Annabelle Mouloudji est une écrivaine de talent, noblesse oblige! Elle est fille de Marcel Mouloudji. Femme de lettres dans la plénitude du sens, elle est aussi chanteuse. Elle vient de publier un roman, L’amoureuse, un livre fort et souvent bouleversant sur la dépendance sexuelle.
La narratrice, qui va devenir l’amoureuse, est une femme dans la quarantaine, mariée avec David et mère de deux jeunes garçons. Écrivaine, elle vit essentiellement autour de sa vie de couple qui lui apporte la stabilité dans une routine protectrice. Mais en vacances avec ses enfants elle rencontre Marc, la cinquantaine, et très vite une relation physique, sexuelle s’instaure entre eux lui faisant découvrir les jouissances qu’elle n’avait jamais atteintes. Elle est une vraie droguée du sexe, ne pense qu’à lui, ne pense qu’aux moments où ils vont enfin se voir et faire l’amour.
Au bout d’une année, c’est la séparation et elle va vivre avec Marc. Sexuellement c’est parfait, au début il est toujours aussi romantique, charmeur et charmant. Mais assez vite sa vraie nature refait surface. Marc est un homme qui doute de lui même qui a besoin de plaire pour être certain qu’il plaît, qu’il est vivant. Il est Le chef, maniaque, devant tout faire, ne sachant pas déléguer, même dans son travail qui l’accapare. De plus il a des rapports de quasi soumission avec son ancienne épouse, la mère de ses deux enfants avec qui il s’est marié, et divorcé, deux fois. Un lien particulier qui marginalise quelque peu sa nouvelle compagne qui a conscience qu’ils forment un vrai couple à trois.
Mais, elle supporte tout car il la « tient », essentiellement par le physique puisque pour le reste, elle n’est que sa poupée qui doit, en quelque sorte être à la disposition de son « seigneur et maître », droguée au sexe, totalement accro, quitte à nier sa personnalité : « Mes conseils n’ont aucune valeur. Il rejette tout ce qui vient de moi. Moi, il me baise ». En bon manipulateur (pervers) il l’a fait culpabiliser : « Je me sens rejetée, humiliée, fautive, mais de quoi ? Il me reproche souvent de ne pas vivre dans sa tête. Je devrai le deviner, aller au devant de ses besoins, collée à ses basques comme un petit chien, mais surtout, rester à la place qu’il m’octroie, celle de son ombre ». En peu de mots tout est dit, l’égocentrisme de l’homme (« Marc ne me donne rien, il en est incapable, trop égocentré, ravagé par son narcissisme infantile ») qui ne fait que se regarder et les tourments qui, de fait détruisent « la victime » prête à toujours chercher des excuses à son homme.
Il était écrit qu’après quelques années de vie commune, il lui dise de partir. Elle est lucide, il cherche une nouvelle femme pour se montrer qu’à plus de soixante ans il attire toujours. La peur de vieillir et de mourir. C’est la descente aux enfers de la dépression et ce n’est pas la courte liaison qu’elle a avec José (l’inverse tant physique que moral de Marc) qui arrange quoique ce soit. Elle finit par rencontrer Pierre et son avenir s’éclaircit, elle peut de nouveau se protéger dans l’avenir. Mais la seule vue de Marc et les émois (purement physiques) qui en résultent peuvent potentiellement détruire son nouveau couple.
L’amoureuse est un beau livre su la dépendance sexuelle. L’héroïne ne doute pas une seconde qu’elle aime Marc. Le lecteur est quelque peu plus sceptique, l’amour, le vrai est fait d’égalité de réciprocité, ce qui est loin d’être le cas dans son couple. Non elle est sous l’emprise de Marc, elle aime l’image de ce qu’il a réussi au début de lui montrer, d’un masque et sûrement pas de sa vraie personnalité. Si elle avait su qui réellement il était, il n’est pas certain qu’elle eût remis en cause son couple avec David. Mais le sexe et les manipulations de Marc ont été les plus forts et le lien de dépendance ainsi tissé peut se montrer indestructible. Difficile, voire impossible de détruire certaines chaînes.
L’amoureuse
Annabelle Mouloudji
éditions Léo Scheer. 19€
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