Non, ce n’était pas mieux avant, surtout pour les femmes, c’est ce que nous dit Marianne Rubinstein dans la droite ligne du regretté Michel Serres.
Oui, nous sommes les réceptacles de ce que firent, furent nos aïeuls, ici nos aïeules. Dans une sorte d’autobiographie, Marianne Rubinstein se penche, réfléchit à ce que signifie être femme sur trois générations. Entre sa grand-mère maternelle et elle, quel univers ! Sexualité, place de la femme dans le couple, travail des femmes et par voie de conséquence indépendance (et donc vraie liberté) des femmes, et j’en passe.
Malgré des relations assez conflictuelles avec sa mère surtout à partir de l’adolescence, elle reconnait à cette dernière cette soif de liberté, d’indépendance qu’elle lui a insufflée. Sa mère travaillait, s’occupait de ses 2 enfants, a reconnu avoir avorté, lui a permis d’avoir une sexualité non imposée et j’en passe. Bien sûr, n’oublions que nous sommes à la fin du dernier millénaire, d’aucuns trouveront que cette éducation fut, comment dire, quelque peu permissive, qu’on en juge : il y a peu de jeunes filles, à cette époque, qui pouvaient sortir en boite jusqu’au petit matin à 15 ans ! Son père, un taiseux, est encore, et toujours, marqué par les horreurs nazies, ses parents étant morts en camps de concentration. Mais lui aussi permet à sa fille de découvrir par elle-même sa vie. Ce père qui disparait presque dans ses souvenirs quand ses parents divorcent alors qu’elle avait une vingtaine d’années.
La vie « ne fait pas de cadeaux » à l’autrice : très grande pour sa génération, atteinte d’un cancer du sein très jeune, économiste un peu par hasard par amour des mathématiques, par toujours heureuse dans ses relations amoureuses, elle se revendique femme et assume totalement son statut de femme. Nous sommes loin des néo-féministes, mais totalement dans le féminisme à la Simone de Beauvoir, Simone Veil ou Gisèle Halimi. Avec son fils, elle prend conscience que ce qui était tout à fait normal quand elle était plus jeune est devenu impossible à notre époque, et que dire de ce qu’a vécu sa grand-mère : les prisons seraient emplies d’hommes s’ils avaient les mêmes attitudes ! Et pourtant, sa grand-mère était heureuse, a eu une belle vie.
Il ne faut pas juger, nous dit Marianne Rubinstein ce qui fut dans le passé avec nos critères d’aujourd’hui, d’autant plus qu’ils évoluent très vite. Ce qui importe c’est ce qui était ressenti par les personnes concernées avec les mentalités, les critères, la culture de l’époque dans laquelle nos aïeuls vivaient.
Heureusement que les mentalités ont évolué, que le combat pour plus de liberté et d’égalité pour les femmes a connu des succès, même si de nouveaux sont attendus. Mais sa grand-mère, sa mère, elles ont pu être heureuses malgré les contraintes de leurs époques, et les jeunes femmes qui vont vivre après, avec une nouvelle culture, seront heureuses. Ce qui est certain c’est qu’elles ne le seraient pas si elles devaient, avec leurs aspirations, vivre comme leurs ancêtres. Non, vraiment, ce n’était pas mieux avant.
Bord de mère
Marianne Rubinstein
éditions Verticales/ Gallimard. 15€50
Illustration de l’entête: Marianne Rubinstein, © Francesca Mantovani
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