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Louis de Funès, ses voitures exposées au musée national de l’automobile

par Pierre-Alain Lévy

À Mulhouse, le musée national de l’automobile- collection Schlumpf met à l’honneur les voitures emblématiques des films de Louis de Funès, disparu il y a tout juste 40 ans.

La filmographie de Louis de Funès a très souvent épousé les modes liées à un contexte social, culturel, économique ou politique. L’histoire de l’Automobile du siècle n’y échappe pas. la 2 Cv du Corniaud, la DS d’Hibernatus et de Rabbi Jacob, la Méhari des Gendarmes… Dans ces films, les voitures emblématiques des années 60 et 70 sont des personnages à part entière qui ont marqué l’imaginaire de toute une génération de spectateurs !

Le parcours commence par les années 60 période durant laquelle la voiture devient progressivement un symbole de liberté et de prosperité pour de nombreux Français. Icône de l’époque, la 2 Cv est aussi la star d’un film de 1965 et d’une scène d’ouverture devenue culte : celle du Corniaud dans laquelle Bourvil, brusquement arrêté dans sa course par la rencontre fracassante avec la Rolls-Royce de Louis de Funès, se retrouve au volant d’une 2 CV complètement disloquée. pour la première fois, cette scène est reproduite grâce à l’exposition d’une rolls-royce et de l’un des modèles originaux de la 2 Cv du film.

Cet espace met aussi en lumière la Citroën DS, voiture révolutionnaire à l’époque, adoptée notamment par le général de Gaulle, et l’un des modèles que l’on aperçoit le plus dans les films de Louis de Funès : Les aventures de Rabbi JacobLes Grandes vacancesHibernatusLe Grand restaurant, ou bien encore Fantômas se déchaîne.

Olécio partenaire de Wukali

Le visiteur redécouvre ensuite le modèle le plus emblématique du cinéma de Louis de Funès : la Citroën méhari de la série des Gendarmes, qui a acquis une notoriété au-delà de nos frontières grâce au succès de la saga. En 1964, Le Gendarme de Saint-Tropez a réuni plus de 8 millions de spectateurs dans le monde !

Au cours des Trente Glorieuses, la voiture devient progressivement un symbole de liberté et de réussite sociale pour de nombreux Français. L’émergence massive des classes moyennes permet aux familles d’accéder à la propriété, faisant exploser le parc automobile : de 6,7 millions en 1960, le nombre de véhicules en circulation passe à 13,7 millions dix ans plus tard.
Tandis que la télévision entre dans les foyers (23 % des ménages possèdent un téléviseur en 1962, 62% en 1968), le cinéma popularise les belles anglaises, comme l’Aston Martin DB5 de James Bond, et les muscle cars telle la Ford Mustang de Bullit.

Dans ses films, Louis de Funès roule souvent en Citroën DS, archétype même de la glorification de l’image de la France dans le monde, voyage à bord du paquebot « France » dans Le Gendarme à New York et brocarde gentiment la jeunesse dans ces années qui précèdent la crise estudiantine de 1968.

Louis de Funès est la juste incarnation des personnages les plus injustes… et bien souvent au volant d’un véhicule où il se plaît à jouer les conducteurs irascibles. La 2 CV démantibulée du film Le Corniaud, la DS de Fantômas, la Méhari des Gendarmes… Certains véhicules sont devenus emblématiques, allant même jusqu’à renforcer l’expression et les attitudes de l’acteur. La découverte des émotions qu’il savait si bien jouer avec un personnage odieux, autoritaire et caractériel lui ont fait connaître le succès. Le comique visuel inspiré du burlesque survit mieux à l’épreuve du temps et c’est pour cela qu’il reste le personnage préféré des français. un pur génie comique.

Le Corniaud, réalisateur Gérard Oury, 1965

Voitures exposées : deux modèles originaux du film — la 2 Cv démantibulée et la Cadillac ; une Rolls-Royce Silver ghost ; une Rolls-Royce Silver Cloud ; une Bianchina cabriolet

Deux hommes, deux voitures et une rencontre déterminante pour une scène d’ouverture de film devenue culte ! Cette séquence est reconstituée pour la toute première fois dans le cadre de l’exposition : le public peut ainsi voir la véritable 2 CV disloquée face à un modèle similaire de Rolls-Royce.

2CV du Corniaud

Filmée à la fin du tournage le 7 décembre 1964, derrière le Panthéon, cette scène est certainement la plus célèbre du film. Gérard Oury a imaginé, lors de l’écriture du scénario, une 2 CV s’éventrant littéralement après avoir été percutée par une Rolls. Il s’entoure des meilleurs comédiens pour provoquer le rire : Bourvil et Louis de Funès.

