Rien ne disposait Louise de Savoie, à sa naissance le 11 septembre 1476, au destin qui fut le sien. Bien qu’ayant une généalogie prestigieuse, elle n’était que la fille d’un cadet de la famille de Savoie, Philippe de Bresse dit « sans terre ». A 7 ans, à la mort de sa mère, elle est envoyée avec son frère à la cour de France et est placée auprès d’Anne de France dite Anne de Baujeu, qui, a la mort de son père, Louis XI, quelques mois après l’arrivée des enfants, devient avec son mari la tutrice du futur roi Charles VIII et, de fait, la cheffe du royaume.
Elle est élevée par Anne qui se montre plutôt froide mais qui donne à la jeune fille une solide éducation, empreinte d’humanisme et lui permet de développer sa passion pour la lecture et les livres. Enfance peu joyeuse mais qui façonna sa personnalité et, au moyen de l’exemple d’Anne de Baujeu (et de la lecture de Christiane de Pizan), comprit que malgré leur place dans la société, les femmes étaient tout à fait apte à exercer le pouvoir. Il en restera chez Louise, une sorte de haine et d’admiration pour la fille de Louis XI.
Elle est mariée, à 11 ans, avec Charles d’Orléans, comte d’Angoulême. Mariage diplomatique car il permettait de s’assurer le soutien de la puissante famille de Savoie (et de fait le père de Louise finit par être duc de Savoie en 1496). A cette époque Charles était en seconde position pour le trône. Appréciant la vie à la cour de Cognac, Louise eut deux enfants : Marguerite et François. Elle prit à cœur son rôle de mère, resta toujours très proche de ses enfants et s’occupa de leur éducation en leur donnant une solide culture humaniste. Veuve à dix-neuf ans ans, elle s’enferma dans le veuvage alors qu’elle représentait un parti appréciable. Elle s’habilla de noir jusqu’à son décès lui donnant un air de dignité mais aussi d’inaccessibilité.
A la mort inattendue de Charles VIII en 1498, Louis XII monte sur le trône et le petit François devint l’héritier de la couronne. Le statut de Louise change, elle devient, sans être reine, la mère du futur roi (à condition que Louis XII n’ait pas de descendance mâle). Elle part à Amboise à la cour du Roi avec ses enfants pour parfaire leur éducation.
Suivant sa devise Libris et liberis (« Pour des livres et pour des enfants »), elle fait œuvre de mécène en commandant de nombreux manuscrits pour leur éducation. Son unique objectif devient alors de bien préparer son fils, son « César bien-aimé » à l’accession au trône,
A la mort de Louis XII, son fils est couronné roi de France. Non seulement il couvre sa mère de présents en la nommant Duchesse d’Angoulême, duchesse d’Anjou, comtesse du Maine et de Beaufort en Vallée, et il l’associe au fonctionnement de l’État. Quand il part en guerre en Italie, il nomme sa mère Régente du royaume pour les affaires courantes. C’est la première femme à avoir juridiquement ce titre (Blanche de Castille et Anne de Baujeu ne l’eurent jamais). Elle participa activement au gouvernement du Royaume.
Première femme à entrer au Conseil du Roi (Anne n’y a jamais pu y siéger), elle s’occupe essentiellement des finances (en déficit abyssal) et surtout de diplomatie. Toute sa vie, elle chercha à faire la paix avec ses puissants voisins (essentiellement Charles Quint et Henri VIII), sans toujours y parvenir d’autant qu’elle ne put décider son fils à renoncer à ses « droits » en Italie.
De fait, elle fut au sommet de son pouvoir lors de la captivité de François Ier après le désastre de Pavie. Elle se révéla une excellente gestionnaire, avec un but : libérer le Roi au risque de sacrifier ses deux petits-enfants. Elle finit par y parvenir et, pour contenir la colère de Charles Quint, avec deux autres femmes remarquables : Marguerite et Éléonore d’Autriche (respectivement gouverneur des Pays-Bas et tante de l’Empereur pour la première, et, pour la seconde sœur de Charles Quint et future épouse de François Ier), elle négocia la paix de Cambrai, passée à la postérité sous le titre de la paix des dames.
