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Les barbares, les vandales, les iconoclastes, ceux qui saccagent les oeuvres d’art

par Pierre-Alain Lévy

A Pompéi un touriste arrêté pour avoir dégradé une maison antique

Un nouveau syndrome médiatique mondial s’affiche et comme une épidémie pulvérise ses miasmes tout autour de la planète, à savoir : le taggage des oeuvres d’art, le vandalisme politique et militant !

Le processus est simple, limpide même, il s’agit pour les auteurs de ces déprédations, ces nouveaux iconoclastes (bien souvent de grande jeunesse), de s’approprier la renommée attachée à une oeuvre d’art ou à un monument, de le dégrader par un activisme destructeur en le souillant de peinture ou de quelque produit alimentaire telle par exemple la sauce tomate rouge comme le sang ou une soupe très colorée. L’objectif est simple, faire valoir une cause par la provocation en utilisant une dialectique biaisée et l’assentiment assujetti d’un public anonyme et par définition toujours absent du débat. Pour ce faire il est indispensable de convoquer à cette fête païenne la presse qui s’emploiera à médiatiser l’événement sur les réseaux sociaux. Pour faire chic, certains parlent d’happening politique, ne me demandez pas mon point de vue, je risquerais d’être vulgaire !

Très récemment, c’est en Italie, à Pompéi plus précisément, qu’un acte iconoclaste ( nous reviendrons sur ce terme) a été signalé. En effet un touriste originaire du Kazakhstan (capitale: Astana) a été arrêté le 22 juin après avoir gravé le mot Ali sur un mur de plâtre de la Casa del Ceii aussi connue aussi sous le nom de Casa della Caccia. Cet édifice a fait l’objet de fouilles entre 1913 et 1914 et a probablement appartenu au magistrat Lucius Ceius Secundus, d’après une inscription électorale peinte sur la façade. Ornée de fresques colorées et illustratives, la maison de Ceii est considérée comme l’un des rares exemples d’architecture résidentielle de la fin de la période samnite (IIe siècle av. J.-C.).

Selon l’agence de presse kazakhe Kazinform, le touriste non identifié a été libéré par les carabiniers après avoir «rempli toutes les formalités nécessaires», et devra payer la réparation des dommages qu’il a causés.

Olécio partenaire de Wukali

A la suite de cet incident largement médiatisé en Italie, le ministre italien de la culture, Gennaro Sangiuliano, a qualifié l’acte de vandalisme commis sur la maison pompéienne de « honte incivile et idiote causée à notre patrimoine artistique et culturel» et a assuré que le contrevenant serait tenu de payer les réparations du mur. Dénonçant le vandalisme des visiteurs dans tout le pays, il a fait référence à un incident survenu au début du mois, au cours duquel un touriste néerlandais a tagué un mur dans la ville antique d’Herculanum. Il y a presque exactement un an, un touriste venu d’Angleterre avait inscrit son nom et celui de sa petite amie sur un mur rénové du Colisée de Rome, provoquant l’ire de la communauté internationale.

On serait tenté de considérer cet outrage attentant à l’identité d’une oeuvre d’art comme véniel. A cet égard, nous connaissons en France le même syndrome et il n’est pas rare d’observer sur des murs de nos châteaux-forts du Moyen-Age ou sur des bois anciens des inscriptions du genre «Mimi pour la vie » ou « Vive le PSG», sans compter des gravures ineptes de toutes sortes ! On mesure l’élévation intellectuelle des auteurs de ces graffiti qui confrontent ainsi la béance de leur crétinerie à l’éternité du temps, de l’art et des choses. D’aucuns et d’entre ceux-ci quelques belles âmes ( ah «les belles âmes!)», pour dire avec candeur et la plus parfaite mauvaise foi et bêtise: «mais on a bien droit de s’exprimer ou ce sont des actes d’enfants»…avec le discours sous jacent «il faut bien leur pardonner». Que nenni! D’abord l’éducation c’est ce qui fait l’homme et deuxièmement ce sont des personnes matures et apparemment saines de corps et d’esprit qui commettent ces mauvaises actions. Quant à l’«adulescence», nouveau mot porte-manteau qui entrevoit ce passage de l’adolescence qui se prolonge à l’âge d’homme, elle fait sourire dans un film comme Tanguy mais est le plus souvent insupportable dans la vie réelle au quotidien. Par ailleurs, je ne réitérerai pas cette formule célèbre de Georges Brassens: « Le temps ne fait rien à l’affaire quand on est con on est con, Qu’on soit jeunot ou bien grand père… », mais comme dirait l’autre çà va toujours mieux en le disant !

