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William (Shakespeare), de Stéphanie Hochet, l’un des meilleurs livres de la rentrée

par Émile Cougut

William, oui, mais William Shakespeare, pas l’un des frères Dalton pourchassé par Lucky Luke. L’immense poète anglais qui, selon beaucoup (dont moi qui ai lu ses œuvres au moins trois fois et qui me précipite dés que l’une d’entre elles est montée au théâtre) est le plus grand auteur de pièces de théâtre depuis le début de l’humanité. On a beaucoup écrit sur son œuvre et sur sa vie. Des biographies, il y en a un certain nombre, pour ne pas dire un nombre certain. Mais il n’empêche que, malgré ces milliers de recherches minutieuses, précises, il reste (et restera sûrement toujours) un trou dans sa biographie : qu’a-t-il donc fait de vingt-et-un à vingt-huit ans, c’est à dire de 1585 à 1592, de son départ de Stratford-upon-Avon où il laisse son épouse et ses trois enfants, à son début de gloire sur la scène londonienne ? De fait, on l’ignore et bien des spéculations on eut lieu.

Cette absence de connaissances indiscutables est une porte ouverte pour les romanciers qui peuvent imaginer, créer une « vie » idéalisée pour Shakespeare, pas celle qu’il a eue, mais celle qu’il aurait pu avoir. Et puis tant qu’à faire (et ici c’est fait avec beaucoup de talent) pourquoi ne pas projeter son histoire, ou du moins de trouver des similitudes avec sa propre histoire avec celle de William. Il suffit de puiser dans son œuvres pour y trouver des points communs, car son œuvre, d’où vient-elle si ce ne sont que des observations qu’il a faites de la nature humaine comme de son entourage.

William Shakespeare sa vie est un roman
Portrait de Shakespeare, The Flower Portrait, huile sur toile. Auteur anonyme.
Avec l’autorisation de la Royal Shakespeare Company

Stéphanie Hochet nous décrit un Shakespeare attiré dès l’enfance par le théâtre, et quand par hasard, les comédiens de la reine cherche en urgence un comédien suite à un décès dans la troupe, le jeune William se fait engager, quitte sa famille et commence une vie d’errance dans toute une Angleterre, touchée par une des multiples résurgences de la peste jusqu’à Londres, où tout se passe. Le jeune homme est déjà un poète, qui va vite devenir célèbre, il est un fin connaisseur des classiques grecs et romains, mais aussi de l’histoire de son pays et, petit à petit, au contact du pays, des comédiens, une figure apparaît dans son esprit : Richard III, personnage ô combien complexe, plein de noirceur, un manipulateur n’hésitant pas aux pires crimes pour arriver à ses fins ? Ce Richard III, en quelque sorte réincarné dans l’oncle de l’autrice qui pousse son fils au suicide, qui sûrement a failli tuer sa nièce. Ce Richard III si bien incarné par le plus grand comédien du théâtre élisabéthain : Richard Burbage, ami de Shakespeare, qui derrière une façade policée, attirante, cache une âme noire, une violence retenue, une ambition sans borne, un ego démesuré. Comme par hasard c’est grâce à lui que Shakespeare rencontre le génial Marlowe, le seul qui, s’il n’avait pas été assassiné, aurait pu faire de l’ombre à William.

Le voyage vers Londres permet à William de mettre des mots sur son admiration pour les comédiens et pour le théâtre. De fait, il y a longtemps que je n’avais pas lu une aussi belle et profonde analyse sur le théâtre et du travail de ses serviteurs. Ce voyage lui permet aussi de voir apparaître en son esprit les prémices de son œuvres. Le lecteur reconnaît sans mal ce qui sera, outre Richard III et Henri VI, Le roi Lear, La Tempête, Ophélie, Shylock ou encore Jules César, Aliénor d’Aquitaine, Othello, Falstaff, et j’en passe…

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Oui, pour l’autrice, Shakespeare était homosexuel (comme elle) ou plus exactement bisexuel. Mais l’homosexualité, à cette époque était de mise en ce milieu de parias qu’étaient les comédiens. Et puis, surtout à cette époque, la confusion des sexes était de mise (les rôles de femmes étant tenus par des hommes), l’androgynie avec ses ambiguïtés, leur quotidien. De fait, la biographie imaginée de Shakespeare permet  à Stéphanie Hochet d’aborder les obstacles qu’elle a du affronter pour devenir la personne, l’écrivaine qu’elle est devenue : le désir de fuite, l’attirance pour le suicide, l’emprise des aînés, les difficultés de se donner les moyens pour vivre ses rêves.

Je n’hésite pas à penser et à écrire que William est sûrement l’un des meilleurs livres de la rentrée littéraire.

William
Stéphanie Hochet

éditions Rivages. 18€

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Illustration de l’entête: Fête de Mariage à Bermondsey 1569. Joris Hoefnagel, (1520-1591). 73,6cm/99cm, huile sur toile. Collection privée. GB.

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