Le baryton Ernest Blanc aurait eu cent ans cette année
Sans avoir fait d’études musicales, Ernest Blanc chante en amateur des airs de basse pour son plaisir et pour égayer des fêtes privées. En 1946, on le remarque lors d’un concours de chant et un ami lui conseille alors de prendre quelques cours. C’est ainsi qu’il entre au Conservatoire de Toulon et trouve sa véritable voix, celle du plus brillant des barytons français des années 1950 à la fin des années 1980.
Quand il abandonna la scène, il n’avait rien perdu de l’éclat de son timbre et de la puissance de son souffle, mais il aspirait tout simplement à pouvoir jouir de sa vie familiale. Il tenait à se consacrer, notamment, à son plus grand plaisir… celui d’aller pêcher en mer. C’est pourquoi il refusa de chanter le rôle de Wotan que lui réservait Wieland Wagner à Bayreuth, car il ne voulait pas devoir sacrifier tout son été à cette production. D’une façon plus générale, il n’a jamais accepté certains rôles qu’on lui proposait quand il pensait ne pas pouvoir répondre aux exigences de la partition.
Quand il parlait, son accent trahissait ses origines varoises auxquelles il resta très attaché toute sa vie. Ernest Blanc était né à Sanary-sur-mer, le 1er novembre 1923, le même jour que Victoria de los Angeles qu’il devait retrouver plus tard dans des distributions lyriques qui demeurent, encore aujourd’hui, des références discographiques incontestables, à l’exemple de celles de Faust et de Carmen, chez EMI, toujours disponibles.
D’origine modeste, à 20 ans, Ernest Blanc avait entamé une carrière de tourneur, à l’Arsenal de Toulon. Après ses études de chant, en 1949, il passe une audition à l’Opéra de Marseille et entre dans la troupe de ce théâtre pour chanter les seconds rôles des répertoires français et italien. En 1950, on lui confie le rôle de Tonio dans Cavalleria rusticana. Sa voix d’une grande pureté, brillante autant que puissante, sa diction remarquable, son style fait de clarté et d’élégance, comme sa vitalité hors du commun, lui permettent de se hisser rapidement au plus haut niveau de cet art particulièrement exigeant.
En 1954, il participe, au Palais Garnier, à une représentation destinée à auditionner les jeunes recrues, in vivo. La qualité de la prestation, dans le rôle-titre de Rigoletto, lui permet alors d’intégrer la troupe de l’Opéra de Paris dont il sera, pendant 25 ans, le premier baryton. Il aborde des rôles qui, d’abord secondaires, le propulsent bientôt au premier rang des chanteurs français : il chante, avec aisance et avec le style adéquat, un vaste répertoire allant de Rameau à Verdi, en passant par Mozart, Gounod, Bizet, Massenet. À cela s’ajoutent les prestation scéniques à l’Opéra-Comique, dont le répertoire implique aussi de se montrer bon comédien. Ernest Blanc a toujours démontré qu’il était aussi bon comédien que grand chanteur. Tout ce répertoire est chanté en langue française sur toutes les scènes de l’Hexagone, sauf au Festival d’Aix-en-Provence dont il devient bientôt un invité régulier. Désormais toutes les grandes scènes internationales, dont celle de Bayreuth, en 1958, le réclament.
Ernest Blanc ne cherchera jamais à mener une carrière de star de premier plan. Il refusera de jouer de nombreux rôles quand il estimait, avec une rare humilité, être incapable de les assumer parfaitement. Ses débuts au Festival de Bayreuth, en 1958, lui valent d’être invité par le Covent Garden à Londres, le Teatro Nacional Sao Carlos à Lisbonne, le Festival de Glyndeborne, l’Opéra d’État de Vienne, le Festival de Salzbourg, la Monnaie de Bruxelles, le Grand Théâtre de Genève, l’Opéra de Monte-Carlo, le Liceo de Barcelone, l’Opéra d’État de Berlin, pour ne citer que les plus célèbres salles lyriques de cette époque. Bientôt l’Amérique le réclame. C’est le début d’une carrière internationale que peu de chanteurs français de sa génération ont accomplie.
Chanteur stylé et fin musicien, il possédait une belle voix avec un brillant registre aigu et une impeccable diction. Ces qualités le menèrent sur la plus prisée des scènes lyriques, celle de Bayreuth. II est un des rares chanteurs français d’après-guerre à avoir connu une véritable carrière internationale, sans avoir jamais cherché à se mettre en avant. Faisant preuve, d’une rare humilité dans le monde lyrique souvent déchiré par des rivalités, il refusera de jouer de nombreux rôles qu’il pensait ne pouvoir assumer sans trahir les exigences de l’œuvre. Son répertoire couvrait les plus grands rôles du répertoire lyrique international : Don Giovanni, Valentin, Zurga, Escamillo, Golaud, Renato, Amonasro, Scarpia, Alonso (La Favorite), Wolfram, Telramund. L’essentiel de ses prestations est disponible chez EMI.
Après son retrait de la scène, Ernest Blanc se consacra, à Paris, à l’enseignement du chant. Preuve d’une autre forme de grande générosité mise au service d’un art qu’il a toujours servi avec une rare probité.
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Illustration de l’entête: Ernest Blanc dans le rôle de Lohengrin