Leif GW Persson est considéré comme étant le roi, le pape du roman policier suédois, soit le meilleur actuellement. Et ce n’est pas la lecture de L’enquêteur agonisant qui démentira ce titre, loin d’être usurpé.
On connaît depuis longtemps la qualité des livres policiers et autres romans noirs que nous offrent les pays scandinaves en général et suédois en particulier. Comment ne pas penser au (très) regretté Stieg Larsson et à sa trilogie Millénium. Une vraie révélation. Balayés tous les auteurs américains ou issus des ateliers d’écriture qui ne savent que nous servir des variations plus ou moins réussies sur un même thème et avec un style stéréotypé, totalement aseptisé. Avec les auteurs nordiques, nous sommes loin, très loin des histoires et des styles totalement identiques. Non de l’invention, des personnages criants de vérité, pas toujours sympathiques mais si humains, même les « méchants ». Et un style ! Un style toujours « signature » de l’auteur que, le plus souvent, les traducteurs restituent parfaitement (nous devons nommer Esther Sermage, pour la qualité de son travail en ce qui concerne L’enquêteur agonisant.
Une histoire somme toute simple : le héros, Lars Martin Johansson, ancien directeur de la police judiciaire est une sorte de mythe, de légende vivante dans le milieu policier. Il était connu comme « l’homme qui voyait derrière les coins », tant il était perspicace, voire rusé. Il est maintenant à la retraite, loin de sa vie professionnelle. Mais, Johansson continue à avoir une vie sédentaire et surtout une alimentation particulièrement en opposition avec toutes les règles de la diététique. Aussi est-il terrassé par un AVC, sauvé in extremis, et se retrouve diminué ayant le côté droit de son corps quelque peu paralysé. Mais, à l’hôpital, son médecin le reconnaît et lui parle d’une affaire qui vient d’être prescrite depuis 15 jours. Un crime ignoble : une fillette d’une dizaine d’années, Yasmine, a été retrouvée morte après avoir été violée. L’enquête à l’époque a été bâclée, il faut dire que le directeur d’enquête est un nul, plein d’aprioris racistes, homophobes et j’en passe. Mais le meilleur ami de Lars a travaillé sur cette affaire et lui promet de l’aider. Grâce à ses connaissances, il obtient tous les cartons de l’affaire et puis aussi se joignent au duo, son aide-soignante, jeune femme de style « gothique », son beau-frère, passionné de généalogie et un jeune Russe, trouvé par le frère de Lars et qui finit par montrer un intérêt certain et personnel pour l’affaire.
En peu de jours, l’assassin est identifié et une belle gifle sur son nez permet de récupérer son ADN, apportant ainsi le preuve matérielle de sa culpabilité.
Mais l’affaire est prescrite et l’assassin ne risque strictement rien au niveau de la justice. Lars se trouve pris dans un dilemme : ne rien faire, donner le nom au père de Yasmine, milliardaire s’investissant dans la lutte contre les pédophiles, donner son nom en pâture aux médias, en sachant très bien qu’un « justicier » éliminera l’assassin, ou bien passer un accord avec ce dernier : il se dénonce et fait la peine de prison à laquelle il aurait été condamné s’il avait été arrêté au moment des faits.
Je m’arrête là, car nous arrivons au dénouement, aux dernières pages qui sont un véritable feu d’artifice, un bouquet final qui ne s’achève jamais, comme dans les meilleurs romans policiers de Frédéric Dard (pas les San Antonio, non les romans policiers), comme le final de la cinquième symphonie de Beethoven. C’est brillantissime !
Ce roman est aussi (pour ne pas dire surtout), une occasion d’aborder des problèmes sociétaux qui traversent aussi la nôtre : la prescription judiciaire avec le droit à l’oubli, le rôle de la peine dans nos sociétés avec les limites de la loi du talion, la pédophilie : les ravages sur les victimes (qui ne sont pas toutes, heureusement, assassinées), comment essayer de l’éradiquer, comment punir les auteurs, etc. De fait, l’histoire, l’enquête policière, n’est que très accessoire, ce qui importe se sont les problèmes qui se posent à nos sociétés.
L’enquêteur agonisant est un des meilleurs romans que j’ai lus ces dernières années et je ne doute pas que les lecteurs seront du même avis que moi.
L’enquêteur agonisant
Leif GW Persson
éditions Rivages/ Noir. 25€
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