Les rouages crantés de l’horloge mondiale viennent de bouger, l’aiguille des heures vient brusquement d’avancer. Trump a trahi, rien ne sera plus comme avant comme je l’écrivais dans un précédent article ( Cliquer ). Ramenés au champ de la littérature, nous dirions en citant un dramaturge français Pierre Corneille1 : « Rome n’est plus dans Rome ! »
Je ne méconnais pas que parler d’art et de littérature aujourd’hui concernant le locataire actuel de la Maison Blanche, c’est un peu comme réciter Arthur Rimbaud2 ou Emerson3 dans un bordel du Midwest.
Mais pourquoi donc traiter d’un pareil sujet et d’un tel personnage dans WUKALI, un magazine de langue française consacré à la culture et l’art me diront certains? Pourquoi ? Mais pour la raison même de sa quintessence qui le définit. Rabelais4 disait: «Science sans conscience n’est que ruine de l’âme», nous y sommes ! La trahison des clercs5 n’est pas notre tasse de thé !
Trump a trahi
Le milliardaire de Manhattan, Donald J. Trump, puisqu’il faut l’appeler par son nom6, le loser des casinos, a d’abord trahi les Américains eux-mêmes. Son nationalisme infantile a séduit un temps ce que faute de mieux l’on nomme : la classe moyenne américaine. L’immigration ou la cherté du coût de la vie, ses cibles de propagande, comme toujours c’est la faute de l’autre ( on connait cette rengaine aussi en Europe). Les mêmes vieilles recettes racistes aussi, celles de George L Rockwell7 ou des Proud Boys8, un modèle pour Trump et Steve Bannon son mentor d’aujourd’hui, les mêmes vieilles complicités avec les héritiers européens du fascisme, de l’extrême-droite.

Depuis son retour à la Maison Blanche Trump fait des autres, de tous les autres, un bouc émissaire, çà fait quand même une vaste bergerie! Un narcissisme qui tourne au pathologique et à la névrose. À l’inflation et la vulnérabilité de la société américaine, il répond par un protectionnisme tous azimuts, et les premiers impactés ce sont les propres alliés des USA et ses voisins immédiats, Canada et Mexique, mais aussi le Danemark avec le Groenland. Le monde entier est dans le viseur. Qui plus est, il joue tant sur le fond que sur la forme dans ses discours pour tout ce qui n’est pas «trumpien », et quiconque s’oppose ou manifeste son désaccord sera broyé. Le malheureux Volodymyr Zelensky a ainsi subi devant les caméras du monde entier les foudres colériques de Donald Trump, une humiliation inacceptable ! Gardez-moi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m’en charge ! disait Voltaire9 !
L’assaut donné au Capitole en janvier 2021 (une tentative échouée de coup d’état), avait déjà planté le décor politique. Par une manipulation d’ordre maffieux, de pressions (à défaut d’autres mots plus connotés…) sur ce qui restait alors de valide parmi les élus du parti républicain ou de la justice, Trump s’en est réchappé comme une blanche colombe. De même manière l’attentat dont il s’est sorti indemne l’a rendu encore plus populaire, il a été réélu et le voici aujourd’hui aux manettes. Au premier jour de son retour à la Maison Blanche, Trump par décret a amnistié et fait immédiatement libérer les émeutiers du Capitole condamnés par la Justice, une flétrissure à l’état de droit !
Quant au domaine des relations internationales, à l’écouter tous les pays sont coalisés contre les USA qui n’est qu’une vache à lait ! En France où l’on a du goût pour les mots et le langage, l’on dirait: « la ficelle est grosse ! » ce à quoi répondrait Goebbels10 : «plus le mensonge est gros, plus il a de chance d’être cru !»

Chef d’état sous influence, tel apparait Trump qui reprend dans ses discours la dialectique de Poutine, et un comble, sans finesse ! Le lâchage scandaleux ( et le terme est insuffisant) de l’Ukraine est une souillure pour la diplomatie américaine et les relations internationales. Trump a enterré la promesse américaine dans le domaine sensible de la politique étrangère et dans le champ de la diplomatie. Il a rompu la confiance avec ses Alliés et donné le coup de grâce à l’OTAN. Il n’ y a même pas mis la forme ni les précautions oratoires ! Il met en danger la sécurité du monde. Quid de ses alliés en Europe, des Pays Baltes menacés par les chars russes, quid demain de Taiwan et de la Corée ? Les Européens désormais savent qu’on ne peut plus compter sur les Américains.
Bien avant sa prise de fonction et pendant les débats américains sur les chaînes de télévision (excepté Fox News) des commentateurs, des psychiatres, jusqu’à des membres proches de sa famille, se sont succédés sur les écrans pour dénoncer sa dangerosité de psychopathe. Syndrome en quelque sorte de «fils de riche», fils de milliardaire, mouton noir parmi les siens, dernier de la classe, inculte, lâche face aux obligations militaires et subissant le mépris de ceux qu’il dominait du haut de ses dollars, au plan financier, failli aussi et mauvais gestionnaire, qui plus est une virilité d’ascenseur somme toute, petit lapin contre subtile renard… ! Il serait intéressant de connaître quel est son registre lexical et de combien de mots de vocabulaire il dispose. Pour Staline11, la puissance et l’influence c’était «combien de divisions», pour lui combien de millions de dollars, une politique de «dealer» somme toute !
