L’affiche de cinéma demeure aujourd’hui encore l’une des armatures principales de la publicité du film. C’est l’un des visuels qui amène le public à l’écran. C’est une image destinée à convoyer la première impression. Faire impression – Quand l’affiche de cinéma s’invente est une plongée passionnante dans l’univers de cet outil de promotion incontournable. La Fondation Jérôme Seydoux-Pathé présente une exposition à découvrir du 11 avril au 27 septembre 2025

L’attrape-rêves

Mais comment fit-elle son apparition ? Les plus anciennes connues invitent le spectateur à découvrir le Cinématographe Lumière en 1896. Spectaculaire, l’une d’elle illustre une projection, dans la lignée des affiches visant à présenter un spectacle visuel. Mais si les pères du Cinématographe ont privilégié sur leurs affiches ce nouveau divertissement, Pathé, le premier, fera dès 1902 la promotion des films, reprenant à son compte quelques principes adoptés par les Lumière : un grand format et une illustration. Ainsi naît l’affiche de film. 

affiches de cinéma . Fondation Seydoux-ciné
Tous y mènent leurs enfants, affiche Adrien Barrère, c. 1906 © Collection Fondation Pathé

Présentées dans les foires, puis dans les premières salles sédentaires, les affiches sont conçues comme de grands tableaux, qu’il est parfois difficile de placer en façade. Elles visent à attirer le passant et à l’entraîner à l’intérieur de la salle : elles s’appuient tantôt sur des histoires connues de tous, comme les contes, oupromettent tantôt du sensationnel et de l’exotisme quand il s’agit de films à trucs et de films de voyage. Elles installent les scènes historiques par des décors et des costumes, et suscitent la fascination quand ils promettent les étoiles ou les toits de Paris. D’autres provoquent le rire. 

Cinématographes Pathé frères, affiche Cândido de Faria, 1906 © Collection Fondation Pathé

Affichistes et artistes

Entre 1902 et 1911, Pathé fait appel avecconstance à Cândido de Faria, un illustrateur brésilien installé à Paris, spécialisé dans les affiches de music-hall. Après son décès, la société confie à Adrien Barrère la production de nombreuses affiches pour des films comiques. Mais les affiches Pathé sont signées aussi par d’autres illustrateurs : Daniel de LosquesRaphaël Freida, Maurice NeumontMaxime DethomasVincent Lorant-Heilbronn, Maurice MahutMisti, Benjamin Rabier, Raymond Tournon, les Clérice, etc. Deux femmes au moins, Berthe Faria et Éleonore Marche, participent à ces productions comme illustratrices ou en supervisant un atelier.

Olécio partenaire de Wukali

Ces jeunes artistes sont aussi peintres et illustrateurs pour la presse, et se sont lancés dans la publicité. Qu’ils soient caricaturistes, dessinateurs pour la jeunesse ou la mode, ils font battre le cœur d’un Paris moderne, où l’affiche a gagné sa place et occupe les murs de la ville.

Place aux vedettes

Dans un espace public conquis pour la réclame, l’affiche de cinéma doit trouver sa place. Ainsi elle s’accroche d’abord à une ville périphérique, celle des foires, qui sont le lieu de la présentation des inventions inédites telles que les projections de films. Elle s’installe plus tard sur la façade des premiers cinémas pour attirer les regards curieux des badauds. A l’aube de la guerre, elle accompagne les transformations d’une attraction que l’on nommera bientôt le 7e art, et la montée des vedettes françaises et américaine – Max Linder, Pearl White ou Mistinguett. Elle se décline au rythme du succès que rencontre le film à épisodes. Les premières affiches de cinéma s’apparentent à cet art forain pour lequel Toulouse Lautrec fur une exceptionnel précurseur.

