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La dépouille de Joachim du Bellay identifiée lors des fouilles archéologiques à Notre-Dame de Paris

par Pierre-Alain Lévy

Les recherches archéologiques entreprises à l’occasion du chantier de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris on permis de mettre à jour un tombeau manifestement contenant la dépouille du poète Joachim du Bellay. Rappelez-vous :

Plus me plaît le séjour qu’ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l’ardoise fine 
:

Plus mon Loire gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l’air marin la doulceur angevine.

Une conférence de presse de lINRAP (cliquer) ( Institut national de recherches archéologiques préventives) donne une foultitude d’informations passionnantes sur les travaux entrepris et l’état des recherches avec l’avancée des fouilles.

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Deux sarcophages de plomb mis au jour à la croisée du transept ont été fouillés en 2022 à l’institut médico-légal du CHU de Toulouse. Si l’identification du chanoine Antoine de La Porte avait été facilité par l’épitaphe figurant sur son cercueil, l’autre défunt restait anonyme.

L’UMR 5288 de l’Université Toulouse III/CNRS et  le professeur Eric Crubézy ont entrepris une recherche pluridisciplinaire et proposent des pistes d’identification :
« L’individu anonyme est décédé d’une méningite chronique tuberculeuse au XVIe siècle dans sa quatrième décennie, un âge peu représenté parmi les inhumations de sujets d’importance dans la cathédrale. Cet inconnu, autopsié et embaumé, intrigue car il repose dans une zone spécifique où, à part Antoine de La Porte, aucune autre tombe intacte n’a été découverte. Les recherches suggèrent qu’il pourrait avoir réoccupé une tombe ayant accueilli deux personnes bien connues à leur époque, mais sans titres religieux un peu exceptionnels. Notre attention s’est portée sur Joachim du Bellay, cavalier émérite, poète tuberculeux, décédé en 1560, dont l’autopsie avait révélé des signes de méningite chronique. Inhumé dans la cathédrale alors qu’il n’en était même plus chanoine, sa tombe n’a pas été retrouvée en 1758 près de celle de son oncle, bien que la famille souhaitât qu’il soit inhumé à ses côtés. Cette situation crée une discordance entre l’accord du chapitre, qui choisissait les lieux d’inhumations à Notre-Dame, et l’emplacement dans la croisée du transept. Deux hypothèses argumentées sont avancées : une sépulture transitoire devenue permanente ou un transfert de son cercueil lors d’une autre inhumation, en 1569, après la publication de ses œuvres complètes. »

Dans entretien publié dans le journal La Croix le 17 septembre dernier à l’occasion d’une conférence de presse, le professeur Crubezy donne les précisions suivantes sur la découverte de la dépouille du poète :

«Il correspond à tous les critères du portrait. C’est un cavalier accompli, il souffre des deux maladies mentionnées dans certains de ses poèmes, comme dans ‘La Complainte du désespéré’, où il décrit ‘cette tempête qui brouille [son] esprit’, et sa famille a appartenu à la cour royale et à l’entourage proche du pape ».

« Il a fait le trajet Paris-Rome à cheval, ce qui n’est pas une mince affaire quand on est atteint de tuberculose comme lui. Il a d’ailleurs failli en mourir », ajoute le chercheur.

Joachim du Bellay
dessiné par Jean Cousin le Jeune (1536-1595)

Cette découverte nous fournit une belle occasion de rendre hommage à Joachim du Bellay, l’un des fondateurs de La Pléiade qui regroupait avec lui Pierre de Ronsard, Jean-Antoine de Baïf, Etienne Jodel, Rémy Boileau, Jean Dorat, Jacques Pelletier du Mans ainsi que le bourguignon Pontus de Tyard. Belle occasion aussi de redonner force et vie à leur mémoire et à leur oeuvre en leur ré-attribuant leurs prénoms.

Du Bellay c’est bien sûr Les Regrets, cet ensemble de poèmes tous de douce nostalgie et de tendresse, d’attachement à la terre ancestrale de France et de la Touraine tout particulièrement. Il est aussi avec Ronsard ce poète de la Renaissance qui célèbre la beauté des femmes et l’amour dans des vers empreints d’une chaude sensualité comme celui qui suit :

Quand ton col de couleur rose
Se donne à mon embrassement
Et ton oeil languit doucement
D’une paupière à demi close,

Mon âme se fond du désir
Dont elle est ardemment pleine
Et ne peut souffrir à grand’peine
La force d’un si grand plaisir.

Puis, quand s’approche de la tienne
Ma lèvre, et que si près je suis
Que la fleur recueillir je puis
De ton haleine ambroisienne,

Quand le soupir de ces odeurs
Où nos deux langues qui se jouent
Moitement folâtrent et nouent,
Eventent mes douces ardeurs,

Il me semble être assis à table
Avec les dieux, tant je suis heureux,
Et boire à longs traits savoureux
Leur doux breuvage délectable.

Si le bien qui au plus grand bien
Est plus prochain, prendre on me laisse,
Pourquoi me permets-tu, maîtresse,
Qu’encore le plus grand soit mien?

As-tu peur que la jouissance
D’un si grand heur me fasse dieu?
Et que sans toi je vole au lieu
D’éternelle réjouissance?

Belle, n’aie peur de cela,
Partout où sera ta demeure,
Mon ciel, jusqu’à tant que je meure,
Et mon paradis sera là.

Que c’est si joliment dit, fébrilement, sensuellement, élégamment, avec distinction et raffinement et surtout avec cette ferveur torride sublimée par des mots ciselés et doux !

La Renaissance et tous ses poètes, profitons de ce moment pour le rappeler, qui élevaient la femme dans sa beauté gracieuse et dans sa nudité la plus grecque serions-nous tentés de dire, vers une dimension héraldique et blasonnante célébrant ainsi chaque interstice charnelle de son corps vers un moment exalté de joie et d’émotion.

Joachim du Bellay, requiescas nunc in pacem, Ami !

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Illustration de l’entête: crédit image: © Denis Gliksman/Inrap

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