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Le pillage des oeuvres d’art du Yémen par les Houthis

par Pierre-Alain Lévy

Le trafic des oeuvres d’art dans des pays en guerre, c’est un sujet hélas redondant et dont nous avons traité à maintes reprises. Un sujet parfois qui dérange quand il s’oppose à des intérêts puissants du commerce international des oeuvres d’art. Un crime au demeurant dont les auteurs sont pourchassés par Interpol et qui a fait l’objet de nombreux articles dans WUKALI Vols, Trafic de biens culturels, Faits-divers, l’action des douanes (Cliquer). Une ressource financière très conséquente !

Le Yémen fait partie de ces zones en guerre, et les Houthis qui font actualité, s’adonnent sans vergogne au pillage du patrimoine artistique de ce pays de la Reine de Saba, et au trafic qui en est l’aboutissement.

L’encens, la Route de l’encens, le Yémen en est l’épicentre, et cette gomme devenue parfum a ouvert ce coin du monde sur ses voisins, apporté la richesse, et permis grâce aux échanges commerciaux, l’émergence d’un culture artistique raffinée née voilà plusieurs millénaires. Ce sont ces oeuvres, ces sculptures, ces manuscrits anciens, c’est ce patrimoine qui est en danger !

Nous relayons dans nos colonnes l’appel de Abeer Al-Athwary, directrice-exécutive de la Fondation yéménite pour la Justice, le développement et la paix.

Pierre-Alain Lévy

Abeer Al-Athwary

Depuis plus de dix ans, le Yémen – l’une des plus anciennes civilisations du monde – est plongé dans une guerre brutale qui a coûté la vie à des milliers de civils, dévasté ses infrastructures fragiles et déclenché ce que les Nations unies décrivent comme la pire crise humanitaire au monde. Mais au-delà de ces pertes tragiques, une autre catastrophe silencieuse est en train de se produire, qui menace l’identité culturelle et historique du Yémen : le pillage et la destruction systématiques de son patrimoine et de ses antiquités.

Dans le chaos du conflit, les sites archéologiques et les musées sont devenus des cibles privilégiées pour les fouilles illicites, le vol et la destruction, entraînant la perte irréparable de l’héritage culturel du Yémen. Les objets d’art yéménites, dont certains remontent à des milliers d’années, sont désormais très répandus dans les ventes aux enchères internationales et sur les marchés en ligne. Ce phénomène croissant est alimenté par des réseaux de contrebande transnationaux qui opèrent avec une efficacité alarmante, tandis que l’absence d’une stratégie nationale et mondiale cohérente rend le patrimoine du Yémen de plus en plus vulnérable à l’exploitation et à la disparition des oeuvres.

D’innombrables objets ont été pillés sur des milliers de sites archéologiques, sans distinction, et volés dans les musées au cours de la guerre. Les estimations officielles indiquent que plus de 14 000 manuscrits yéménites rares et des centaines d’antiquités inestimables – y compris des statues en bronze, des inscriptions, des pièces d’or et d’argent, des amulettes en cuivre, des tablettes de pierre et des pointes de flèches – ont fait l’objet d’un trafic. Une part importante de ce pillage est attribuée à la milice Houthi, qui a été désignée comme organisation terroriste au niveau international. À leurs côtés, des groupes extrémistes, des factions armées et des trafiquants indépendants ont tous contribué à la contrebande à grande échelle des biens culturels du Yémen, facilitée par l’effondrement de l’autorité de l’État et l’absence de mécanismes d’application de la loi.

Olécio partenaire de Wukali
 Bronzes yéménites pillés, entrés en contrebande et saisis aux Usa, provisoirement présentés au Smithsonian Museum , 63 x 75 x 19 cm
© Smithsonian

Le pillage des antiquités du Yémen en pleine guerre constitue une catastrophe culturelle qui met en péril l’identité et la continuité historique de la nation. La protection de ce patrimoine est inextricablement liée au rétablissement de la paix et de la stabilité, à la fin de la guerre, à la mise en place de protections juridiques rigoureuses et à la promotion de la coopération internationale pour récupérer les objets volés et poursuivre les responsables de leur commerce illicite. La préservation des antiquités du Yémen n’est pas seulement un acte de gestion culturelle, c’est un devoir envers l’histoire elle-même.

Toutefois, cette crise ne se limite pas à la perte d’objets tangibles ; elle représente une rupture dévastatrice dans le tissu historique et culturel de l’une des plus anciennes civilisations du monde. Ces objets ne sont pas seulement des pierres ou des reliques du passé, ils sont les témoins tangibles de millénaires de réalisations humaines. Leur vol et leur destruction constituent un crime contre le patrimoine mondial, privant le monde d’un chapitre essentiel de sa mémoire collective.

J’appelle de toute urgence à une intervention internationale immédiate pour faire face à cette crise et aider le Yémen à sauvegarder son patrimoine culturel. Il ne s’agit plus d’une question d’intérêt national, mais d’une responsabilité humaine partagée. La civilisation yéménite n’est pas seulement l’héritage des Yéménites, elle fait partie intégrante du patrimoine mondial. Nous sommes tous responsables de sa protection, devant l’histoire et pour les générations futures.

Abeer Al-Athwary
Directrice-exécutive de la Fondation yéménite pour la Justice, le développement et la paix

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Illustration de l’entête: antiquités yéménites pillées, entrées en contrebande et saisies par les douanes américaines avant d’être restituées


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