Max Linder. Le chapeau de Max (1913)

Les fleurons de l’Avant-garde

Affiche du film par Boris Bilinsky (1926)

La période qui suit la Première Guerre mondiale constitue une rupture dans les arts visuels. L’affiche, qui a débuté sa mutation avant 1914, connaît une nouvelle révolution graphique, et n’y fera pas exception. Le Paris des Années folles profitera au cinéma comme à sa promotion, laquelle s’appuie sur la ruche des artistes peintres qui affluent du monde entier dans la capitale des arts. L’affiche, suivant en cela les mouvements picturaux, généralise les aplats de couleur, les gros plans, les lettrages élaborés qui prendront une importance prépondérante. Les signatures comptent des représentants de l’avant-garde russe comme Boris Bilinsky, ou de jeunes talents français comme Bernard Lancy. Fernand Léger, à la frontière des deux arts, peinture et cinéma, est sans conteste celui qui cristallise le mieux ce nouveau monde

Nul doute, le cinéma est bel et bien un art à part entière et son expression médiatique accompagne la marche de la société et du temps historique. Ainsi du début du vingtième siècle jusqu’à aujourd’hui, le cinéma (le septième art), est un miroir non seulement du temps politique mais aussi et tout particulièrement des différentes écoles et influences artistiques qui s’expriment.

Le cinéma dans toutes ses composantes (et donc sa promotion par affiches), est un marqueur temporel. les affiches éclairent la rue grâce au talent des artistes et donnent ainsi envie de prendre un billet pour les salles obscures et de retrouver sur écran les acteurs en vogue.

La grande illusion. Affiche de Bernard Lancy. (1892-1964) 

Outil de promotion, l’affiche est aussi un support de création. Reflet des courants artistiques comme l’Art nouveau et le fauvisme, elle voit, au cours des décennies, ses créateurs s’interroger sur sa place dans l’espace urbain, et par-là même, sur son impact sur le promeneur. L’affiche quel que soit son format, doit subjuguer comme elle doit stupéfier.

Nous sommes à ce moment aux prémices artisanaux de ce qui deviendra quelques années plus tard la publicité, pas encore sea, sex and sun. L’affiche est peinture et son expression artistique devient essentielle pour la promotion de l’industrie cinématographique. La rue devient écrin et le cinéma un moyen du rêve

Les affiches présentées dans cette exposition sont issues des collections de la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé et de collections privées. Miroir d’un monde qui témoigne de la naissance du cinéma, elles sont accompagnées de photographies et d’images filmées provenant du musée Albert Khan, des dessins de la Bibliothèque des littératures policières, de documents promotionnels et d’extraits des films dont elles font la promotion.

Autour de l’exposition
Visites et ciné-concert 


Tous les jeudis à 15h, les Après-midi découverte de la Fondation permettent une visite guidée de l’exposition et du bâtiment, et se terminent par un florilège de films muets Zygel en rapport avec l’exposition, et accompagnés au piano par les pianistes de la classe d’improvisation de Jean-François. Inscription en ligne sur le site de la Fondation : https://www.fondation-jeromeseydoux-pathe.com/

Micro-colloque 
Naissance de l’affiche de cinéma. Vendredi 26 septembre 2025 de 14h-18h. La Fondation invite historiens et spécialistes à rendre-compte de l’état de l’art sur l’invention de l’affiche de cinéma. Le colloque sera suivi d’une projection.

Cinémathèque de la Fondation
À partir du 16 mai, l’exposition sera accompagnée de films sonores restaurés par Pathé, dont les affiches sont présentées dans l’exposition ou qui font écho aux thématiques abordées, qu’il s’agisse de la représentation de Paris, de l’univers du music-hall ou encore de la Première Guerre mondiale. 

Le Silence est d’or (René Clair, 1947)
Paris qui dort (René Clair, 1925)
Les Enfants du Paradis (Marcel Carné, 1945)
Le Bonheur (Marcel L’Herbier, 1934)
Accusée, levez-vous (Maurice Tourneur, 1930)
La Fin du jour (Julien Duvivier, 1939)
Paradis perdu (Abel Gance, 1939)
Les Croix de bois (Raymond Bernard, 1931)
La Reine Margot (Patrice Chéreau, 1992)

WUKALI est un magazine d’art et de culture gratuit et librement accessible sur internet
Vous pouvez vous y connecter quand vous le voulez

Pour relayer sur les réseaux sociaux, voir leurs icônes en haut ou en contrebas de cette page
Contact ➽ : redaction@wukali.com

Ces articles peuvent aussi vous intéresser