Walter de la Mare, comme son nom de famille ne le montre point, est un écrivain britannique du XXè siècle, peu connu en France mais loué Outre-Manche, pour preuve sa sépulture dans la Cathédrale Saint Paul à Londres. Ses poèmes sont devenus des classiques toujours étudiés dans les bonnes écoles. Pour autant le reste de son oeuvre, même là-bas, est quelque peu tombé en désuétude. Quoi qu’il en soit il est non seulement un écrivain de livres pour la jeunesse mais surtout l’un des fondateurs du domaine de ce que l’on appelle par un affreux anglicisme (et pour cause) le fantasy, et ce bien avant le maître incontesté et incontestable Tolkien.
Le fantasy donc, hormis le Seigneur des anneaux, et pour ne parler que de cette trilogie (le reste de l’œuvre de Tolkien dont le fameux Hobbit a tendance à avoir pour moi un effet de somnifère tant il y a de redites et, n’hésitons pas, de pédantisme) est loin d’être « ma tasse de thé ». Pour autant je comprends très bien le succès que ce genre rencontre, les univers qu’il crée et qui permettent à plus d’un lecteur de sortir de la grisaille quotidienne.
La lecture a l’avantage d’offrir à quelque lecteur que ce soit des domaines dans lequel il sait qu’il va passer des moments uniques. Pour certains c’est avec les romans de Proust, pour d’autres avec la poésie de Villon et n’oublions pas les inconditionnels de romans policiers ou de science-fiction. Alors pourquoi pas de fantasy ! Le plus important c’est de lire, car c’est bien connu, plus on lit, plus l’envie de lire grandit en nous et les plaisirs de la lecture sont nettement supérieurs à ceux que peuvent nous offrir les meilleures séries à la télévision.
Maintenant, ce n’est pas parce que le genre fantasy me touche ou me fait rêver ou non que j’ai reculé devant l’obstacle et oublié sous une pile de livres Les trois Malla-Moulgars. Non, je l’ai lu et maintenant je vais essayer d’être le plus objectif possible.
Dans un autre monde, dans un autre univers, voilà des millénaires, le sage Souilem quitte sa famille pour retrouver les Vallées de Tishnar, « loin, très loin, par-delà les monts Arakkaboa », sur lesquelles règne son frère, le prince Assasimmon. C’est un vrai paradis qu’il veut retrouver. Après avoir perdu leur mère et leur maison dévastée par un incendie, ses fils, les trois Malla-moulgars, nommés Pouss, Coudd et le petit dernier Nod, ne tardent pas à partir le rejoindre. Nod est le dépositaire d’une amulette magique, la Pierreveilleuse.
Commence alors un long chemin semé d’embûches : une forêt pleine d’êtres plus maléfiques les uns que les autres, une contrée montagneuse battue par les vents, la neige, une rivière souterraine aux maléfices pires que ceux des sirènes de l’Odyssée. Mais, au milieu des plus grands périls, surgissent des êtres bienveillants qui leur tendent la main et les aident dans leur chemin.
De fait cette histoire est un vrai voyage initiatique. Comment ne pas penser à L’Odyssée, au Livre de la jungle de Kipling ou à tout cheminement initiatique ? Pensons aux « épreuves » des prêtres de Memphis ou aux bacchanales romaines et pourquoi pas aux sabbats ? Pensons à tous les rites de passage de bien des civilisations, de culture. A chaque fois une série d’épreuves qui ont pour but d’instruire le « profane » et lui permettent de se transformer et d’arriver dans un autre monde (le plus souvent celui des adultes, mais « pas que », comme pour Ulysse). De fait, on est dans ce roman plus prêt de La Flûte Enchantée de Schikaneder et Mozart, il y a un vrai héros, Nod, ses deux frères ont un autre statut, c’est lui qui vit toutes les épreuves et qui se transforme. Il est le miroir de Tamino, ses frères de Papagueno. C’est à Nod que leur mère a confié la Pierreveilleuse, comme c’est Tamino qui est dépositaire de la Flûte Enchantée qui lui permet de sortir vainqueur des épreuves.
Et de fait, j’ai lu un très bon roman initiatique et non un livre de fantasy. Selon quoi, il faut surmonter ses appréhensions et aller hors de son domaine de confort (CQFD!). Même au niveau de la lecture !
Les trois Malla-Moulgars
Walter de la Mare
éditions Callidor. 25€
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