S’il y a bien un poète russe du XXè siècle qui bénéficie d’une renommée internationale, c’est sans le moindre doute Vladimir Vladimirovitch Maïakovski. Je ne vais pas me lancer dans une analyse de son œuvre et du mouvement futuriste dont il fut le chef de file, il y a des études savantes qui l’ont fait bien mieux que moi. Il en est de même pour les biographies de cet auteur. Voyons plutôt le roman de Yoann Iacono dont il est le héros !

Yoann Iacono invente un personnage, fils adultérin de Maïakovski, qui part sur les traces de son père. Il est français. Sa mère était une amie d’Elsa Triolet (une ancienne maitresse de Maïakovski et sœur du grand amour du poète : Lili Brik) qui a eu une relation avec lui. Il était parti de Paris quand elle a accouché et il n’a jamais rencontré son père. L’idée (excellente) d’un fils « caché », es en soit crédible, car Maïakovski a eu au moins une fille, fruit d’une liaison avec une Américaine. Il n’est donc pas inconcevable qu’il ait eu d’autres enfants d’autres liaisons tant elles furent nombreuses.
Ainsi, remonte-t-il l’histoire de son père, de sa naissance dans un foyer de la petite bourgeoisie rurale, à son suicide. Il montre certains de ses traumatismes comme son obsession de l’hygiène qui serait due à la mort de son père du tétanos et surtout son amour fou pour Lili Brick, la vie qu’il mena au sein du couple Brick. Il montre aussi sa soif de la liberté, aussi bien dans sa vie personnelle que dans son œuvre. Militant dès son adolescence dans les milieux révolutionnaires (ce qui lui valut quelques passages en prison), il adhère totalement à la révolution de 1917. Mais il déchante très vite, car les bolchéviques n’entendent pas laisser la création artistique s’exprimer hors du cadre défini par eux. Un moment en disgrâce, Maïakovski trouve un soutien auprès de Lénine et devint un poète recherché, adulé. Au prix de sa liberté ? Vaste sujet ! Quoi qu’il en soit, son statut lui permet de voyager à l’étranger, de s’exprimer. Même Staline ne le persécute pas. Mais c’est au prix de tant de contorsions, de compromis, aussi est-il épuisé et l’éloignement (et les infidélités) de Lili n’arrange rien. Et puis c’est son suicide le 14 avril 1930 d’une balle en plein cœur. Et c’est surtout ce dernier vers, retrouvé sur sa table de travail, plus beau vers, pour moi, de la littérature mondiale « la barque de l’amour s’est brisée sur le bit ». Le bit est un concept symbolique de l’âme slave. On le traduit en quotidienneté, mais c’est plus que çà, il y a dans ce mot, tout ce qui est petit, mesquin dans cette quotidienneté, dans cette routine. Ce vers est bien le symbole d’un homme que le réel n’arrive pas à rendre totalement libre aussi bien dans sa pensée que dans sa vie privée.
Cette fiction autour de Maïakovski est aussi pour Yoann Iacono l’occasion de disserter sur l’art, sur la création artistique, sur l’art officiel (n’oublions pas qu’en France le château de Versailles est le symbole de l’art officiel, et on pourrait citer Westminster en Angleterre ou le Panthéon en Italie). A qui appartient l’art : à ceux qui créent ou à ceux qui l’aiment, ou au deux ? A qui appartient l’œuvre ? La commande sociale est-elle un signe de servilité pour le créateur ? N’est-elle pas le moyen privilégié pour faire connaitre au plus grand monde la création ?
Essenine, Pasternak, Bourliouk, Maïakovski, Gorki et bien d’autres, ces immenses artistes russes du début du XXè siècle, nous apportent la preuve que les réponses à ces questions ne sont pas ( et loin de là) évidentes et surtout très diverses ainsi du suicide, lde ’exil, de la soumission totale ou partielle. Au lecteur de se faire une idée !
Les vies secrètes de Vladimir
Yoann Iacono
éditions Istya & Cie. 20€
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