Pour les amateurs des romans arthuriens, voici un nouveau petit bijou que viennent de publier les éditions Les Belles Lettres : l’histoire d’Alexandre. L’orphelin de la table ronde.
Un nouveau chevalier inconnu. Ne le cherchez pas dans l’œuvre de Chrétien de Troyes il n’y est pas. Et pourtant ! Il y a des manuscrits qui décrivent les exploits de ce héros et au moins quatorze qui ont été écrits entre le XIIIè et le XVè siècle.
Emanuele Arioli a pris, déchiffré, traduit, mis en forme les aventures de ce chevalier. Il a, il y a peu, sorti de l’ombre, un autre chevalier de la Table ronde peu connu : Ségurant le chevalier au dragon (et je ne puis que vous inciter, si cela ne l’ai déjà fait à lire ses aventures publiées, elles aussi par Les Belles Lettres). Il a suivi la même démarche et Emanuele Arioli nous livre ici le texte de cette « saga oubliée », illustrée par les enluminures des manuscrits originaux.
La principale caractéristique d’Alexandre, outre sa bravoure et son art dans le maniement des armes, est sa très grande beauté sous laquelle succombe toutes les femmes qu’il rencontre. Le roi Marc (l’oncle de Tristan) avait un frère Baudouin qui était plus brave, plus aimé que lui. Par jalousie il le tue. Pour échapper à son courroux, Angledis, épouse de Baudouin, va trouver refuge avec son jeune fils Alexandre à Magance. Le jour de son adoubement, sa mère lui donne la tunique ensanglantée de son père et il promet de le venger (comment ne pas penser à Hamlet ?). Alors, en preux chevalier, il part à l’aventure.
Après quelques exploits, blessé au cours d’un combat contre Malagrin, il est soigné à la Belle Garde, par Morgane qui le retient prisonnier sur parole. Alors qu’elle était chez la dame d’Avallon avec deux autres enchanteresses : la reine Norgales et Sybille, il réussit, sans trahir sa parole d’honneur à s’évader alors que la Belle Garde brûle. Il rencontre alors Aëlis, la Belle Pèlerine, et tous deux tombent passionnément amoureux. Et il combat, essentiellement contre des chevaliers de la Table ronde, qui à l’issue des combats promettent à Alexandre de l’aider à se venger du roi Marc. Son dernier combat est contre celui qu’il admire le plus : Lancelot du lac !
Le texte principal s’arrête là. Mais Emmanuele Arioli nous livre aussi deux autres versions sur le début de l’histoire et quelques fins qu’il a trouvées dans d’autres textes bien plus tardifs. On y trouve quelques constantes : le mariage d’Aëlis avec Alexandre, une fin violente pour le héros (et d’ Aëlis dont la fin est la copie quasi conforme de celle d’Yseult) et surtout le fait qu’il ne se venge jamais du roi Marc. D’ailleurs, cette vengeance qui n’a pas lieu, n’est-elle pas pour Alexandre sa quête du Graal ? Comme il n’est pas Galaad, il est comme tous les chevaliers, même les plus preux comme Lancelot et Perceval, il ne peut voir l’aboutissement de sa quête.
Je ne puis que vous inciter à lire l’excellente préface d’ Emanuele Arioli dans laquelle il expose, étudie les particularités de cette histoire, dont le rôle central des figures féminines dans la démarche du « fin’amor » ou la figure de Merlin présenté avant tout comme un prédateur sexuel, etc. Le monde magique dans lequel Alexandre évolue n’est plus du tout celui de Merlin, mais celui des magiciennes qui par ailleurs se voient être rivales. Autant le cycle arthurien « classique » essaie de décrire une société médiévale parfaite, autant l’histoire d’Alexandre met à mal l’image de la société médiévale traditionnelle tant elle renverse les règles sensées la régir. Au-delà de l’Amour, toujours mis en valeur, le « moteur », le fil conducteur de l’histoire d’Alexandre est la vengeance, ce qui n’est pas, loin de là, un « noble » sentiment. Les chevaliers de la Table ronde, à travers la quête du Graal, sont dans une démarche avant tout spirituelle qui les élève vers la part divine qui est en eux. C’est loin d’être le cas d’Alexandre qui lui est dans une quête matérielle, individuelle, tempérée par le respect des règles régissant la chevalerie. Il n’y a aucune trace de la rédemption de l’humanité à travers sa quête. Pour autant, il est un vrai chevalier digne de siéger à la Table ronde et il doit retrouver comme Ségurant, la place qui est la sienne.
Alexandre. L’orphelin de la table ronde
Emanuele Arioli
éditions Les Belles Lettres.13€50
Illustration de l’entête : Apparition du Saint Graal aux chevaliers de la Table ronde. © Bibliothèque nationale de France
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