Plus graves manifestement sont les suggestions apparemment documentées de son acoquinement avec les Russes et qui remonterait à son premier voyage à Moscou en 1987, où semble-t-il il aurait été approché par le KGB. L’or du Kremlin, la vodka et le caviar russe, et les lolitas ou autres devouchka12 aux charmes incandescents que l’on rencontre dans les grands hôtels moscovites lui auraient-ils fait tourner la tête ? A une époque où l’on commençait à parler de Pérestroïka dans la Russie d’alors ravagée par des dizaines d’années d’un communisme moribond et rongée par la corruption, l’idée de construire une Trump Tower à Moscou germait dans la tête de cet héritier américain fortuné, flatté d’être reçu comme un roi dans le pays des tsars. Par la suite Moscou a toujours été généreux pour combler les dettes de cet atypique héritier dont le père avait fait fortune dans l’immobilier à New-York.

Le temps long, c’est ce qui manque au suffrage universel et à nos démocraties, en revanche pour les pays totalitaires, Russie, Chine, c’est un élément essentiel de leurs stratégies. Trump ainsi représentait depuis longtemps pour les Russes un influenceur en devenir, une potentialité ouverte, un personnage qu’il convient d’aiguiller au coeur de la politique américaine. Dans nombre de films d’espionnage, nul doute qu’il trouverait sa place. Hollywood d’ailleurs doit actuellement phosphorer sur plusieurs scénarios de films.
Poutine est un impérialiste conquérant et un révisionniste comme l’expliquait tout récemment Emmanuel Macron. Il en va de même pour son affidé Donald Trump, qui lui-aussi réécrit l’histoire. De nombreuses vidéos très drôles circulent actuellement sur les réseaux sociaux américains, des montages fruits de l’Intelligence artificielle. On y voit un Donald Trump baiser le pied de Poutine campant un tyran oriental, le même Trump grimmé en Staline et dansant un pas de deux avec son cher Vladimir, ou encore jouant de la balalaïka avec Kim Jong Un. Il existe aussi une autre version où Trump cette fois s’excite sur les pieds nus d’Elon Musk.
Et les hommes libres, les démocrates et les républicains américains dans tout cela ?
Lors de la campagne des présidentielles américaines en novembre quelques jours avant l’élection, une journaliste de MSNBC, Nicolle Wallace, ancienne collaboratrice de George Bush, demandait avec insistance à ce dernier de prendre la parole pour faire barrage à Trump. Silence !
Clinton, Obama, Biden, Harris… mais où sont ils, que ne parlent-ils aujourd’hui ? Le seul à combattre, juriste d’excellence et d’expérience, est le sénateur Adam Schiff13, ou dans un autre registre Bernie Sanders. Le parti démocrate ébranlé par sa défaite électorale est inconsistant, il n’a que deux ans avant les midterms ( élections de mi-mandat présidentiel) pour se reprendre et de nouveaux leaders devront apparaitre d’ici là (Josh Shapiro14, Andrew Cuomo15 ?).
Les USA peuvent ils ainsi vaciller ?
Aujourd’hui le Parti Démocrate est aux abonnés absents. Quant aux derniers mohicans du Parti républicain, ces vieux routiers de la politique, tel le sénateur Lindsey Graham16, ils ont tourné casaque et ont prêté allégeance. Dans un pays sensible au langage de la Bible, c’est le plat de lentilles ! Peut-on estimer qu’ils se sentent menacés pour leur propre sécurité, pour leur vie? Ce n’est pas impensable! Signalons que Trump avait encore récemment, et pendant les élections présidentielles, directement menacé Michelle Obama ainsi que son mari !
Se poser la question de la démocratie américaine, qui donc (sauf en fantasme), pouvait encore il y a quelques années se poser telle question ? C’est une vieille rengaine dans les milieux diplomatiques de discuter de prospective et des situations de crise internationale. Cependant on ne peut qu’être très inquiet sur l’avenir de la société américaine et de la démocratie. Un pays dont la protection sociale est balbutiante comparée à l’Europe. Les USA, un pays qui au demeurant ne l’oublions pas a connu une guerre civile, un pays fracturé et dont les plaies n’ont jamais cicatrisé. En outre, un pays où le nombre d’armes détenus par les Américains est tout bonnement ahurissant ce qui constitue un véritable danger, une menace réelle pour la démocratie, ses représentants et ses institutions!
A cet égard jamais au grand jamais Trump ne s’est opposé à la NRA la puissante association qui regroupe fabricants, vendeurs et propriétaires d’armes à feu ! Selon le décompte de l’observatoire Small Arms Survey, il y aurait 393 millions d’armes détenues par des particuliers aux États-Unis, dont un grand nombre d’armes de guerre !