On ne comprend que mieux et l’on se félicite de la volonté des chercheurs et des services publics de l’état en France il y a quelques année d’avoir construit de façon purement admirable un fac-similé de Lascaux mettant ainsi à l’abri un site sublime datant de 23.000 ans en préservant sa chimie organique et son essence artistique absolument uniques ( je n’oublie pas la grotte Cosquer non plus).

De l’histoire de l’art

Tout d’abord s’en prendre à une oeuvre d’art, vouloir saccager une statue, une peinture, une architecture n’a rien de nouveau. A telle enseigne nos guerres européennes, et depuis la plus ancienne Antiquité, ont souvent conduit à la destruction d’oeuvres du patrimoine du pays et des peuples combattus et vaincus. Le rapport de force, l’idéologie et la religion ont souvent été décisionnaires dans le processus d’annihilation de l’expression artistique et spirituelle de l’autre, c’est à dire l’étranger. La spiritualité religieuse souvent, et instrumentalisée, ne supportant pas la quintessence spirituelle de l’oeuvre d’art même, c’est à dire cette abstraction qui porte aussi l’être au-dessus de lui-même. Le terme même «iconoclaste» est à retrouver dans l’histoire de Byzance et politique et spirituel se constituent alors comme deux pôles visant la conquête du pouvoir..L’image, l’oeuvre d’art, étant considérés comme les éléments archétypaux de la vitalité des empires et de ceux qu’il fallait combattre, donc détruire. C’est un des paradoxes de l’histoire ! L’art plus fort que la vie, la vie elle-même, l’art est éternel et c’est cela précisément qui est intolérable pour certains !

Soulignons fort à propos les Guerres de Religion en France entre 1562 et 1598 , où s’affrontèrent et se massacrèrent Catholiques et Protestants, Ad maiorem Dei gloriam n’est-ce-pas !. La plus grande des oeuvres d’art à subir le sort funeste étant d’abord l’humain, hommes, femmes, vieillards, nouveaux-nés, puis bien sûr le patrimoine artistique du camp opposé, églises, tombeaux et sépultures, statues!

Me revient en mémoire cette phrase de Alberto Giacometti: «Dans un incendie, entre un Rembrandt et un chat, je sauverais le chat».

Dans cette tourmente artistique, la Révolution française ne fut pas en reste tant dans les campagnes que dans les villes ( par exemple Notre-Dame de Paris et la galerie des rois). Nombre d’églises furent saccagées et des tombeaux profanés ( celui d’Henri IV à l’Abbaye de St Denis par exemple).

Notre histoire de l’art est aussi faite, il convient de le dire objectivement, de la compilation de ce qu’il a de plus laid dans l’homme, sa barbarie et sa bestialité élevées comme dépassement de soi, cette idée du sacrifice, celui d’Isaac et d’Abraham puis de l’Agneau pascal image du Christ, de la procession de ces saints martyrs( pensons à Zurbaran autant qu’à Artemisia Gentileschi ).

Il convient dans notre démonstration d’évoquer cette période dite de la Contre-Réforme au XVIème siècle où il s’agissait pour l’Église catholique et romaine de damer le pion à l’influence grandissante du protestantisme, et ce sera le Concile de Trente. L’art dans toute la plénitude de ses champs sera utilisé comme arme de combat ou, pour être plus accommodant, comme instrument d’influence. L’art est donc bel et bien le point névralgique de l’évolution d’une société et l’expression de ses aspirations comme de ses tensions, comme nous allons pouvoir nous en rendre compte dans le chapitre suivant

Par ailleurs, nous ne manquerons pas de traiter dans les mois à venir dans WUKALI de ce sujet et de ce thème de la violence et du «laid» ( je mets ce mot volontairement entre guillemets) dans l’art que nous considérons comme fondamentaux et qu’il convient d’approfondir. Nous tacherons dans ce travail de tisser des liens entre cette histoire de l’art que nous venons cursivement d’évoquer à mettre en parallèle avec notre propre époque contemporaine, ne méconnaissant pas la difficulté des grilles d’analyse. Mais il est de notre rôle et de notre honneur tel nous le ressentons aujourd’hui plus que jamais en ce mois de juillet 2024, de décrypter ( quitte à se tromper) notre humanité des XX et XXème siècles.