Pour réaliser ce tour de force, Pierre Durin, l’un des plus grands spécialistes en trucages, a conçu une Citroën en pièces détachées, réassemblée et maintenue entière par 250 boulons d’explosifs. De petits appareils électriques faisaient sauter les crochets désolidarisant les morceaux au moment opportun à l’aide d’une télécommande. toute cette scène se joue sur quatre secondes !

Nous pouvons imaginer aisément la tension qui devait régner sur le plateau. Et tout se passe comme prévu, à un détail près : Bourvil sort de son véhicule volant à la main, se prend les pieds dans la tôle éparpillée à terre, et improvise cette phrase : « Bah maintenant, elle va marcher beaucoup moins bien, forcément ! » qui provoque un éclat de rire de Louis de Funès obligé de se placer dos à la caméra pour ne pas mettre en péril le résultat de cette séquence. Une autre improvisation, celle de Louis de Funès, avec la fameuse question de mauvaise foi « Qu’est-ce qu’il y a ? » alors qu’il interpelle le malheureux accidenté qui n’a plus qu’un volant à la main.

L’histoire de la 2 CV, une voiture mythique

«La voiture de tous, la voiture pour tous ». À l’aube de sa présentation au 34ème salon de l’automobile, la Seconde Guerre mondiale est déclarée et la chaîne de montage est réquisitionnée pour du matériel militaire. Toutes les 2 Cv (appelées alors TPV = très petite voiture) sont envoyées à la casse, Citroën ne veut pas que son idée soit reprise par l’occupant. les essais sur route commencent dans le plus grand secret en 1942. surnommée alors « le Cyclope », elle ne possédait qu’un unique phare au centre du capot, n’avait pas de dossier et se démarrait avec un lanceur à ficelle.

Enfin présentée au grand public le 7 octobre 1948, elle devient incontournable et les délais de livraison à sa sortie sont annoncés avec un délai d’attente de sept ans. incarnant tour à tour la France, une époque mais aussi un état d’esprit, une philosophie, elle devient au fil des déclinaisons une véritable icône de cinéma : le gendarme de saint-tropez, le gendarme et les gendarmettes, rien que pour vos yeux…et bien sûr le Corniaud.

La série des Gendarmes, la Méhari et toujours la 2CV

Voitures exposées : deux modèles originaux du film – la Ford Mustang et la Oldsmobile ; une 2 CV ; une Méhari

incontestablement, la Méhari est l’un des emblèmes du cinéma de Louis de FunèsEngoncé dans son costume, les bras tendus bien raides sur le volant, le gendarme le plus connu du monde conduit une version kaki militaire dans Le Gendarme et les Extra-terrestres et Le Gendarme et les Gendarmettes.

Le scénario du Gendarme de Saint-Tropez a germé dans la tête de Richard Balducci à la suite d’une mésaventure. En se rendant à la gendarmerie de Saint-Tropez pour signaler le vol de sa caméra, le scénariste, réalisateur et auteur se voit dans l’impossibilité de déposer plainte, le gendarme lui rétorquant : « Mais Monsieur, on ne porte pas plainte entre 12h et 14h ». C’est ainsi que lui viendra l’idée du film, basé sur une bande de gendarmes incompétents.

Récompensé d’une Victoire du cinéma pour son interprétation, Louis de Funès voit sa notoriété exploser à la sortie du film. Il interviendra à plusieurs reprises dans la création du scénario et aurait notamment eu l’idée du personnage de Clotilde, la religieuse roulant en 2 CV dont la conduite a marqué tous les esprits !

Avec plus de 8 millions de spectateurs dans le monde, Le Gendarme de Saint-Tropez fut le plus grand succès de 1964. Aujourd’hui encore, de nombreux touristes se rendent à la (vraie) gendarmerie de Saint-Tropez. Celle utilisée dans le film est quant à elle devenue un musée consacré au film ainsi qu’au cinéma de Saint-Tropez.

Les aventures de Rabbi Jacob

Un PDG déguisé en rabbin. Un pas de danse historique. Le prodigue Louis de Funès. Et le rire devient une arme contre le racisme et l’antisémitisme.

Il était une fois Victor Pivert, chef d’entreprise réac et raciste, pris pour un rabbin orthodoxe new-yorkais de passage à Paris, qui se retrouve avec les mêmes tueurs à ses trousses que ceux du dirigeant en exil d’un pays arabe. C’est le scénario idéal pour apprendre à découvrir l’Autre et initier, en accéléré, aux principes de la tolérance

Le célébrissime « Salomon, vous êtes juif ?? » de Louis de Funès à son chauffeur (Henry Guybet) reste l’une des plus simples et efficaces répliques de l’histoire du cinéma pour dénoncer l’antisémitisme. Et c’est dans une DS que ce moment marquant de l’histoire du cinéma français se déroulera.