Au fait de sa gloire, elle décéda en 1521 et eut droit à des funérailles dignes d’une Reine, titre qu’elle n’a jamais eu.
Aubrée David-Chapy nous montre une mère aimante, adulant son fils, très proche aussi de sa fille Marguerite, reine de Navarre, grand-mère d’Henri IV. Une femme qui a su s’entourer, essentiellement de Charentais et de Poitevins, dont le chancelier Antoine Duprat qui domina son époque par son travail au service de l’État. Une femme de paix, c’est indéniable, toute son action à la tête des périodes de régence et auprès de François Ier a été guidée par ce but. Elle avait aussi conscience que les finances devaient être rétablies et essaya d’y parvenir.
Louise était une femme de pouvoir, appréciant les honneurs, à la recherche d’une légitimité pour occuper sa fonction. Elle chercha des modèles dans le passé (Blanche de Castille, Anne de Baujeu) et surtout dans sa généalogie à cette époque où les liens du sang placent les personnes dans la société. Du côté de sa mère, elle descendait de Louis IX (Saint Louis) par la branche des Bourbon. Quel fut son vrai rôle dans la disgrâce du connétable de Bourbon ? Très important, même si la chute du dernier grand feudataire du royaume permit de « mettre au pas » les grands du Royaume, les remises en cause du pouvoir royal lors de la ligue du Bien Public sous Louis XI et la Guerre folle lors de la minorité de Charles VIII étaient encore très prégnantes D’ailleurs, dés qu’elle le put, elle reçut de son fils le titre de duchesse de Bourbon. Une sorte de victoire post mortem sur Anne de Baujeu dont elle récupéra une grande partie de l’héritage. De fait, on assiste à une sorte de légitimité « inversée » : c’est le sang roi (et de la reine de Navarre) qui lui donne sa légitimité et non le sang qu’elle leur a transmis en tant que mère.
On peut regretter qu’Aubrée David-Chapy soit peu diserte sur le rôle de Louise de Savoie dans la disgrâce et l’exécution de Jacques de Beaume de Sablançay, l’intendant des finances. Sûrement que la fortune de ce dernier fut le résultat de bien de manipulations à son profit (comme ce fut le cas pour Jacques Cœur ou, plus tard, Nicolas Fouquet), mais la régente en a indéniablement profité.
Louise est aussi une mécène, une humaniste admirative de la culture qui se développait alors en Italie. De par l’éducation qu’elle leur donna, ses deux enfants sont devenus le symbole de la Renaissance dans les arts et dans l’humanisme en France. Comme sa fille, elle n’était pas fermée aux théorie luthériennes, mais se méfiait des conséquences pour l’unité du royaume si elles devaient s’y implanter. Attirance intellectuelle, sûrement pas adhésion.
Louise a perçu l’importance de l’image comme moyen de propagande. On a d’elle plusieurs tableaux, elle se faisait représenter dans les enluminures de ses livres, plusieurs médailles furent frappées avec son profil. Elle laissa sa trace sur bien des monuments.
Si Anne de Baujeu fut une sorte de modèle pour Louise de Savoie, elle fut quant à elle celui de Catherine de Médicis qui lui vouait une grande admiration.
Mère, femme d’État, aimant les honneurs, dotée d’un grand sens politique, à la recherche constante de légitimité, Louise de Savoie fait partie des « grands hommes » qui ont façonné notre pays. Première régente en titre, elle ouvre le chemin à d’autres femmes qui se sont battues pour la grandeur de la France.
Louise de Savoie
Régente et Mère du Roi
Aubrée David-Chapy
éditions Passés/Composés. 23€
Illustration de l’entête: dessin de Louise de Savoie attribué à Jean Clouet
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