Question barbarie, le spectacle est sous nos yeux

Nous avons évoqué au début de cet article ces militants qui face à une caméra opportune, accomplissent leur méfaits iconoclastes sur des peintures célèbres pour «donner conscience au monde». Car bien souvent il s’agit de sauver l’humanité et la cause est écologique, bien entendu ! Avec un tel parrainage «on pourrait presque faire passer, vous connaissez la formule de Michel Audiard, les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages !».

Taggage de L’Origine du monde de G. Courbet ( heureusement protégé par une vitre) au Centre Pompidou-Metz
Le Républicain Lorrain/ Capture d’écran X / Deborah de Robertis

Ah la belle affaire, des godelureaux présomptueux, immatures et caractériels en fait, maîtres des horloges et directeurs de vos consciences ou, et c’est pareil, des femmes et des hommes inachevés et pathologiques. Ce n’est pas encore Big brother qui sur FaceBook ou autre X Twitter s’adresse à vous, mais de médiocres minus habens totalitaires qui n’ont aucun respect pour ce qu’exprime l’art et les oeuvres, vous entraînent dans leurs crimes et vous rendent complices de leurs méfaits ( pour la bonne cause, bien évidemment!). Bref c’est de la graine de petits fascistes ! Vous voulez des exemples? Tout dernièrement encore au Centre Pompidou-Metz, L’Origine du monde de Gustave Courbet, souillée à la peinture rouge par une pseudo artiste en mal de notoriété ( «en mâle 2» peut -être, car l’œuvre était présentée dans une exposition consacrée à Lacan !)

A décharge, (soyons grandioses!) de ces petits pisseurs, de ces petites pisseuses (pardonnez-moi j’enrage), leurs sélections d’oeuvres propitiatoires et sacrificielles est pour le moins remarquable, La Joconde de Léonard de Vinci, La femme à la perle de Vermeer, Les soleils de Van Gogh, mais aussi des oeuvres de E. Manet, G. Klimt, nous nous arrêterons là !

Observons en France tout particulièrement, le silence de certains groupes, notamment politiques, associatifs ou syndicaux, quand à l’occasion d’une manifestations de protestation contre telle ou telle mesure décidée par le gouvernement, ( et cela est valable quel que soit le gouvernement) des façades ou des monuments emblèmes, comme cette photo d’illustration du groupe statuaire de la place de la République à Paris, sont maculés et souillés par des inscriptions vengeresses, revendicatives voire même insurrectionnelles. Étrange non ?

Nous n’irons pas nous égarer cependant dans notre réflexion dans le marécage du wokisme, «faut pas pousser quand même », nous sommes quant à nous pleinement réveillés, et n’est-ce-pas on a déjà assez soufferts !

Monument à la République. Place de la République à Paris
Photo ©James Abbott/ Rtl.fr

Le journal Çà m’intéresse dans un article publié en mai dernier a documenté une étude sur ce que dit la loi française en matière de dégradation d’une oeuvre d’art. Ainsi «cela peut entraîner un certain nombre d’années d’emprisonnement et une amende allant jusqu’à 100 000 €. En effet, le vandalisme sur des biens culturels ou patrimoniaux comme des tableaux est sanctionné par 7 ans de prison et 100 000 euros d’amende. Cette peine peut aller jusqu’à 10 ans et 150 000 euros lorsque l’infraction est commise par plusieurs personnes»

Au nom de l’Islam

Dans ce registre iconoclaste nous ne manquerons pas d’évoquer après le chapitre consacré un peu plus haut aux Guerres de religion en France (il n’est pas inutile de le rappeler), de la barbarie islamiste et de ses crimes iconoclastes. Nous connaissons le poids des mots et notre vision est historique, large et sans tabous

Étudiant à l’école du Louvre, je m’étais plongé avec passion dans les arts de l’Asie de l’Inde au Japon, j’arpentais régulièrement Guimet et m’enthousiasmais dans les bibliothèques, j’avais découvert ainsi les arts de l’Inde, puis le bouddhisme et son cheminement vers la Chine en passant de façon stratégique par l’actuel Afghanistan, cet Afghanistan, terre de montagnes entre deux mondes où les monastères bouddhistes prospéraient. Terre de cavaliers nobles et farouches comme les aimait Kessel, terre bouddhiste avant même d’être musulmane, comme un peu, juste une incidente, il en fut de même du Liban, chrétien d’abord et avec intensité avant la conquête ottomane et musulmane. J’avais aussi pu découvrir les sublimes écoles de peinture perses, celle de Chirâz et plus tard de Hérat aujourd’hui afghan. Une représentation sans tabou et avec un magnifique raffinement de la vie, des hommes, des femmes, du corps humain, des animaux et des végétaux et même plus, plus encore je vous laisse deviner…! Des illustrations somptueuses de la littérature que nous appelons en France et maladroitement les miniatures persanes.

