Le 1er février 2016, les Pays-Bas et la France concluaient un accord inédit, doublé d’un accord entre le Rijksmuseum et le Louvre, pour l’achat conjoint de deux œuvres peintes par Rembrandt : les portraits de Marten Soolmans et de son épouse Oopjen Coppit.
Après avoir passé cinq ans à Amsterdam, le célèbre couple peint par Rembrandt a enfin rejoint Paris pour être exposé, à compter du 21 février 2024 et pour la même durée, au musée du Louvre (deuxième étage de l’aile Richelieu, salle Rembrandt – 844).
Une commande unique
Peints en 1634, à l’un des moments les plus féconds de la jeunesse de Rembrandt, ces deux tableaux constituent une rareté absolue dans l’œuvre du maître, car ce sont les seuls portraits en pied grandeur nature en pendants que l’on connaisse. Il est probable que les modèles souhaitaient, par l’introduction de ce mode de représentation, afficher leur statut social. En effet, les époux appartenaient à la plus haute bourgeoisie amstellodamoise. Marten Soolmans (1613-1641), fils d’un réfugié anversois, venait d’épouser, en juin 1633, Oopjen Coppit (1611- 1689), l’un des meilleurs partis de la ville.
Rembrandt introduit un mouvement dans ces deux compositions qui se répondent : en gage de fidélité, Monsieur tend un gant à son épouse qui, descendant un escalier, esquisse un mouvement vers lui. Un grand rideau dans le fond unit les deux toiles. Le luxe des tenues noires offre à Rembrandt l’occasion de faire montre de brio dans le rendu des matières : le vêtement empesé de Marten, ses revers de satin contre la fluidité et la légèreté des soies, satins et tulles piqués de la robe d’Oopjen, dont la taille enflée laisse supposer la grossesse. Les noeuds à la ceinture créent comme une guirlande unissant les époux. La précision et le raffinement du détail se lisent dans les motifs qui décorent les chausses de l’époux, dans les extravagants noeuds de ses souliers ou dans l’éventail d’Oopjen.
Les expressions des modèles sont très différentes : le visage de Marten est rond, un peu poupin, son expression est plus générique que celle d’Oopjen, plus mélancolique et douce, plus finement rendue. La couleur des chairs n’est pas non plus la même d’un modèle à l’autre : franche et rosée chez Marten, elle est plus transparente et très légèrement verdâtre chez Oopjen. On a pu penser un moment que cette différence était due à un état de conservation moins bon ; les examens menés par le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) avant l’achat ont montré qu’il n’en était rien.
Une acquisition conjointe
En 1877, le gouvernement néérlandais tente d’acheter les deux tableaux lors de la vente de la collection Van Loon à Amsterdam dont ils sont les fleurons, mais les sommes atteignent des sommets jamais égalés. C’est un consortium de la famille Rothschild qui réalise le « grand coup » en se portant acquéreur de soixante-huit peintures flamandes et hollandaises de la collection Van Loon, dont les deux portraits. Les tableaux quittent alors les Pays-Bas pour la France ; quasiment jamais montrés, ils y deviennent mythiques et aussi célèbres que mystérieux. Lorsque la famille Rothschild décide, au printemps 2014, de s’en séparer, la France s’interroge sur la façon de conserver, sur le sol national, ces tableaux patrimoniaux dont l’acquisition semble si difficile en raison de leur coût très élevé. Les Pays-Bas veulent quant à eux racheter l’échec de 1877. Après bien des réflexions et des échanges, la solution européenne d’une acquisition franco-néerlandaise apparaît comme la meilleure, sinon la seule possible. La France se porte acquéreur du Portrait d’Oopjen Coppit et les Pays-Bas du portrait de Marten Soolmans. Grâce à cet accord franco-néerlandais, les tableaux entrent dans deux collections publiques, le Louvre et le Rijksmuseum, qui les mettent à la disposition des visiteurs du monde entier ; les tableaux ne pourront jamais être séparés ; ils devront donc être exposés ensemble, alternativement au Louvre et au Rijksmuseum, avec interdiction absolue de prêt à d’autres institutions, de façon à réduire les mouvements et à garantir la conservation des toiles.
L’entrée de ces deux tableaux au Louvre constitue un enrichissement majeur de la collection de peintures hollandaises, l’une des plus riches au monde, mais qui ne présentait pas de portraits d’une telle ambition.
L’acquisition du Portrait d’Oopjen Coppit pour la France a bénéficié du mécénat exceptionnel de la Banque de France.
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