Ainsi Louis de Funès est le héros d’un vrai film d’aventures au tempo américain : une course-poursuite avec une heure quarante pleine de quiproquos et de rebondissements qui débute à New York, dans la communauté hassidique de Brooklyn, se poursuit sur la route entre Deauville et Paris dans une DS surmontée d’une barque, passe par le café des Deux Magots et une usine de chewing-gum pour s’envoler sur le pavé de la rue des Rosiers et finir avec un hélicoptère.

Hommage à Rémy Julienne et ses cascades

En 1964, Louis de Funès tourne dans son 120ème film. Pour Rémy Julienne, champion de France de moto-cross, il s’agit du tout premier : Fantômas. le début d’une longue aventure puisqu’il va assurer les cascades de plus de 400 films dont La Grande Vadrouille, Le Grand Restaurant, Les Grandes vacances, Sur un arbre perché, Les Aventures de Rabbi Jacob, L’Aile ou la Cuisse, et bien sûr la série Les Gendarmes.

Au fil de ses 46 ans de carrière, le « Einstein des cascades » a collaboré avec les plus grands noms du 7ème art, de Sergio Leone à Gérard Oury en passant par Dino Risi, Claude Lelouch et Sydney Pollack. Son nom est apparu sur plus de 1 400 génériques, dont une dizaine de films de « Bébel » et six volets de la franchise James Bond. Il a aussi doublé à l’écran Al Pacino, Harrison Ford, Charles Bronson, mais aussi Carole Bouquet, Sophia Loren et Gina Lollobrigida.

Réputé pour son professionnalisme et son extrême rigueur, il a fait rêver des millions de spectateurs avec ses impressionnantes séquences d’action. « Mon boulot de préparation des cascades consistait à identifier les risques les plus fous, afin de trouver différentes solutions de secours.» (Ouest-France, 2016) « Quand je revois certaines scènes, je me trouve cinglé et je me fous des trouilles rétrospectives ! » (France-Dimanche 2015)

La Grande Vadrouille

« J’ai mis cette cascade au point avec le side-car qui se brise en deux en percutant un poteau. J’ai aussi fabriqué la camionnette équipée d’un faux gazogène conduite par l’aviateur anglais et à l’arrière de laquelle Bourvil, de Funès et la bonne sœur avaient pris place. » (L’Est Républicain) « Ce film est un souvenir formidable. Le tournage était ultra-convivial et ça se ressent, je crois, dans le résultat final. Au même moment, j’ai été sollicité pour m’occuper d’une cascade sur un autre film, Le Saint prend l’affût, de Christian Jaque, avec Jean Marais. Comme j’étais très occupé, Gil Delamare a proposé de me remplacer. La cascade a viré au drame. Il y a perdu la vie. » Du tournage de La Grande Vadrouille, il conserve également un souvenir chaleureux de Bourvil : « Il était fasciné par les roues arrière que je réalisais à moto et me demandait tout le temps d’en faire. Il était aussi sympathique qu’on pouvait l’imaginer.»

Les Aventures de Rabbi Jacob

Collaborateur régulier de Louis de Funès et de Gérard Oury, Rémy Julienne est choisi pour régler dans Les Aventures de Rabbi Jacob l’impressionnante scène de l’accident de la Citroën DS de Victor Pivert, avec le bateau sur le toit. La cascade devait être une simple broutille pour le champion : « Elle devait quitter la route après avoir évité un gros poids lourd, sauter en l’air, faire un demi-tour et se retourner sur le bateau. » Le tournage, qui se déroulait alors dans la région de Toulouse, dans une retenue d’eau de 90m de profondeur, a pourtant failli lui être mortel, avait-il raconté en 2016 à Ouest France : « Le choc a été si violent que la voiture s’est démantibulée. Moi, à l’intérieur, je ne retrouvais plus l’embout qui me servait à respirer sous l’eau. En plus, l’un de mes pieds était coincé. Je me suis vu mourir, même si j’avais une équipe sous l’eau. Mais, à cause de la vase, les plongeurs ne retrouvaient plus le véhicule. Heureusement, l’un d’eux a fini par me repêcher à temps ! »

Exposition: En vadrouille avec Louis de Funès
L’acteur et ses voitures de légende
Musée national de l’automobile – Collection Schlumpf

Du 5 avril jusqu’au 5 novembre 2023
17 rue de la Mertzau. Mulhouse.

Illustration de l’entête: Tournage du Corniaud. ©photo Gaumont
Article initialement publié le 12 avril 2023

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