Cet Afghanistan aussi avec à l’est la passe de Khyber, porte ouverte de l’Asie vers l’Occident, porte ouverte aussi des invasions vers l’Inde, franchie par Alexandre le Grand comme par Genghis Khan ou Tamerlan, ce même Tamerlan qui massacra à Bâmiyân toute la population, toute, «le magnifique» oui, c’est lui ! Des pyramides de crânes, l’horreur sur terre, J’avais dans mes recherches pu lire des témoignages de moines bouddhistes de l’époque miraculeusement échappés de cet enfer, un océan rouge de crimes, d’horreur et de sang.

En décembre 1979 les Russes envahissaient l’Afghanistan, ce sera un vrai désastre militaire pour Moscou qui finalement se retirera du pays le 15 février 1989. Une défaite cuisante pour l’URSS qui non seulement abandonnera un pays miné par la guerre civile, mais subissant en son sein un collapsus dont elle ne se remettra pas. Les talibans arrivent au pouvoir en 1996 et imposent la charia. Dynamitage en mars 2001 par ces mêmes Talibans dans la vallée de l’Hindou Kouch, une chaîne de hautes montagnes entre Afghanistan et Pakistan, des deux exceptionnelles statues monumentales des Bouddhas de Bâmiyân. Sublimes chefs d’oeuvre de pierre, l’une haute de 53m, construite entre 580 et 636 ap. J.C l’autre de 38m et qui sont notamment décrites par un célèbre voyageur et moine bouddhiste chinois du VIIème siècle Xuan Zang 玄奘.

Je me souviens, comme aurait dit Perrec, de ce jour où j’ai appris par la radio cette nouvelle, cela relevait de l’inimaginable, Bâmiyân ! Tout cela au nom de l’Islam bien entendu, et pour combattre les mécréants bien sûr, les idolâtres bien sûr, les chers braves hommes, dans un pays où l’on cadenasse sous les voiles les visages des femmes, ces êtres impurs et maléfiques! Un pays où la musique est proscrite, interdite, où l’on risque même sa vie si l’on contrevient à ces interdictions. Triomphe de la vertu, bien sûr, bien sûr, du Bien contre le Mal, bien sûr, bien sûr, une victoire contre l’Occident, bien sûr, bien sûr !

Les assassins de Daesh brûlant des instruments de musique en Libye
Février 2015. Capture d’écran sur Twitter

Et puis rappelez vous, ce n’est pas si loin dans le temps, la guerre en Libye, en Irak, en Syrie, les centaines de milliers de morts pour lesquels aucune bonne conscience occidentale ne défila dans la rue. La mosquée d’Alep جامع حلب الكبير, Jāmiʿ Ḥalab al-Kabīr) et son minaret détruit sous les bombes le 24 avril 2013. Un chef d’oeuvre de l’architecture omeyade. Vous observerez, j’y reviens, que l’on n’entendit guère de condamnations concernant cet acte barbare, patrimoine de notre humanité, en tout cas ceux qui s’en émurent en France et condamnèrent cette infamie ne furent pas ceux qui les premiers eussent éventuellement pu en être concernés. Que c’est bizarre !

Dans ce même registre et dans ce même Proche-Orient, les monuments des plus anciens du site greco-romain de Palmyre en Syrie ont été dynamités par les assassins et terroristes de Daesh ou l’état islamique  الدولة الإسلامية (c’est la même chose). C’était il y a près de neuf ans, en août 2015. L’UNESCO s’en émut, le 93 était en vacances.

