Norfolk, état de Virginie, Etats-Unis d’Amérique. Dans les années quatre-vingt, ils sont quatre collégiens, issus de la classe moyenne, plus proches de la pauvreté que de la réalisation du fameux, fumeux, « rêve américain ». Des adolescents en révolte (c’est une redondance) qui expriment à travers la musique, leurs colères, leur révolte, leur volonté de destruction, leur fascination pour la mort. C’est l’époque du «métal», des punks, enfin de tout ce que la société américaine a engendré de violent après le rock.
Ils sont quatre donc, Eric le bassiste, Jeff le chanteur, Doug le batteur, Seth le guitariste et forment ainsi le groupe Obliterator. Comme bien des jeunes, ils ont monté leur groupe qui a eu un tout petit succès d’estime dans le canton. Mais Seth part et le groupe se disloque, chacun suivant son chemin.
Eric ne se remet pas du départ de Joanna, son grand amour de jeunesse, il a bien essayé de faire une carrière de musicien, mais fasse à l’échec, il est retourné à Norfolk où il vivote. Jeff est devenu agent d’assurance, s’est marié, a une fille de 17 ans rigoriste et quelque peu bigote. Doug aussi est resté à Norfolk et lui aussi enchaîne petit boulot sur petit boulot. Et Doug apprend qu’il est malade. Comme son assurance maladie ne lui paiera pas le traitement médical qu’il ne peut financer, il assume le fait qu’il ne lui reste que six mois à vivre.

Or au même moment, une gloire mondiale de rock, Ken Wahl, en mal d’inspiration, lance un concours dont le vainqueur fera la première partie de sa prochaine tournée. Doug envoie un vieil enregistrement. Bien sûr, leur style est totalement démodé et ils ne remportent pas le concours. Non, c’est un groupe suédois que Ken n’apprécie pas, mais il se laisse convaincre car même s’il n’y a plus l’âme du début, le rock est régi avant tout par les lois du marketing. Pour autant, le rock star est touché par la musique des anciens dans laquelle il retrouve ses motivations d’origine. Aussi, envoie-t-il de l’argent à Doug pour qu’ils viennent le voir à San Francisco.
Doug réussi à convaincre Eric et Jeff de venir et engage un jeune guitariste, Scott, aussi révolté qu’eux. S’en suit une tournée à travers le pays, de bars en petites salle de spectacles, de motels de seconde zone en hôtels miteux. Ils croiseront même Seth qui assume ses choix et reconnait avoir perdu ses élans, ses envies de son adolescence.
Ils finiront par rencontrer Ken qui les a aidés durant leur tournée. Doug finira par voir ce fils dont quelques mois avant il ignorait l’existence, Joanna réapparait et explique son départ précipité et ses choix de vie. Leur chemin s’achève sur la côte ouest où Doug finit par s’éteindre.
Roman sur l’amitié, sur le non-renoncement des rêves malgré les coups que donne la vie. Roman sur cette « classe moyenne » blanche américaine, déclassée, quelque peu résignée, non sur son impression de déclassement, mais sur la violence d’une société que, de fait ils ne remettent pas en cause, ils la critiquent (quand ils sont jeunes) mais en connaissent tous les rouages, toutes les règles et n’imaginent pas qu’elles puissent évoluer. Ils sont pauvres, donc moches. Ils ont conscience que le vrai moteur de leur pays c’est l’argent, que de ne pas en avoir suffisamment au-delà des besoins primaires, c’est assumer qu’il faut disparaitre. Nous sommes très loin de notre société française. Mais c’est la réalité des Etats-Unis d’Amérique, réalité que bien peu (dans les médias français) n’osent décrire.
Jean Michelin ne fait que nous montrer le côté (très) obscure de cette société où la consignation sociale dès la naissance est particulièrement forte, et où l’argent est devenu une vraie idole.
Nous les moches
Jean Michelin
éditions Héloïse d’Ormesson. 20€
Illustration de l’entête: WhatCulture.com
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