Les Américains peuvent seuls reprendre les rênes de leur destin. Chaque jour qui passe apporte son lot d’inquiétudes et le vote à l’ONU des États Unis d’Amérique dans le même camp que la Russie de Poutine, la Chine de Xi Jinping ou de cette délicieuse Corée du Nord, contre l’Ukraine a de quoi inquiéter. Nous n’en sommes plus à des rodomontades d’un bouffon de télévision qui vulgairement comme à son habitude distrayait le public par ses outrances ! Dr Folamour s’est bel et bien installé dans le Salon ovale de la Maison Blanche et ses pitreries provoquent le monde.
Le pire a été atteint et la trahison accomplie avec le décision de Trump de cesser d’aider militairement l’Ukraine.
Existe-t-il des officiers supérieurs américains, des membres de la CIA ou de la NSA capables de se faire entendre ? Pareille question sensible, peut être reprise à l’identique à l’intention de Moscou ! Quelles limites doivent-elles encore être franchies ?
Trump peut-il changer ?
C’est une question sans réponse ! Donald Trump est un homme sous influence, un comble pour celui qui se présente devant son électorat comme celui-là même qui peut bouleverser le «conformisme » ( establishment). Observons que son discours c’est le même que tiennent en Europe (France-Italie-Allemagne-Grande-Bretagne) les représentants des politiques d’extrême-droite, pour ne pas citer Le Pen par exemple ! Les milieux ultra-conservateurs ont fait de Trump leur champion.
Cependant sous des apparences de matamore, l’homme est fragile, son inculture, son manque de densité, son ignorance de la géo-politique internationale (un comble!) sont ses grandes faiblesses. C’est un soumis hypnotisé par la puissance, galvanisé par la télé-réalité qui l’a propulsé au premier rang de la scène politique et des médias.
Pourtant il y a des failles dans le personnage car il s’agit d’un caractériel ! Discuter avec Trump ce n’est pas prendre le café dans les tasses en porcelaine de Sèvres du Quai d’Orsay ! Avec lui nous avons quitté au mieux le champ de la diplomatie pour celui du rapport psychanalytique, plus grave, psycho-pathologique ! Analyser ses réactions, c’est envisager de traiter avec quelqu’un souffrant de bi-polarité, et malheur à celui qui veut régler un conflit en s’opposant frontalement à lui !
De tous les chefs d’état ou de gouvernement étrangers, Emmanuel Macron est le seul à avoir trouvé avec lui le ton juste, respectueux, chaleureux mais ferme. Il entretient d’ailleurs avec lui des conversations régulières d’égal à égal.
Trump feint de ne pas connaître ses déficiences, ses impuissances (rappelons-nous du Covid). Dans la cour de récréation des grands, il veut briller et faire le gros dur ! Il se veut despote oriental et exige de ses interlocuteurs une soumission servile, une excitation de l’orde du sexuel maladif !
Alors, nous n’en sommes plus avec Donald Trump à un retournement de sa part et tout est possible, surtout si la situation sociale et politique se détériore aux Etats-Unis. Pour la première fois se dessine, bien qu’à tout petit chiffre, une baisse tendancielle de sa popularité… À suivre !
Notes
1 Pierre Corneille, dramaturge français (1606-1684). Il a écrit de nombreuses pièces du théâtre classique français, dont Sertorius où ce trouve ce vers: Rome n’est plus dans Rome !
2 Arthur Rimbaud, poète français (1854-1891), auteur du Bateau ivre et des Illuminations
3 Ralph Waldo Emerson, poète américain (1803-1882)
4 François Rabelais, écrivain humaniste français de la Renaissance (1483-1553). Auteur de Pantagruel et de Gargantua
5 La trahison des clercs, titre d’un livre de Julien Benda publié en 1927, re-publié depuis chez Grasset, Collection Les Cahiers rouges
6 Puisqu’il faut l’appeler par son nom, citation tirée de la fable de Jean de La Fontaine (1621-1695), Les animaux malades de la Peste
7 George L Rockwell, homme politique américain, chef du parti nazi (1918-1967)
8 Proud Boys, organisation américaine d’extrême-droite, néo-fasciste, prônant le suprémacisme blanc
9 Voltaire (1694-1778) écrivain et philosophe français des Lumières, notre conscience
10 Joseph Goebbels (1897-1945) proche d’Hitler, responsable de la propagande nazie
11 Joseph Staline (1878-1953), succède à Lénine à la tête de l’URSS
12 Devouchka, Девушка, signifie jeune-fille/ jeune-femme en russe
13 Adam Schiff. né en 1960, Sénateur démocrate de l’état de Californie
14 Josh Shapiro, né en 1973, membre du parti démocrate, Gouverneur de la Pennsylvanie
15 Andrew Cuomo, né en 1957, ancien secrétaire d’état, ancien gouverneur de l’État de New York
16 Lindsay Graham, né en 1955, membre du Parti républicain, sénateur de la Caroline du Sud au Congrès des États-Unis
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