Finalement on aura presque fait le tour du sujet en évoquant la dimension spirituelle de l’oeuvre d’art et son rôle qui va au delà du charismatique pour toucher au politique, au sensible. Il reste cependant un domaine que je n’ai pas encore traité, celui de la maladie mentale, c’est à dire, je m’en explique, quand un individu est bouleversé par la puissance et la force de la beauté qui se dégagent d’une oeuvre d’art, de la représentation du visage ou du corps humain et tout particulièrement la statuaire. Soit quand un artiste réussit l’impossible et atteint à ce qu’il faut bien appeler la transcendance. De l’Antiquité grecque, en passant par la littérature ( Honoré de Balzac ou Oscar Wilde) le mythe faustien a convoqué les plus grands chefs d’oeuvre.

À cet égard, certains artistes ont cherché tout au long de leur vie l’impossible, ont atteint les limites de leur métier, de leur savoir-faire, de leurs compétences et ont butté sur l’expression confirmée de leur humanité restreinte, ils ne seront jamais des maîtres et n’accèderont donc jamais au chef-d’œuvre. Au demeurant il n’y a pas que les artistes qui soient concernés, loin de là, ils représentent même une petite minorité. Pour certains d’entre eux cela leur est psychologiquement insupportable, et quand une sculpture par exemple qu’ils considèrent comme un exemple insurpassable les bouleverse jusque dans leur moelle, alors la folie les guette et ils sont prêts à tout pour détruire cette preuve vivante de leur petite médiocrité toute humaine.

La démonstration de cette fragilité mentale qui pousse jusqu’au crime, la victime fut-elle réifiée comme une statue de marbre, c’est par exemple le saccage à coup de marteau de la Piéta de Michel-Ange de la Basilique St Pierre de Rome par un malade mental hongrois du nom de Laszlo Toth en mai 1972.

L’aliéné, un géologue sans emploi, proclamant être tout à la fois Jésus-Christ ou Michel-Ange, asséna dans une rage folle pas moins de 16 coups de marteau sur la sculpture ( voir article sur l’oeuvre dans WUKALI) s’en prenant particulièrement au visage de la Vierge. Il avait 33 ans, l’âge du Christ au moment de la Crucifixion. Dans les semaines qui précédèrent l’attentat, il avait adressé plusieurs lettres au Pape Paul VI pour être reçu à Castelgondolfo. Le séjour à Rome où il s’était installé lui avait manifestement chauffé sur le ciboulot, soit comme pour certains autres voyageurs, le syndrome de Jérusalem, qui a les mêmes propriétés sur des esprits fragiles. A cela la confrontation avec l’œuvre, le chef d’œuvre, le sublime, le face à face, il y a de quoi «péter un plomb », mais avec retenu quand même !

La Pieta après son saccage par un dément hongrois en mai 1972
Photo: ©Finestre sulla Arte

La presse italienne de l’époque avait pendant de nombreuses semaines traité de cette abomination, nous en extrayons les informations suivantes concernant la personnalité du dément parues dans Finestre sull Arte: L’auteur de ce vandalisme sans nom ainsi déclara: “Maintenant que tout le monde me prend pour un fou, mon heure est venue et je vais dire qui je suis. Je suis celui qui connaît la vérité, je suis le Christ. Je suis celui qui a prié et chanté dans les églises. Je ne dis pas que je suis le Christ, c’est Dieu qui le dit, et voici sa parole: Mon fils, le Christ, tu dois détruire, construire et enseigner parce que je suis toi. Que je sois le Christ n’est pas un secret ; si personne ne l’a su jusqu’à présent, sachez-le maintenant. La statue de la Pieta est l’œuvre de Dieu, je l’ai faite et je peux la détruire. J’ai accompli la mission du Christ sur terre, puis j’ai choisi un jeune homme pur et doux pour en faire une statue. C’est donc moi qui ai créé cette belle statue, unique et divine. Le nom de Michelangelo Buonarroti est prophétique car c’est celui de Michel Archange, le chef de tous les anges ; et Buonarroti signifie qu’il est bon d’être brisé ; en effet, ce que j’ai fait est une punition de Dieu et c’est lui qui l’a voulu”. (Lire notamment sur ce sujet particulier l’ouvrage de l’historien d’art Dario Gamboni : The Destruction of Art: Iconoclasm and Vandalism Since the French Revolution .
Il aura fallu plusieurs années de restauration pour que ce sublime chef d’œuvre de Michel-Ange retrouve la plénitude de son unicité bouleversante.

Illustration de l’entête: Deux jeunes activistes suédoises maculant de peinture un tableau de Claude Monet au musée de Stockholm 14/06/2023 ( capture d’écran internet/ CNN)

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