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Bertrand Chamayou et Lionel Bringuier dans une soirée Ravel à La Roque d’Anthéron

par Pétra Wauters

Beaucoup de monde ce mercredi 30 juillet pour cette soirée Ravel, retransmise sur France Musique dans Le Concert du soir de Jean-Baptiste Urbain : une consécration radiophonique qui souligne, s’il en était besoin, l’importance de ce rendez-vous.

L’élégant et sensible pianiste Bertrand Chamayou, l’emblématique Orchestre Philharmonique de Nice et, à sa direction, le dynamique Lionel Bringuier, dans un séduisant programme avec: le Concerto pour piano et orchestre en sol majeur, puis le Concerto pour la main gauche et orchestre en ré majeur, et enfin, l’envoûtant Boléro.

Bertrand Chamayou s’impose comme l’un des interprètes français les plus appréciés de sa génération, grâce à sa technique remarquable et sa musicalité raffinée. Il excelle particulièrement dans le répertoire français, Debussy, Fauré, Ravel évidemment, et Liszt ainsi que dans la création contemporaine.

Avec Ravel, c’est tout un univers de prédilection qui s’offre au pianiste,  terrain d’expression idéal pour sa sensibilité et sa précision technique. D’aucuns le trouvent trop précis justement, trop propre, trop linéaire dans cette première partie, avec quelques réserves sur l’orchestre (des échos entendus à l’entracte).

Olécio partenaire de Wukali

Pour notre part, nous avons apprécié ce premier Concerto en sol majeur, aux inspirations de jazz américain. On est dans le raffinement français dont il était question, et ses délicieuses influences jazzy. L’œuvre exige du pianiste une virtuosité impressionnante, on pourrait parler de précision chirurgicale, notamment dans les passages rapides.

Côté orchestre, tout est sous contrôle sous la baguette de Lionel Bringuier : des timbres délicats, ces fameux rythmes syncopés de jazz, pas faciles à maîtriser, et des effets orchestraux joliment colorés. Dans toute l’œuvre, Ravel pétille et le charme opère.

Bertrand Chamayou et Laurent Bringuier
Festival de piano de La Roque d’Anthéron. 30 juillet 2025
©Photos Valentine Chauvin

Après l’entracte : le Concerto pour la main gauche.Là encore, que de défis techniques pour le pianiste ! Bertrand Chamayou pose sa main droite sur le piano, se décale légèrement sur son banc pour compenser ce « manque de main droite », si l’on peut dire, et rayonner sur l’ensemble du clavier. On a l’impression que sa main se démultiplie, et l’on s’émerveille vraiment : comment parvient-il, avec une seule main, à restituer toute la richesse du propos, à gérer ces grands écarts sur le clavier ! Penché sur l’instrument, dans une sorte d’introspection poignante, il capte tous les regards. Il nous a bluffés. L’orchestre, de son côté, offre à cette œuvre sombre, dramatique, grave et néanmoins magnifique, une palette sonore particulièrement riche et nuancée. Maîtrisée !

Bertrand Chamayou est rappelé, mais les applaudissements restent relativement mesurés au regard de la qualité du concert. Étonnant, mais c’est ainsi.

Il nous offre deux bis : Trois oiseaux du paradis et Jeux d’eau. Un Ravel qui nous semble très proche de l’esthétique impressionniste, même si lui-même rejettera plus tard cette étiquette et on comprend qu’il ne souhaitait pas être cantonné à un style qu’il jugeait réducteur. Ses recherches iront ailleurs. Mais ici, les effets de ruissellement, les sonorités chatoyantes, scintillantes, et aquatiques, forcément… sont bien là. Ce pouvoir évocateur, cette poésie, ces émotions et ces images, on les retrouve dans bon nombre de ses pièces.

Arrive le Boléro, sans doute l’œuvre la plus populaire de Ravel. Hypnotique par ses thèmes répétés, ce crescendo qui nous magnétise… La tension est maintenue par tous, à tous les pupitres, chaque instrument entre en jeu, chacun est essentiel dans cette montée en puissance. On imagine, ce soir-là encore, combien le rôle du tambour est primordial, lui qui doit garder ce rythme constant, régulier, sans aucune variation, tout au long d’une œuvre à la construction implacable. Quand l’explosion finale arrive, le point culminant, on pourrait parler de transe (qu’on nous pardonne !). Applaudissements à tout rompre, même les marches des gradins sont tambourinées par les pieds.

Mais quel bis offrir après le Boléro ? Est-ce bien raisonnable ? Oui : le choix est judicieux. Tableaux d’une exposition de Moussorgski orchestrés par Ravel, ou comment nous offrir encore de nouvelles couleurs ? La Grande Porte de Kiev est, elle aussi, un monument : cuivres éclatants, carillons cristallins, timbales aux accents solennels, harpes aux arpèges scintillants… on ne peut tout citer. Mais tout l’orchestre, grandiose, nous libère de l’obsession cultivée dans le Boléro.

Le contraste est parfait. Et ce choix révèle encore les multiples visages du génie de Ravel.

D’autres concerts à ne pas manquer
Nikolaï Lugansky – Piano
Beethoven – Schumann – Wagner – Liszt
Parc du Château de Florans
Jeudi 31 juillet à 21h00

Nous l’avions aimé lors d’un concert à La Roque d’Anthéron en 2022, autour de Beethoven.https://wukali.com/2022/07/29/sous-les-doigts-magnetiques-de-nikolai-lugansky-a-la-roque-dantheron/17393/  Un moment marquant.

Concert admirable encore en 2023, avec un Rachmaninov offert avec une grande générosité.https://wukali.com/2022/07/29/sous-les-doigts-magnetiques-de-nikolai-lugansky-a-la-roque-dantheron/17393/   . 

Nous n’avions pas pu venir au rendez-vous de 2024. Une chose est sure, bien qu’on le fréquente depuis longtemps, Lugansky parvient encore à nous émerveiller.

Autres rendez-vous magnifiques
le vendredi 1 er aout, à 21 h, dans le parc du château de Florans.  Un programme chambriste de haut vol, réunissant Renaud Capuçon, Gérard Caussé, Paul Zientara, Clemens Hagen, Lorraine Campet et Guillaume Bellom.
Toutes générations confondues, des talents reconnus autour de Schubert et Strauss.

Incontournable également, Víkingur Ólafsson, dont la sensibilité nordique, à la fois mystérieuse et singulière, ne cesse d’étonner. On l’écoutera dans un programme consacré à Bach, Beethoven et Schubert.
Parc du Château de Florans
Samedi 2 août à 21h00

Et n’oublions pas Arcadi Volodos, dont l’exigence pianistique n’est plus à démontrer. Il interprétera des œuvres de Schubert et des transcriptions de Schubert par Liszt. Parc du Château de Florans, Dimanche 3 août à 21h00
Nous avons évoqué ses concerts à plusieurs reprises, notamment un récital inoubliable donné à La Roque d’Anthéron il y a quelques années : 

Le festival bat son plein.
Programme complet sur le
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