes et aux organisateurs
L’exposition s’organise autour de 11 sections « Du demi-monde à la scène » à « Belle Ile en Art »
De ses relations avec le Duc de Morny, des photographies de Nadar à des films la voyant jouer au tennis avec ses proches !
On s’arrête (comme toujours) devant le Clairin qui la montre chez elle, dans un somptueux déshabillé blanc qui met en valeur sa silhouette souple et sinueuse. Très remarqué au Salon, ce grand portrait, l’un des fleurons de la collection du Petit Palais…
On s’y arrête disais-je depuis 2005 et la réouverture du Petit Palais comme un rendez-vous récurrent et rassurant. A tout coup… c’est elle et La femme au singe d’Alaphilippe, mais c’est une autre histoire. Quoique ! Le premier qui me parle de Marion Rousse aura à faire à moi. Je vous parle d’elle : la Femme au singe et de Camille Alaphilippe pas de Julian. Il y a des jours, vous me navrez ! Je vous parle d’une grande reine et vous ramenez à la petite.
Allez, en selle, on repart.
Une grande salle est consacrée à « des grands rôles », La Dame aux Camélias, Théodora et Tosca, furent de véritables triomphes. La « Divine » était particulièrement célèbre pour ses scènes d’agonie.
Elle s’impose comme la première star de l’Histoire. Les artistes sont nombreux à la représenter, depuis Jules Bastien-Lepage qui en 1879, nous la montre contemplant une statuette jusqu’à Alfons Mucha qui l’immortalisent dans ses grands rôles des années 1890-1900.
La silhouette « en s » de Sarah Bernhardt, son profil aigu et sa chevelure mousseuse et rousse correspondent parfaitement à l’esthétique recherchée par les symbolistes et les artistes de l’Art nouveau.
L’image de Sarah Bernhardt est déclinée sur de multiples supports, de la carte postale à l’affiche publicitaire.
La comédienne n’a pas peur de la « réclame », elle n’hésite pas à associer son nom au biscuits LU ou à une poudre de riz. Il faut dire également que les affiches sont tout de même réalisées par Mucha et Jules Chéret.
Les innombrables caricatures, tantôt drôles, tantôt cruelles et injurieuses, voire antisémites, dont l’actrice fut la cible, témoignent à leur façon de la gloire sans précédent qui entourait Sarah Bernhardt vers 1900.
Sarah Bernhardt s’engage dès la fin des années 1870 dans une série de tournées internationales qui l’emmènent sur les cinq continents à bord de son mythique train Pullman spécialement aménagé pour elle. Sa grande tournée américaine de 1880-1881 la conduit à donner 156 représentations dans 50 villes. Elle se produit en français devant un public qui ne parle que très peu cette langue et choisit alors des extraits de ses pièces les plus connues ou les plus spectaculaires comme La Dame aux camélias ou La Tosca.
Bel espace multimédia dans la salle consacrée à la « muse ferroviaire ».
Sarah Bernhardt fut également une énergique femme d’affaires. Après avoir dirigé le Théâtre de la Renaissance de 1893 à 1899, elle prend la direction du vaste Théâtre des Nations situé place du Châtelet à Paris. Dès son arrivée, Sarah Bernhardt lui donne son nom et le hisse au rang des grandes scènes parisiennes. Elle repeint la belle salle à l’italienne d’un jaune « bouton d’or » inhabituel. Elle commande à Georges Clairin, Louise Abbéma, Louis Besnard et Alfons Mucha un nouveau décor pour le foyer.
Elle joue en 1895 La Princesse lointaine, un drame qui lui vaut un beau succès et le premier pour un jeune auteur qu’elle a rencontré l’année d’avant : Edmond Rostand et puis ce fut La Samaritaine et enfin L’Aiglon en 1900, LE triomphe. Elle y joue à cinquante-six ans le rôle de l’ancien roi de Rome devenant duc de Reichstadt. 1000 représentations.
L’exposition se poursuit avec la femme engagée (une belle lettre à Zola), l’actrice de cinéma puis à Belle-Ile.
Victor Hugo surnomma Sarah Bernhardt « La Voix d’Or ». On peut l’entendre à deux reprises dans l’expo. Expérience étonnante. Pour mieux apprécier il faut télécharger le texte et se laisser bercer. La diction presque artificielle vous étonne et puis après une ou deux écoutes concentrée, d’outre-tombe elle vous séduit.
Après une représentation d’Hernani en 1877, Victor Hugo lui offre un diamant . « Vous avez été grande et charmante. Vous m’avez ému, moi, le vieux combattant […] Cette larme que vous avez fait couler est à vous. Permettez moi de vous l’offrir ». V’là qui pleure des diamants Victor. En tout humilité.
Victor et Sarah, c’est vrai, l’humilité ce n’était pas pour eux. C’est ça les monstres sacrés.
Femme hors norme, libre, engagée et passionnée, entrée dès son vivant dans la légende. On en sort un peu ivre, médusé…
Merci et bravo !
Exposition : Sarah Bernhardt. Et la femme créa la star
Petit Palais. Paris
du 14 avril au 27 août 2023
Du mardi au dimanche de 10h à 18h. Informations et réservations sur petitpalais.paris.fr
Vous souhaitez réagir à cette critique
Peut-être même nous proposer des textes et d’écrire dans WUKALI
Vous voudriez nous faire connaître votre actualité
N’hésitez pas !
Contact : redaction@wukali.com (Cliquer)