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Un Rembrandt vendu pour 1,4 millions $, notre point de vue

par Pierre-Alain Lévy

La sérendipité vous connaissez ? Quelques exemples: Vous vous vous baladez dans une grande ville, disons Paris, vous marchez dans une rue ou un lieu improbable, (disons un samedi matin sur le marché Maubert-Mutualité), et tout d’un coup face à vous, une amie étrangère venue du bout du monde et dont vous étiez sans nouvelle et que vous n’avez pas vu depuis 10 ans ! Autre exemple, vous êtes dans un pré à la recherche de champignons ( ah, les champignons !), tout d’un coup, vous trébuchez sur quelque chose qui vous fait tomber et pousser un juron ( à votre choix, je ne vous dirai pas les miens!), vous regardez et vous observez une forme arrondie en métal, vous dégagez la terre qui engobe en fait un casque romain, vous êtes sans le savoir encore sur ce qui deviendra un site archéologique fameux ! ( Tous ces exemples sont rigoureusement authentiques)

Autre exemple, célèbrissime s’il en est : vous êtes Newton ( pas moins!), allongé à faire la sieste sous un pommier, une pomme vous tombe sur le tête (aïe!), et tout d’un coup vous comprenez et découvrez la loi de la gravitation universelle ! Qui ne dira jamais assez l’importance de ce fruit qui depuis Eve et Adam, nous offre les joies du plaisir et de la connaissance ( «An apple a day keeps the doctor away ! », disent nos amis anglais.

Eh bien l’histoire de l’art de temps à autre oui, s’inscrit aussi dans cette sérendipité et nous offre de ces friandises, ces découvertes d’oeuvres, voire de chefs d’oeuvre disparus, non inventoriés, restés jusque là inconnus et qui tout d’un coup nous percutent en pleine lumière!

C’est à ce point nodal là que le commerce des oeuvres d’art via les ventes aux enchères, tient un rôle pivot, de découvreur, d’inventeur comme l’on dit dans d’autres domaines. N’attendez point de moi d’évoquer ce scandaleux Salvator Mundi, dont tout ce qui l’entoure est ( comment dire, pour ne pas me fâcher avec les plus brillants spécialistes de nos grands musées) «trouble» (ouf, le mot est d’une sage prudence). Il semblerait à cet égard que WUKALI ait eu raison dès le début de contester la validité des expertises. Vous observerez, puis-je me le permettre n’est-ce-pas, que l’on ne parle plus guère de cette dite peinture ravaudée et botoxée comme une vieille cocotte à 95% et dont ignore même jusqu’à maintenant où elle se trouve… bref !

Olécio partenaire de Wukali

Un Rembrandt retrouve la lumière ?

L’évocation seule du nom du mari de Saskia, du père de Titus le fis chéri, et du maître de Hendrickje Stoffels la servante maîtresse, est consubstantiellement pour moi celui de l’idée sublime du beau et de l’humain. Du Beau et de l’Humain, je me répète ! Vous êtes à Paris ou vous allez bientôt vous y rendre ? Alors prenez le temps d’aller voir au Louvre cette peinture de Rembrandt, Bethsabée au bain tenant dans la main la lettre du roi David (cliquer), je ne connais plus belle et plus bouleversante peinture au monde ( Le Louvre, aile Richelieu, salle 844)

Une galerie américaine, Thomaston Place Auction Galleries, vient de mettre aux enchères un tableau hollandais représentant une jeune fille habillée en tenue du XVIIè siècle, et dont ils attribuent la paternité à Rembrandt ( ou plutôt «d’après Rembrandt») et découverte dans un grenier de l’état du Maine sur la côte-est des Etats-Unis ( les greniers de façon général, faut-il l’observer, semblent faire fantasmer les imaginaires). Voici d’ailleurs ce qu’ils en disent: « Parmi une collection d’objets de famille et d’antiquités, rangés dans le grenier, se trouvait un magnifique portrait d’une adolescente, dont l’expression sereine était encadrée par un col et une casquette blancs à volants. L’œuvre, peinte sur un panneau de chêne bercé et enfermée dans un cadre hollandais sculpté à la main, était impeccablement conservée pour son âge. »

Au revers du tableau et sur la toile une étiquette collée (voir photo). Nulles autres indications supplémentaires. La peinture a été adjugée pour la somme de $1.45 million.

Alors « Rembrandt or not Rembrandt» ? Il serait présomptueux et surtout ridicule en l’état d’exprimer un avis d’attribution. Tant d’éléments nous font défaut à commencer par une expertise d’imagerie et de chimie, des pigments et du bois, des archives et actes de propriété et tous autres éléments documentaires. Une étiquette comme expertise, c’est un peu court !

En nous référant à la bible de référence pour Rembrandt à savoir A. Bredius revisitée par Horst Gerson ( notre édition, texte 1968, publiée par Phaidon, 1971, 4è édition); et que nous connaissons bien, nous ne trouvons nulle trace de cette peinture de jeune-fille. Il ne fait aucun doute (et nous tenons à le préciser) que Rembrandt dans ses années Saskia, c’est à dire au moment de sa période de «gloire mondaine»( avant La Ronde de Nuit. 1642), vit dans l’opulence et reçoit de nombreuses commandes de portraits.

Alors un de plus, un de moins? La réponse, soyons sérieux ne peut être que non, ce qui ne signifie pas pour autant que nous contestons cette attribution mais que les éléments fournis sont notoirement insuffisants pour ne pas dire insignifiants. L’on peut en effet s’étonner pour identifier cette peinture de jeune-fille, de ne pas trouver d’expertises reconnues de l’oeuvre picturale de Rembrandt tant américaines qu’européennes. A cet égard le musée de Philadelphie, ne s’est pas prononcé quant à la main de Rembrandt sur ce tableau, et que je sache les inventaires du marchand d’art des tableaux de Rembrandt, Hendrick van Uylenburgh, ne signalent pas plus cette oeuvre!

Serait-ce faire insulte à cette galerie que de rappeler que l’histoire de l’art tout comme le conséquent marché économique qui l’épaule via les ventes aux enchères, ont besoin de l’assurance de certifications justes et assumées. C’est la force et la faiblesse du marché, un rapport de force et de séduction, d’intimidation et de confiance entre vendeurs et acheteurs et chacun des éléments est une entité variable. C’est la loi du commerce ! OMO lave plus blanc ! Oui, mais d’abord prouvez-le !

Illustration de l’entête et photos: Kaja Veilleux, fondateur de Thomaston Place Auction Galleries, sur le podium, après avoir vendu le lot 2363, « D’après Rembrandt », pour 1,45 million de dollars.

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