Je bats ma coulpe, j’ai manqué de régularité de rédaction pour cette rubrique consacrée au film d’animation et qui me tient tant à coeur. Résolution : je dois impérativement prendre de l’avance pour les prochains articles et rédiger. Promis !
Un film japonais réalisé par Honami Yano 矢野ほなみ et l’université des arts de Tokyo (Tokyo university of the Arts, Senju Campus Studio A) ouvre donc la nouvelle saison, il a pour titre en anglais Chromosome sweetheart (Sensyokutaino Koibit en phonétique japonaise) que l’on pourrait traduire par « Ce petit chéri de chromosome », tout un programme.
Tout d’abord, l’expression visuelle et particulièrement graphique. Que cela fait du bien de trouver du style, de la main en quelque sorte, une écriture somme toute, une signature tout simplement. Oui du bien et de l’originalité (le mot est furieusement devenu à la mode). A l’écart des techniques digitales n’utilisant que des logiciels souvent de même conception et qui banalisent, et là est l’écueil, l’expression. Une intelligence conceptuelle où le graphique s’unit au digital sans que ni l’un ni l’autre ne prenne l’ascendant l’un sur l’autre. Une écriture certes, mais aussi une émotion avec au demeurant une pointe d’humour.
Deux chants en quelque sorte dans ce film, comme la musique inspirée des Quatre saisons qui l’étoffe. D’une part des groupes de personnages féminins et un couple homme-femme, de l’autre une espèce de fête païenne et jouissive où des chromosomes formatés et réduits à une expression larvaire copulent.
J’ai toujours beaucoup d’affection pour le travail graphique, pictural, sensible dans le domaine des films d’animation, et ce film est en soi une démonstration de qualité. Certes le trait donne une impression d’humilité, de fragilité, d’atténuation des figures, un dessin quelque peu brut, une certaine acidité dans le rendu des personnages, mais précisément, c’est là où réside sa force.
Le narratif est lui aussi à souligner, une histoire d’hommes et de femmes, d’un couple, une histoire de désir, de jouissance, de plaisir et de sexe pour s’exprimer à l’anglaise, et surtout une histoire de liberté et de tendresse comme l’a voulue la réalisatrice qui y affirme ses valeurs.
La musique ainsi que l’habillage sonore sont aussi subliment dosés. Une fusion sonore plutôt agréable entre une réinvention de Vivaldi très jazzy et le tic tac d’une montre qui ponctue de son irréversibilité la marche du temps.
Quand j’étais étudiante, j’ai vu la forme d’un chromosome humain, et cela ressemblait à une personne qui se tortille et se déplace. Je me suis demandée comment cette petite chose à forme humaine pouvait déterminer notre sexe biologique, enregistrer des informations sur nous et prendre des décisions nous concernant sans notre propre volonté.
Puis j’ai commencé à imaginer que je voulais faire un chromosome qui ressemble à une personne indépendamment de la personne, et faire un drame de groupe sur cette figure microscopique qui est une très petite unité. Je voulais rendre les chromosomes, qui ressemblent à des personnes, indépendants comme des personnes, et en faire un microcosme comme une pièce d’ensemble, avec l’intervention de ma propre volonté queer.
Je voulais dépeindre un groupe de personnes dans une séquence très courte, et en reliant les petites histoires, je voulais dépeindre une grande histoire – comme la structure d’un chromosome. C’est une œuvre que j’ai réalisée pour faire face à ce que je suis et en fabriquant avec mes mains.
Voici ce que dit Honami Yano, la réalisatrice de ce dit film, sur son travail :
Lorsque j’étais lycéenne, la forme des chromosomes humains me faisait penser à des personnes qui se tortillaient. J’étais stupéfaite que le sexe biologique et les données personnelles soient enregistrés dans de si minuscules molécules à l’apparence humaine, et qu’elles puissent s’autodéterminer bien qu’elles n’aient pas de volonté.
À partir de là, mon imagination m’a conduit à un film mettant en scène un ensemble de chromosomes microscopiques, chacun d’entre eux étant dépeint comme un être humain indépendant. Dans ce film, je voulais que ma volonté queer soit le moyen d’intervention. Mon objectif était de dépeindre de petits groupes de personnes dans de très courtes séquences, puis de créer une plus grande histoire en reliant les plus petites – j’ai pensé que cette structure serait la même que celle des chromosomes. Au moment de la production, j’avais des incertitudes et des perplexités quant à ma vie, et je voulais donc, d’une certaine manière, créer cette œuvre pour me confronter à moi-même et à l’identité queer.
Amis lecteurs, sortez de l’anonymat, et n’hésitez pas à me faire savoir vos envies d’animations, vos propositions, vos découvertes, vos réactions, et que cette rubrique, vous puissiez aussi pleinement vous l’approprier.
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-Article initialement publié le 18/01/2022