Ce n’est un secret pour personne, le choix d’un livre à offrir est toujours un casse-tête difficile à résoudre. Les rayons et les tables des libraires en cette période de fêtes sont pleins de propositions intéressantes et tant d’options se présentent qu’on ne sait rapidement plus quels livres choisir. Le beau-livre en général, permet de résoudre l’équation tant il séduit par la variété des sujets, l’iconographie, la qualité de ses reproductions, il est en soi souvent l’égal d’un objet d’art.
Les éditions Diane de Selliers, sont aux livres, ce qu’un Pommard, un Corton, un Vosne-Romanée ou un Gevrey Chambertin représentent de joie et de plaisir pour nos tables de réveillons. Soit l’expression d’un pays de cocagne, un univers éditorial fait de raffinement, d’intelligence assurée par une qualité artistique sans égal. Peu de livres publiés par an, mais quels livres! Chacun d’entre eux, nous venons de l’évoquer, est le coeur battant d’une sensibilité exquise mêlant iconographie et grands textes.
Nous avons sélectionné pour cette maison d’édition deux livres: le chef d’oeuvre matriciel de la littérature japonaise Le Dit du Genji illustré par des peintres de l’époque Edo et Les Poésies d’Emily Dickinson, illustrées par la peinture moderniste américaine
Le Dit du Genji (源氏物語)
Votre curiosité vagabonde vous permettra par exemple de découvrir le sublime coffret contenant trois livres plus un livret du Dit du Genji, ce chef d’oeuvre fondateur de la littérature japonaise, illustré par la peinture traditionnelle. Dans le Japon médiéval, Murasaki-shikibu (紫式部) (v. 973-v. 1014 ou 1025) écrit le premier roman psychologique du monde en nous faisant vivre les aventures amoureuses et politiques du Prince Radieux.
Ainsi, l’amoureux du beau livre, tout comme l’amateur de l’art japonais et des estampes ou, bien entendu le japonisant avide de culture de cet Extrême-Orient nippon, seront comblés. Un concentré de beauté et de raffinement, et dans le même temps un travail éditorial puissant qui permet au lecteur grâce au livret joint de se repérer dans ces familles et ces dynasties et de suivre les principaux événement de la vie du Genji avec force détails incluant notamment les positions hiérarchiques de chacun des personnages mentionnés et leurs biographies détaillées, un parfait vade-mecum. Le soin porté à l’analyse de l’oeuvre inclut pareillement des cartes et des plans. La traduction, on ne le souligne jamais assez, liquide et sensible, restitue les inter-réactions et la vivacité du texte, elle est de René Sieffert.
Diane de Selliers est sans nul doute une émule du maître et poète de Sète, Paul Valéry, elle ne dissocie pas art et plaisir. En effet chacun des livres qu’elle publie, est un moment de joie. Dans ce Dit de Genji, l’amour de la peinture perle au travers de chacune des pages et des illustrations iconographiques et c’est un incroyable bonheur que de feuilleter ce livre d’exception.
Faut-il souligner que ce livre a reçu des distinctions du Ministère de la Culture du Japon 文部科学省 pour sa contribution au rayonnement international de la littérature et de l’art japonais.
Ce livre est une somme soit : 520 peintures et 450 détails en couleurs illustrent les 3 volumes de cette édition.
3 volumes reliés et 1 livret sous coffret, 1312 pages, 25 × 23 cm. 165€ ( existe aussi en format petite édition)
Poésies d’Emily Dickinson illustrées par la peinture moderniste américaine
Mal connue en France, les poésies d’Emily Dickinson (1830-1886) sont comme des tanagras ou plutôt des haïkus à la manière américaine. Elle mena un vie discrète, presque recluse dans la petite ville d’Amherst dans le Massachusetts.
Des petits poèmes tous en émotion et suggestion contenues,
To make a prairie it takes a clover
and one bee,
And revery.
The revery alone will do,
If bees are few
Pour faire une prairie prenez
un trèfle et une seule abeille,
Un seul trèfle, et une abeille,
Et la rêverie.
La rêverie seule suffirais l’on manque d’abeilles
Un livre sous coffret bien sympathique, qui se feuillette avec la lenteur des choses, que l’on pose et que l’on reprend, puis que l’on oublie et que l’on retrouve. Un moment de rêverie comme dans la poésie juste mentionnée où l’esprit se libère et dans le regard en abyme avec ces peintures américaines toutes à la fois l’expression des grands espaces, mais aussi d’une nostalgie et d’une certaine tristesse.
Ces poèmes reflets de ces petits moments d’une contemplation spirituelle sur le monde et sur le temps, un exercice quasi quotidien. Par ailleurs, des peintres qui se démarquent de l’influence européenne, toute spécialement française, et des avant-gardes dans lesquelles ils ne se retrouvent pas. Leurs noms: Charles Burchfield, Arthur Dove, Edward Hopper, Georgia O’Keeffe, Agnes Pelton, Charles Sheeler, Henrietta Shore, Marguerite Zorach et quelques autres
Il n’y a pas adéquation chronologique entre le temps d’Emily Dickinson et ces artistes de la peinture moderniste américaine, c’est tout simplement une rencontre, un moment du possible, un éclairage sensible comme le souligne Lou Doillon dans la préface du livre. Voici donc un beau livre qui pourra plaire, et où poésie, langues affrontées, et peintures se répondent dans une polyphonie délicate et fragile. Anna Hiddleston met en perspective ces oeuvres et ces artistes
Certains de ces petits poèmes d’Emily Dickinson, des limericks en quelque sorte. Un tricotage intense de mots et d’idées, la rapidité d’une émotion juste ressentie et déjà disparue. Pour de nombreux lecteurs, ce sera une découverte nous n’en doutons pas agréable. Une poésie douce-amère comme des griffures au temps.
Too scanty twas to die for you
The merest Greek could that
The living n Sweet, is costlier-
I offer even that
The Dying, is a trifle, past,
But living, this include
The dying multifold- without
The respite to be dead
Mourir pour toi était trop parcimonieux,
Le premier Grec venu pouvait le faire.
Vivre, Doux Ami, est plus onéreux –
C’est çà que j’offre –
Mourir est moins que rien, une fois passé,
Mais vivre, inclut
De mourir maintes fois – sans pour autant
La Trêve de la mort –
Un livre-cadeau, un beau livre donc à offrir et qui marquera ce partage, cette émotion aussi qui nous rassemble et dont nous aimons les effets et les causes.
Comment non plus ne pas évoquer parmi les beaux-livres publiés par la maison d’édition Diane de Selliers d’autres livres récemment parus: L’épopée de Gilgamesh illustrée par l’art mésopotamien, Les Contes de Perrault illustrés par l’Art brut ou La Genèse de la Genèse illustrée par l’Abstraction.
Alors rendez-vous chez votre libraire, et surtout, faites vous plaisir !
Poésies d’Emily Dickinson illustrées par la peinture moderniste américaine
Traduction et notes de Françoise Delphy
Préface de Lou Doillon
Direction scientifique de l’iconographie et introduction: Des mots à la peinture par Anna Hiddleston
170 peintures modernistes américaines de la première moitié du XXè siècle
62 artistes présentés dans des notices biographiques.
1 voulue relié sous coffret illustré. 412 pages
éditions Anne de Selliers. 230€
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Illustration de l’entête: Le nouveau-né est présenté à l’Empereur. anonyme.
Trois volets d’un paravent à six volets, couleurs et or sur papier, 158,5 X 355,5 cm,
époque d’Edo, seconde moitié du XVIIe siècle.
Collection privée, Japon.